» JE NE SUIS LE PORTE-PAROLE DE PERSONNE « 

Sa vidéo sur les attentats de Bruxelles a été vue plus de 9,6 millions de fois. Mais Gui-Home, 24 ans, préfère débusquer ses vannes dans le quotidien.  » Et si elles délivrent un message, je n’en réalise jamais la portée « , lâche-t-il.

 » Mais qu’est-ce que vous foutez dans ma chambre ?  » Le regard perplexe derrière ses grandes lunettes, casquette sur la tête, Gui-Home interpelle la salle archicomble du théâtre de Namur. C’est là, dans ce décor de chambre d’ado en crise avec les parents et les profs, qu’il se sent le mieux. Et le carton plein de sa vidéo postée après les attentats de Bruxelles ( » Je vais leur foutre mon Stabilo dans le cul, ils nous feront chier en couleur comme ça « ) n’y change rien. Une capsule  » un peu plus symbolique « , tout au plus. Mais qui n’annonce pas un tournant dans l’humour volontairement naïf du Namurois.

Votre vidéo sur les attentats se démarque de vos autres sketches et de votre spectacle, ancrés dans le quotidien. Pourquoi avez-vous choisi d’en parler ?

C’est la première fois que je m’autorisais à évoquer un événement aussi grave. Si cette vidéo a beaucoup parlé aux gens, c’est malheureusement parce que c’est devenu un sujet du quotidien. Elle a la particularité d’avoir été faite à chaud. Après les attentats de Paris, j’avais attendu dix jours avant d’oser lâcher trois répliques, parce que je sentais que je sortais de mon registre habituel. Quand c’est arrivé ici, j’ai décidé de la poster directement. Je trouvais juste qu’il était cohérent, avec une communauté comme la mienne, de me rendre présent dans un moment aussi difficile.

L’humour est devenu une arme face à l’ignominie ?

Pour le moment, c’est en tout cas la seule arme qu’on a, parce qu’on ne réalise pas du tout ce qui se passe. Je constate, à mon modeste niveau, un basculement de l’histoire que je ne parviens pas à m’expliquer. En ce sens, l’humour est juste une arme de self-défense, de protection. Parce que la meilleure arme qui soit, en fin de compte, c’est le savoir. Voilà pourquoi, dans cette vidéo, très instinctivement, je dis aux terroristes que je leur balance mes syllabi à la gueule et que je retourne à l’école. Quand tous les jeunes auront appris, via les profs, les parents ou les médias, ce qui se passe vraiment et pourquoi le peuple belge n’est pas plus courageux qu’un autre, là nous aurons une vraie arme.

Même lorsqu’ils portent sur l’école, vos sketches ont donc un message à délivrer ?

Mon intention première n’est pas de faire passer un message. Et si mes vidéos en ont, je n’en réalise jamais la portée. Je ne suis le porte-parole de personne. D’autant que je suis suivi par des gosses de 7 ans et par des grands-parents. La capsule des attentats sera-t-elle un élément déclencheur pour moi dans une nouvelle manière de traiter l’actualité ? Je ne peux pas encore dire oui ou non à ce stade, même si mon personnage va grandir. Si demain, je monte un sketch sur le fait de devoir aller à l’école en vélo à cause d’une grève des bus, le sujet paraît débile par rapport aux attentats. Mais à l’échelle de mon personnage, c’est la même gravité. Parce qu’il ne sait pas ce qui se passe, parce qu’il parle, tout simplement. C’est dans ce sens-là que je continuerai mes vidéos.

ENTRETIEN : CHRISTOPHE LEROY

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