Acropole Lumières de marbre

Avec des années de retard, le nouveau musée consacré aux sculptures de l’antique colline d’Athènes vient d’ouvrir ses portes. Visite guidée dans le berceau de l’art occidental.

L’éveil de l’Homme

C’est le vestige du fronton du temple archaïque dédié à la déesse Athéna, l’Hécatompédon. Erigé au début du vie siècle avant Jésus-Christ, sur les fondations d’un ancien palais mycénien, il a précédé le Parthénon voulu par Périclès. Le héros Héraclès affronte, au nom de l’humanité, un monstre tricéphale (ici, sur la photo), incarnation des trois éléments (air, eau, feu). C’est la civilisation se dressant face aux forces brutes de la matière. C’est l’homme qui, déjà, cherche à se rendre maître et possesseur de la nature. C’est la promesse de l’aube de l’Occident. En une image gravée dans la pierre, tout est dit : l’homme prend en main son destin. Après le régime aristocratique et la tyrannie, l’avènement de la démocratie athénienne se profile.

Le bâtiment

Trente ans après que la décision eut été prise, le nouveau musée de l’Acropole, à Athènes, a enfin vu le jour. Dessiné par le Franco-Suisse Bernard Tschumi, le nouveau bâtiment a été inauguré le 20 juin, cinq ans après la date initialement prévue, celle des Jeux olympiques dans la capitale grecque. Toute l’architecture du lieu n’a été conçue qu’afin de participer au culte du temple d’Athéna. La rampe qui monte du rez-de-chaussée évoque l’ascension des citoyens recueillis gravissant les pentes du sanctuaire. Les différents niveaux décomposent chronologiquement et verticalement les sculptures de l’Acropole. Au pied de la colline sacrée, l’édifice déploie sa façade arrière, voile de verre gonflée par le souffle de l’Histoire, d’où le regard du visiteur embrasse avec émotion le Parthénon. Le musée n’est que l’écrin des joyaux de la colline sacrée de l’antique cité de la déesse.

L’offrande à la déesse

Cet ex-voto du Moschophoros (ou l’homme porteur du veau) a été offert par un certain Rhombos, fils de Palos, indique la dédicace, vieille de 2 600 ans. Il était probablement riche, certainement pieux. Dans ce style que les historiens de l’art nomment  » sévère « , le hiératisme l’emporte encore sur l’identification de l’individu. Mais, déjà, l’amorce du décollement des bras, l’esquisse d’un sourire, l’illumination d’un regard où l’on devine la reconnaissance, tout suggère que la forme de la représentation est entrée en mutation. Autant de prémisses de l’art occidental.

Les gardiennes du temple

Elles étaient six à l’origine. Toutes vêtues de vertu candide et d’un peplos (tunique) savamment plié. Sur le site, elles supportaient la corniche d’un petit porche dans le temple de l’Erechthéion. Leur disposition dans le nouveau musée permet de les contourner et de les découvrir de dos. Surprise ! Chacune de ces vierges sages pleines de grâce est parée d’une coiffure différemment tressée. Chaque fois, ni tout à fait la même ni tout à fait une autreà En les caressant du regard, revient à l’esprit le mot d’ordre lancé par Périclès aux sculpteurs dirigés par Phidias :  » Nous aimons la beauté dans la simplicité. « 

Les frises perdues

A hauteur de regard dans une salle à l’exacte dimension du Parthénon, toute la Ville Lumière de la Grèce antique est là, ressuscitée dans la représentation des Grandes Panathénées, fête durant laquelle les habitants offraient à la statue de bois de leur déesse le peplos tissé par les arréphores, ces fillettes vouées au tissage sacré. Etalons aux naseaux frémissants, génisses poussées au sacrifice, éphèbes prêts à enfourcher leurs montures, artisans de l’Attique avec leurs femmes : c’est plein de vie, de bruit, d’odeurs. Le peuple de la cité palpite, vibre, tressaille dans son linceul de marbre. Ces frises dans lesquelles la Grèce d’aujourd’hui lit encore son âme sont éparpillées dans divers musées européens ; la plus belle partie trône au British Museum, à Londres, depuis que lord Elgin les acheta au représentant du sultan ottoman dont l’empire s’étendait alors jusqu’à la Grèce. Sans conteste, même si aucun Grec n’est prêt à l’admettre, cet enlèvement – un  » pillage  » pour les Athéniens – sauva les sculptures. Il suffit de voir la différence entre les fragments longtemps restés à l’air libre et rongés par la pollution de la capitale grecque et, juxtaposés, les moulages des morceaux conservés dans les salles de Londres.

Forte de son nouveau musée, la Grèce revendique plus que jamais le retour des frises. Dans un mouvement dramatique, le ministre de la Culture, Antonis Samaras, replaçait lui-même, le soir de l’inauguration, une pièce dans le puzzle de marbre. En adressant une prière muette à la déesse.

Musée de l’Acropole, à Athènes www.theacropolismuseum.gr

(en anglais et en grec uniquement).

Jean-Michel Demetz

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