Juridicorocambolesque

de Christine laurent

Un monde feutré avec ses voies impénétrables. Réservé aux seuls initiés qui en maîtrisent les codes, les us et coutumes, le jargon. Ne pas mot dire, ou le moins possible, le devoir de réserve, on connaît la chanson. Malheureusement, pour ce petit monde-là, des fissures, ici et là, d’abord insidieuses, aujourd’hui bien visibles, lézardent le bel édifice. Des erreurs judiciaires, des libérations mal venues, des juges en bisbrouille. Bref, ça tangue depuis pas mal de temps déjà au c£ur des palais de justice. C’est le moment choisi par Ghislain Londers, premier président de la Cour de cassation, pour épaissir un trouble déjà bien palpable. Une véritable tornade, une onde de choc qui provoquera la chute du gouvernement avec, en prime, les scalps de Leterme et Vandeurzen brandis sur la place publique. Du jamais-vu ! Une sacrée pagaille dans le sérail.

Au-delà de l’aspect dramatique de ces péripéties juridicorocambolesques apparaît, inévitablement, en creux un vieux débat, LE débat : les limites floues, les eaux troubles entre le Parlement, l’exécutif, le judiciaire. Comment travailler ensemble sans empiéter sur les prérogatives de l’autre, sans porter atteinte à la sacro-sainte séparation des pouvoirs, le n£ud gordien du Fortisgate? Une affaire foudroyante qui doit beaucoup à un manque total de sang-froid des acteurs impliqués. Tous les ingrédients réunis pour un psychodrame. Révélant ainsi, sous le regard, d’abord incrédule puis effrayé du citoyen, la guerre impitoyable à laquelle se livrent nos élites.

Lois mal ficelées, difficiles à appliquer pour les uns. Monde judiciaire sclérosé qui refuse de se remettre en question pour les autres. Exécutif velléitaire et interventionnisteà Les noms d’oiseaux fusent. Voici venue l’heure des règlements de comptes.

Débat cornélien. Et pourtant, on le sait bien, les frontières entre les trois pouvoirs ne peuvent être figées. Comment les interconnecter sans provoquer un contrôle de l’un sur l’autre ? Sans substitution de l’un à l’autre ? Pis. Comment neutraliser les suspicions mutuelles, la méfiance abyssale, les susceptibilités ? Vaste chantier dont on ne peut plus faire l’économie désormais. Avec, en ligne de mire, le malaise réel de magistrats accusés d’être emmurés dans leur tour d’ivoire, de ne pas accepter l’autocritique. Sous les plis des robes et des toges ne sont-ils pas, eux aussi, des hommes et des femmes comme les autres ? s’interrogent certains. Avec leurs richesses et leurs faiblesses ? Perfectibles, comme chacun d’entre nous ?

Oui, les dysfonctionnements sont bien réels au sein des palais. Oui, une nécessaire réforme, avec des moyens, cette fois-ci, est indispensable. Apparemment, le ministre de la Justice Stefaan De Clerck s’y attelle. Reste que celle-ci ne pourra aboutir que si elle s’inscrit dans un véritable cadre démocratique qui voit le Parlement (représentant du peuple) et l’exécutif jouer, eux aussi, leur rôle pleinement. Dans la transparence et la clarté.

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