En Wallonie, on parle aussi le néerlandais

Flamands et Néerlandais sont toujours plus nombreux à s’installer en Wallonie. Du coup, leur langue y est davantage parlée. Cela ne tracasse pas les Wallons : mieux, ils leur offrent des facilités !

En Wallonie, une entreprise affiche :  » Ici, on ne parle pas néerlandais.  » En Flandre, une société du même type annonce :  » Ici, on ne parle pas, on travaille.  » Ce  » bon mot  » compte plusieurs variantes dans le nord du pays. Pourtant rien n’est plus faux : on parle de plus en plus le néerlandais en Wallonie.  » Les écoliers wallons optent davantage pour le néerlandais comme première langue étrangère, signale Guy Janssens, professeur à l’ULg. Jusqu’il y a quinze ans, les Wallons étaient persuadés qu’avec le français on allait partout. A l’école, ils apprenaient une langue étrangère, sans être motivés. Entre-temps, le monde a fort changé et les francophones découvrent que le français seul ne les mène plus très loin. « 

Le plus Wallon des Flamands, le journaliste Guido Fonteyn, constate lui aussi que  » la connaissance du néerlandais a fait de grands bonds en avant en Wallonie. Pour quelles raisons ? La force d’attraction de l’économie flamande a été déterminante, mais aussi une nouvelle prise de conscience : si les Wallons veulent rester belges, ils doivent apprendre la langue de l’autre communauté « . Ajoutons-y le nombre croissant d’entreprises flamandes attirées par les bonnes perspectives wallonnes : depuis 2000, 197 d’entre elles se sont implantées dans le sud du pays, en investissant, au total, 970 millions d’euros, avec, à la clé, la création de 3 116 emplois. L’Agence wallonne à l’exportation (Awex), qui donne ces chiffres, croit que ces sociétés sont en réalité bien plus nombreuses. En tout cas, quand celles-ci engagent, elles stimulent l’usage du néerlandais.  » Il y a dix ou vingt ans, le néerlandais était encore méprisé, mais cette mentalité a évolué « , note Alphi Cartuyvels, de l’Awex.

Le nombre de familles flamandes qui s’installent en Wallonie ne fait qu’augmenter : plus de 8 000 en 2006. Le bourgmestre de Beauvechain, Marc Deconinck (PS), estime que de 10 à 15 % de ses administrés sont néerlandophones. L’émergence de  » cités-dortoirs  » l’inquiète, car ces Flamands travaillent surtout en Flandre et à Bruxelles, et envoient leurs rejetons à l’école flamande.  » Ils sont attirés par le caractère rural et la convivialité, poursuit Deconinck. Mais si vous ne participez pas à la vie communale, à quoi bon ?  » En revanche, son collègue Philippe Mettens, de Flobecq, se félicite de la  » parfaite intégration  » des Flamands dans sa commune.

Et si ces Flamands exigeaient des facilités ? En 1999, le parti V.L.A.A.M.S. s’était présenté en Wallonie : un succès d’estime, sans lendemain. Neuf ans plus tard, un Flamand se frotte à nouveau à la politique wallonne : Rudy Aernoudt, fondateur de LiDé, prône une meilleure efficacité de l’administration. Le bilinguisme figure également à son programme. La communication officielle des communes wallonnes en deux langues ?  » Pourquoi pas ? répond-il. Les Wallons font bien plus d’efforts pour parler le néerlandais que les Flamands pour apprendre le français.  » Aernoudt s’attend à ce que d’autres Flamands suivent son exemple. Mais Guido Fonteyn ne lui promet guère de succès :  » L’idée qu’un Flamand « va sauver la Wallonie », ça ne va pas, réagit Fonteyn. La Wallonie ne correspond pas du tout à cet Etat dans le besoin cher à Aernoudt. En plus, il a un fort accent quand il parle français. Non, la Wallonie n’est pas un terreau fertile pour un politique flamand. « 

 » Les Néerlandais ont un niveau de français assez basique « 

En Wallonie, il n’y a pas que les Flamands. Le nombre de Néerlandais y a doublé ces quinze dernières années. Début 2008, ils étaient 8 175 en Wallonie, sans compter les secondes résidences. En fait, il ne s’agit pas de chiffres frappants, mais le Néerlandais a tendance à se faire remarquer plus rapidement que le Flamand. C’est la conviction du journaliste néerlandais Ren de Vree, qui s’est installé voici quatre ans à Roy (Marche-en-Famenne). Il a lancé le site waalsweekblad. be, où il rassemble et traduit des infos de Wallonie. Aucun Flamand n’a pris pareille initiativeà De Vree est également cofondateur de la section liégeoise de l’ordre du Prince, qui vise à assurer le rayonnement de la culture néerlandaise.  » J’aimerais mettre à la disposition des bibliothèques wallonnes davantage d’ouvrages en néerlandais, car, jusqu’à présent, c’est un peu le désert « , dit-il.

Comme partout, les Néerlandais recherchent leurs congénères.  » Ils font l’effort d’apprendre le français, mais leur niveau reste très basique « , reconnaît de Vree. Un club de Néerlandais de Wallonie vient d’ailleurs de naître : les Nederwalen, ou Wallandais. Mais cela ne les empêche pas de donner leur avis. Sur son site (bilingue) larochemoderne. com, René ter Kuile se bat contre  » la mentalité médiévale à La Roche « , sur un ton résolument pamphlétaire. La dénommée Lisa tient un blog un peu plus amical (Lisa in Luik), sauf quand elle parle des crottes de chien, photos à l’appui :  » Cher bourgmestre Demeyer, écrit-elle, pourriez-vous faire en sorte que nos enfants puissent jouer dehors ? Qu’on puisse se promener sans être agacés ? S’il vous plaît !  » Pour Ren de Vree, ce comportement est 100 % batave :  » Les Néerlandais sont plus remuants et plus assertifs « , analyse-t-il. Lui-même s’est inscrit pour voter aux communales.  » Quand on habite quelque part, c’est tout de même mieux d’avoir voix au chapitre. « 

Dans les Fourons, où ils représentent 17 % des habitants, les Néerlandais ont permis à la liste Voerbelangen de l’emporter en 2000. Les Wallons doivent-ils craindre cette vague néerlandophone ? A Profondeville, où leur nombre est en augmentation, ce n’est pas le cas. La commune a développé, spontanément, une brochure bilingue, avec infos administratives, sociales et touristiques, bien avant que Rudy Demotte (PS) s’en mêle.

En juillet 2008, le ministre-président wallon libérait 700 000 euros pour les communes qui aident les allophones dans leur langue. Certes, les lois linguistiques restent d’application, mais Demotte spécifie, par exemple, qu’un document nécessaire pour obtenir un permis de bâtir pourra être produit en néerlandais, s’il est complété en français. Liège se range parmi les communes qui ont sollicité le subside. La Cité ardente accueille de plus en plus de néerlandophones. D’ailleurs, elle n’a pas attendu ce financement pour ouvrir un guichet spécial à leur intention. Et si un groupe de théâtre flamand demandait un subside ?  » Aucun problème « , répond le bourgmestre Demeyer, qui rappelle que Liège est entourée de territoires néerlandophones, et que cela impose le  » respect « .

La Wallonie, plus ouverte ? Aernoudt en est convaincu :  » Les Wallons n’ont aucun problème avec le néerlandais. Comme les jeunes Flamands, ils n’ont que faire de BHV. Ils veulent d’abord collaborer.  » Guido Fonteyn n’a jamais senti des sentiments d’hostilité en Wallonie :  » Les Wallons n’ont pas de complexe linguistique comme les Flamands. L’explication en est évidemment historique : la Wallonie n’a jamais été flamandisée, alors que la Flandre a été complètement francisée. D’où les crispations en Flandre face à tout ce qui touche au français. Toute autre langue qui y surgit sera également vue comme un danger potentiel. Les communes flamandes sont donc moins accueillantes. Mais je trouve qu’il est temps de tourner la page.  » l

Bram Peeters Traduction/adaptation : François Janne d’Othée

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