Harry Mardulyn, de l'association Natagora. © DR

 » Ce n’est qu’une officialisation d’un état de fait « 

Pour la plateforme Stop aux dérives de la chasse, regroupant 60 associations (internationales, nationales ou francophones), les véritables enjeux dépassent les questions de durée de la période de chasse, comme l’explique Harry Mardulyn, de Natagora, qui a pour but de protéger la nature en Wallonie et à Bruxelles.

L’allongement de la période de chasse est en réalité une officialisation d’un état de fait. Depuis des années, l’administration octroie aux chasseurs des dérogations pour organiser des battues au-delà des dates de fermeture. Il s’agit en réalité d’allonger la période de chasse  » loisir « , avec comme conséquence un prolongement de la restriction d’accès à la forêt aux autres utilisateurs que sont les promeneurs, les naturalistes, les photographes, les amoureux de la nature, etc.

La raison invoquée par le ministre Borsus est de réduire la surabondance des populations de grands ongulés (sangliers et cervidés). Or, malgré des mesures prises depuis des décennies, leurs populations ont littéralement explosé : en trente ans, la population des cervidés a triplé et celle des sangliers a été multipliée par six ! Avec des conséquences affligeantes pour la biodiversité de nos forêts, des dégâts importants à l’agriculture et des crises sanitaires comme celle de la peste porcine africaine.

En fait, 40 % de nos forêts sont en mauvais état de conservation. Disparition de la régénérescence naturelle, destruction systématique de l’avifaune nichant au sol (pipit, gélinotte aujourd’hui éteinte, perdrix grise, tétra lyre…), destruction des amphibiens et des reptiles (vipère péliade en danger d’extinction), destruction massive des larves d’insectes vivant dans le sol, raréfaction de plantes indigènes rares comme les orchidées sauvages, etc.

Certaines communes (Nassogne, Libin) risquent même de perdre leur certification PEFC (NDLR : certification forestière privée qui promeut la gestion durable des forêts) en raison du mauvais équilibre  » forêt-gibiers  » de leurs bois, ce qui impacterait fortement leurs revenus d’exploitation forestière. Wellin l’a déjà perdue pour la deuxième fois et les bois de la Donation royale de Ciergnon sont également menacés.

N’écoutant que le monde de la chasse, les ministres wallons successifs et leurs administrations n’ont fait que perpétuer une situation qui échappe aujourd’hui à tout contrôle. Une des causes fondamentales est à rechercher dans le nourrissage artificiel en forêt, que le gouvernement wallon continue d’autoriser. Il est pourtant urgent et indispensable d’interdire toute forme de nourrissage artificiel, comme l’ont d’ailleurs fait nos voisins luxembourgeois, ainsi qu’allemands pour les Landers voisins, de Rhénanie Palatinat et de Rhénanie Westphalie.

L’officialisation de l’allongement des dates de chasse n’est donc en réalité que la pointe de l’iceberg.

Le bien-être animal est tristement absent des préoccupations du monde de la chasse. Les lâchers massifs de faisans et de perdrix grises organisent un véritable tir aux clays vivantes, la chasse au renard, considéré comme nuisible, ignore son rôle essentiel dans la régulation des micro-mammifères, la chasse à l’arc, préconisée par certains, est une pratique barbare et honteuse. La  » poussée silencieuse  » pratiquée largement en Allemagne, au Grand-Duché de Luxembourg et dans nos communes germanophones ne présente aucun stress pour les animaux : ceux-ci sont poussés en silence et doucement par les rabatteurs vers les chasseurs. Elle devra un jour remplacer les battues  » à cor et à cris « , indignes de notre humanité.

Il est urgent et indispensable d’interdire toute forme de nourrissage artificiel.

La plateforme Stop aux dérives de la chasse (1) comprend à ce jour 60 associations dont le WWF, La Ligue royale belge pour la protection des oiseaux, Gaïa, Natagora et d’autres regroupant l’environnement, le scoutisme, la protection de la nature, des cyclistes, des VTTistes, des protecteurs et d’autres usagers de la forêt. Elle représente une coalition de plusieurs centaines de milliers de membres, qui méritent tout autant l’attention du ministre Borsus que le monde de la chasse, lorsqu’il rédigera son nouvel arrêté quinquennal.

Notre plateforme demande que le nouveau décret que le ministre s’apprête à prendre dans l’urgence, soit limité à un an et qu’une large concertation incluant tous les utilisateurs de nos forêts soit associée à la rédaction d’un nouvel arrêté quinquennal qui couvrirait alors la période 2021-2026.

C’est à ce prix que le monde de la chasse délaissera des pratiques du xixe siècle pour entrer dignement dans le xxie siècle.

(1) stopderiveschasse.be

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