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Viktor Orban, l’ancien dissident devenu maître, aussi talentueux que dangereux, de la Hongrie

Le Vif

Viktor Orban, qui organise dimanche un référendum destiné à plébisciter sa politique anti-réfugiés en Hongrie, est un ancien libéral qui assume depuis 2010 un style autoritaire et xénophobe malgré les critiques de ses partenaires européens.

Juin 1989: cheveux au vent et chemise blanche, ce jeune fonctionnaire de 26 ans encore largement inconnu défie le régime communiste à Budapest avec un discours enflammé pour la liberté, lors d’une cérémonie d’hommage aux victimes du soulèvement hongrois de 1956.

Cofondateur un an plus tôt de l’Alliance des jeunes démocrates (Fidesz), il devient le symbole des aspirations de la Hongrie à se libérer du totalitarisme et à adopter les valeurs occidentales.

Premier ministre en 1998, il doit abandonner le pouvoir quatre ans plus tard après une cuisante défaite face au Parti socialiste, héritier des anciens communistes. Une humiliation qu’il n’oubliera jamais.

Revenu au pouvoir en 2010, alors que le pays est profondément ébranlé par la crise économique, il entreprend de cimenter l’emprise de son parti sur toutes les institutions du pays au nom du salut de la « nation hongroise ».

Grâce notamment à une révision en profondeur de la constitution, dans laquelle ce père de cinq enfants, aujourd’hui âgé de 53 ans, fait graver les valeurs du « christianisme » et de la « famille traditionnelle », il s’assure le contrôle de l’appareil judiciaire, de la banque centrale et de la majorité des médias, et étend son influence sur l’économie et la culture.

« Le plus talentueux et le plus dangereux »

Confortablement réélu en 2014, il revendique l’exercice d’une « démocratie non-libérale » et proclame son admiration pour le président russe Vladimir Poutine, qu’il est le premier dirigeant de l’UE à accueillir après l’annexion de la Crimée.

Les critiques de l’Union européenne ou des Etats-Unis sur l’atteinte à l’équilibre des pouvoirs n’infléchissent que marginalement sa politique. « La Hongrie a été exclue du courant dominant en Europe », a constaté M. Orban lors d’un discours cet été. « Mais quand le courant dominant a des problèmes, en être exclu est un avantage », s’est-il enorgueilli, prédisant qu’il ferait sans doute école au sein d’une Europe fragilisée.

En 2015, il fait de la lutte contre l’immigration son principal cheval de bataille, construisant une clôture barbelée de plusieurs centaines de kilomètres aux frontières serbe et croate pour bloquer le flux de réfugiés.

Porté par une croissance économique retrouvée, un chômage au plus bas (4,9%) et les sympathies de certains de ses pairs conservateurs européens, notamment en Pologne et au sein de la CSU bavaroise, Viktor Orban a réussi à rendre insignifiante son opposition de gauche et n’a plus comme véritable rival que le parti d’extrême-droite Jobbik. « Je le considère comme l’homme politique le plus talentueux et le plus dangereux depuis la chute du Mur en 1989 », confie le politologue Paul Lendvai, auteur d’une biographie du dirigeant.

Lignes rouges

Né le 31 mai 1963, Viktor Orban, un passionné de football, grandit dans une localité non loin de Budapest et passe par l’université d’Oxford grâce à une bourse du milliardaire d’origine hongroise George Soros, qu’il pourfend aujourd’hui.

Pour plusieurs analystes, tout son parcours se caractérise par le « pragmatisme ». « Jeune homme, il était déjà celui qu’il est aujourd’hui. Il a simplement perfectionné sa technique consistant à prendre l’initiative », estime M. Lendvai.

Ainsi, selon le politologue Balazs Orban, « il a constaté que depuis la crise (de 2008) le monde et l’ensemble du climat politique au sein de l’UE ont changé » et qu’il fallait « faire les choses différemment » en mettant en avant la « souveraineté nationale ».

Le discours anti-migrants lui-même relèverait d’un calcul politique, juge Andras Biro-Nagy de l’institut Policy Solutions : « Quand le thème des réfugiés est en haut du programme politique, la cote de Viktor Orban grimpe ou reste stable, quand il est absent, elle chute. »

Pragmatiste toujours, le dirigeant hongrois sait aussi faire machine arrière: il a renoncé en 2014 à un projet de taxe sur internet, autour duquel une nouvelle contestation se structurait, et enterré un impôt frappant le puissant groupe allemand Berthelsman.

En dépit des nombreuses procédures d’infraction engagées par Bruxelles, celui qui a été affectueusement appelé « dictateur » par le président de la Commission Jean-Claude Juncker, a toujours pris garde à ne jamais franchir complètement les lignes rouges européennes, alors que son pays dépend des fonds UE pour la quasi-totalité de ses investissements structurels.

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