Zine el Abidine Ben Ali en 2009. © Belga

Tunisie: décès en exil de l’ancien président Ben Ali, chassé par la rue en 2011

Le Vif

L’ancien président tunisien Zine el Abidine Ben Ali, dont le renversement début 2011 avait marqué le point de départ du « Printemps arabe », est décédé jeudi à Jeddah, en Arabie saoudite, où il vivait en exil, ont indiqué les autorités tunisiennes.

« Nous avons eu la confirmation de sa mort », a indiqué à l’AFP le ministère tunisien des Affaires étrangères, sans plus de détails.

Contacté par l’AFP, Mounir Ben Salha, avocat autoproclamé de Ben Ali, avait auparavant évoqué ce décès, citant comme sources sa famille et son médecin.

Après plus de deux décennies d’un pouvoir répressif, Ben Ali avait été renversé début 2011 par un mouvement populaire, point de départ d’une vague de révoltes dans la région qui font désormais partie des livres d’histoire sous le nom de « Printemps arabe ».

Il avait fui, le 14 janvier 2011, dans des conditions rocambolesques, vers Jeddah, en Arabie saoudite, où il vivait en exil avec sa famille.

Depuis cette date, la Tunisie, qui a vécu ce dimanche le premier tour d’une élection présidentielle libre, a poursuivi sur le chemin de la démocratisation, même si les difficultés politiques et économiques ont vu naître ces dernières années une forme de nostalgie dans une frange de la population.

Parallèlement, à l’exception de quelques photos postées sur Instagram, notamment par sa fille Nesrine, presque rien n’avait filtré de la vie en exil de l’ancien dictateur.

« Coup d’Etat médical »

Des rumeurs sur sa mort avaient toutefois circulé à plusieurs reprises ces dernières années.

Et, le 12 septembre, Me Ben Salha avait déclaré que le président déchu se trouvait « dans un état critique ».

Il avait ensuite démenti les rumeurs de décès. « Il n’est pas mort, mais son état de santé est mauvais. Il est sorti de l’hôpital et se soigne actuellement chez lui », avait-il indiqué à une radio locale.

Réagissant à ces « rumeurs », le Premier ministre Youssef Chahed avait assuré qu’il était prêt à donner son « feu vert pour son retour ».

« C’est un cas humanitaire. S’il est malade, comme le disent les rumeurs, il peut rentrer dans son pays comme tout Tunisien », avait dit M. Chahed, interrogé sur la chaîne Hannibal TV. « S’il veut rentrer pour être enterré ici, je donne mon feu vert ».

Peu après l’annonce du décès de l’ancien président jeudi, il n’était pas possible d’avoir confirmation du lieu des funérailles –Arabie saoudite ou Tunisie.

Procès par contumace

Issu d’une famille modeste du centre-est du pays et arrivé au pouvoir en 1987 par le biais d’un « coup d’Etat médical » contre le père de l’indépendance Habib Bourguiba, Ben Ali avait rapidement instauré un régime ultra-répressif.

Militaire de carrière formé en partie en France (Saint-Cyr) et aux Etats-Unis, « ZABA » (ses initiales) –comme le surnommaient ses opposants– s’est appuyé sur l’appareil policier pour étouffer toute contestation, ainsi que pour museler la presse et les syndicats.

Omniprésent avec ses portraits officiels qui le montraient souriant, les cheveux teints d’un noir de jais, il se targuait d’améliorer le niveau de vie de ses compatriotes et d’avoir « fait de la Tunisie un pays moderne ».

Mais, durant ces 23 années d’un règne de fer, Ben Ali et son épouse Leila Trabelsi ont mis l’économie du pays en coupes réglés.

L’étendue des atteintes aux droits de l’Homme a en outre été soulignée à partir de l’automne 2016 lors des auditions publiques de l’Instance vérité et dignité (IVD), créée après la révolution pour faire la lumière sur les crimes de la dictature.

Plus de 300 personnes sont notamment décédées durant la répression du mouvement de révolte né de l’immolation par le feu le 17 décembre 2010 d’un vendeur ambulant de Sidi Bouzid (centre), Mohamed Bouazizi, excédé par la pauvreté et les humiliations policières.

En 2018, à l’issue de procès par contumace pour « homicides volontaires », « abus de pouvoir » ou encore « détournements de fonds », Ben Ali avait été condamné à de multiples peines de prison, dont plusieurs à perpétuité.

Son renversement en 2011 a profondément bouleversé la face d’une partie du monde en constituant le point de départ du Printemps arabe, succession de mouvements de révoltes ayant notamment abouti à la chute de l’Egyptien Hosni Moubarak et du Libyen Mouammar Kadhafi.

Le décès de l’ancien dictateur intervient quatre jours après la tenue du 1er tour d’une présidentielle en Tunisie, scrutin qui doit permettre de consolider le processus démocratique dans l’unique pays rescapé de ce « Printemps arabe ».

Elle survient également dans le sillage de celle, le 25 juillet, de Béji Caïd Essebsi, premier président tunisien élu démocratiquement au suffrage universel direct, en 2014.

De maître tout-puissant de la Tunisie à l’exil

Maître tout-puissant de la Tunisie pendant deux décennies, symbole des régimes autoritaires arabes choyés par les Occidentaux, Zine El Abidine Ben Ali a été balayé par un soulèvement populaire à l’écho planétaire en 2011 et contraint à l’exil, avant de sombrer dans l’indifférence.

Issu d’une famille modeste du centre-est, Ben Ali, 83 ans, est décédé jeudi à Jeddah, en Arabie saoudite, où il avait trouvé refuge après avoir été chassé par la rue le 14 janvier 2011, premier coup de tonnerre d’un « Printemps arabe » qui emportera également l’Egyptien Hosni Moubarak et le Libyen Mouammar Kadhafi au cours des mois suivants.

Vingt-trois ans plus tôt, le 7 novembre 1987, c’est à la faveur d’un « coup d’Etat médical » contre le père de l’indépendance tunisienne Habib Bourguiba, autoproclamé président à vie, que Zine El Abidine Ben Ali accède au pouvoir.

« Un acte de redressement, de salut national », argue-t-il à l’époque. « Je devais rétablir l’Etat de droit (…). Le président était malade et il avait un entourage néfaste », explique-t-il dans un entretien à une chaîne française en 1988.

Ben Ali –successivement général, patron de la sûreté nationale, ministre de l’Intérieur puis Premier ministre au moment du coup d’Etat– instaure rapidement un régime répressif. Plus tard, c’est également son entourage qui sera conspué pour corruption et népotisme.

Car si dans la foulée du coup d’Etat ses partisans –et beaucoup de Tunisiens– le saluent comme « le sauveur » d’un pays à la dérive, la dictature s’enracine rapidement.

Militaire de carrière formé en partie en France (Saint-Cyr) et aux Etats-Unis, « ZABA » (ses initiales), comme le surnomment ses opposants, s’appuie sur l’appareil policier pour étouffer toute contestation, surtout celle des islamistes, ainsi que pour museler la presse et les syndicats.

Omniprésent dans la rue comme dans les médias avec ses portraits officiels qui le montrent souriant, les cheveux teints d’un noir de jais, il se targue d’améliorer le niveau de vie de ses compatriotes et d’avoir « fait de la Tunisie un pays moderne que bien des nations amies citaient en exemple ».

Clan familial

Père de six enfants, dont trois d’un premier mariage, il est souvent accompagné de sa seconde épouse Leïla, honnie par la population pour avoir, avec son clan familial, mis en coupes réglées l’économie du pays.

Dans le même temps, Ben Ali bénéficie du soutien sans faille d’une bonne partie de la communauté internationale: perçu comme un rempart contre les islamistes, il est loué pour la poursuite des politiques favorables à l’émancipation des femmes de Bourguiba.

Les quelques voix qui s’élèvent pour dénoncer les atteintes aux droits humains commises par celui que les Tunisiens ne critiquent qu’en chuchotant se voient aussitôt opposer le « miracle tunisien ».

En 2003, le président français Jacques Chirac résume ce concept d’une formule qui fera date: « Le premier des droits de l’Homme, c’est manger, être soigné, recevoir une éducation et avoir un habitat. De ce point de vue, il faut bien reconnaître que la Tunisie est très en avance sur beaucoup de pays », avance-t-il.

Mais l’image de carte postale se fissure inexorablement. Le chômage, la misère, la corruption et la marginalisation de régions entières culminent le 17 décembre 2010 avec l’immolation du marchand ambulant Mohamed Bouazizi, qui donne le coup d’envoi de la révolution.

Après un mois de manifestations et près de 300 morts, Ben Ali et son régime sont aux abois. Il fuit le 14 janvier 2011 avec sa femme et son fils vers l’Arabie saoudite.

Presque rien n’avait filtré de sa vie dans le royaume, à l’exception de quelques photos postées sur Instagram, notamment par sa fille Nesrine.

Ces dernières semaines, des rumeurs sur son état de santé avaient circulé. Mounir ben Salha, son avocat autoproclamé avait affirmé le 12 septembre qu’il se trouvait « dans un état critique ».

En Tunisie, où il a été plusieurs fois condamné par contumace à des peines de prison, l’homme a peu à peu sombré dans l’indifférence, même si face aux soubresauts de l’après-révolution certains se disent nostalgiques de la « sécurité » de façade qui prévalait sous son régime.

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