Donald Trump © Getty

Trump vs Twitter, le début d’un long bras de fer

Le Vif

Twitter met des avertissements sur les messages de @realDonaldTrump. Trump accuse Twitter de faire preuve d’activisme politique. Et les tweets fusent, dans tous les sens.

Difficile de deviner l’issue de cet affrontement d’un genre nouveau entre le président des Etats-Unis et ce réseau social qu’il dénonce, mais qui est aussi son principal outil de communication avec ses plus de 80 millions d’abonnés.

Cette guerre ouverte s’est déplacée vendredi sur un terrain dramatique: les affrontements à Minneapolis après la mort d’un homme noir, George Floyd, lors de son interpellation violente. Twitter a masqué un message du locataire de la Maison Blanche, jugeant qu’il était en violation de ses directives sur l’apologie de la violence. Le tweet reste cependant intégralement visible lorsque l’on clique sur le message.

« Ces CASSEURS déshonorent la mémoire de George Floyd, et je ne laisserai pas faire cela. Je viens de parler au gouverneur Tim Walz et lui ai dit que l’armée était pleinement à ses côtés », écrivait le président. « Les pillages seront immédiatement accueillis par les balles », ajoutait-il, dans une formule chargée. Quelques heures plus tard, il a précisé qu’il s’agissait « d’un fait », et qu’il ne voulait en aucun cas dire qu’il « souhaitait que cela se produise ».

https://twitter.com/TwitterComms/status/1266267446979129345Twitter Commshttps://twitter.com/TwitterComms

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« Intérêt du public »

Les messages présidentiels apparaissent également sur sa page Facebook, qui exempt les personnalités politiques de l’essentiel de ses mesures de lutte contre les contenus dangereux ou la désinformation, au nom de « l’intérêt du public » à se faire soi-même une opinion. « Personnellement, j’ai une réaction viscérale à ce genre de rhétorique clivante et incendiaire », a déclaré Mark Zuckerberg, le patron de Facebook, sur son profil. Mais « nous avons lu (le message sur les pillages) comme un avertissement de l’Etat et nous pensons que les gens ont le droit de savoir si le gouvernement a l’intention de recourir à la force », justifie-t-il. Jeudi, il avait déjà rappelé qu’à son avis les plateformes ne devraient pas se poser en « arbitre de la vérité ». Des propos répétés ensuite par Donald Trump.

Dans une escalade un peu ubuesque, le compte officiel de la Maison Blanche @WhiteHouse a, comme un défi, à son tour tweeté le message de Donald Trump sur Minneapolis. La plateforme américaine a, dans une réponse du tac-au-tac, émis le même avertissement: « Ce tweet a enfreint les règles de Twitter sur l’apologie de la violence. Toutefois, Twitter estime qu’il est dans l’intérêt du public que ce tweet reste accessible. » « Le président n’a pas fait l’apologie de la violence. Il l’a clairement condamnée », a commenté la Maison Blanche. « Les vérificateurs d’information de Twitter et de (son patron) Jack Dorsey, qui travaillent avec un parti pris et sont de mauvaise foi, l’ont clairement démontré: Twitter est un éditeur, pas une plateforme », a-t-elle ajouté.

https://twitter.com/WhiteHouse/status/1266452015493906435The White Househttps://twitter.com/WhiteHouse

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Le président américain avait signé jeudi un décret s’attaquant à la Section 230 du « Communications Decency Act ». Pierre angulaire de l’internet américain, elle offre notamment à Facebook, Twitter ou YouTube (Google) une immunité contre toute poursuite judiciaire liée aux contenus publiés par des tiers et leur donne la liberté d’intervenir sur les plateformes à leur guise.

« Que des conneries »

Le décret cherche à modifier le champ d’application de cette loi de 1996 et affirme que l’immunité ne peut s’étendre à ceux qui pratiquent la « censure de certains points de vue ». Plusieurs experts juridiques estiment que ce décret sera très difficile à appliquer légalement. « C’est une distraction, une façon d’effrayer les plateformes (bravo à Jack Dorsey qui ne se laisse pas intimider) et de les forcer à obéir (voyez les déclarations honteuses de Mark Zuckerberg) », a notamment commenté la professeure de droit Danielle Citron.

https://twitter.com/realDonaldTrump/status/1266346957611708417Donald J. Trumphttps://twitter.com/realDonaldTrump

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Dans le camp de Donald Trump, la mobilisation battait son plein vendredi. Le sénateur républicain Ted Cruz a appelé le ministère de la Justice à enquêter sur le réseau créé par Jack Dorsey pour non-respect des sanctions contre l’Iran, parce que la plateforme refuse de bannir l’ayatollah Ali Khamenei. Ajit Pai, le président de l’autorité fédérale de régulation des communications (FCC), appelée à agir dans le décret, a de son côté demandé à Twitter si les messages d’Ali Khamenei (qui appelle au jihad en Palestine, notamment) « n’enfreignaient pas les règles » du réseau sur l’apologie de la violence.

A cinq mois de l’élection présidentielle, cette polémique permet pour l’heure au milliardaire républicain, privé de meetings de campagne en raison du coronavirus, de galvaniser sa base électorale en dénonçant ce qu’il estime être une injustice. L’un des proches conseillers du président, Dan Scavino, qui s’occupe en particulier de sa stratégie sur les réseaux sociaux, a lui franchi un cap dans la virulence de ses attaques. « Twitter ne raconte que des conneries », a-t-il tweeté.

A qui profite le crime ?

Twitter savait que « l’enfer allait se déchaîner » sur la plateforme dès lors qu’elle épinglait des messages « trompeurs » de Donald Trump, et ce n’est pas fini, car les deux ennemis semblent déterminés à en découdre via des tweets et batailles en justice. Et Twitter a encore des munitions.

Le président américain a frappé un grand coup en signant le décret. Mais « Twitter fait preuve d’une volonté toute renouvelée d’appliquer ses règles », relève Daniel Kreiss, un professeur de l’université de Caroline du Nord, spécialisé dans la politique et les médias sociaux. Et la plateforme dispose d’une batterie d’outils pour modérer les contenus qui enfreignent son règlement. « La pandémie a fait évoluer la position de Twitter sur le potentiel dangereux de la désinformation », estime Tiffany Li, de la Yale Law School Information Society Project.

Outre le signalement et le « masque », Twitter peut avoir recours au « déclassement » (qui limite la visibilité) et même au retrait. « Je ne pense pas qu’il y aura de suppression » des messages de Donald Trump, note Daniel Kreiss, pariant plutôt sur les mesures qui limitent leur portée. La règlement de la plateforme indique que les « dirigeants ne sont pas totalement au-dessus de nos règles », et qu’elle se réserve le droit de retirer les tweets promouvant le terrorisme, la violence ou comportant des données privées sur d’autres personnes. Elle peut aussi suspendre ou supprimer des comptes pour des violations répétées.

Mais « ils ne vont pas vouloir prendre un tel risque » avec le compte du président, juge Steven Livingston, directeur de l’institut Données, Démocratie et Politique de la George Washington University. Twitter va devoir soigneusement évaluer sa capacité à résister si la Maison Blanche et ses alliés continuent de faire monter la pression, analyse-t-il.

Au final, le clash Twitter vs Trump pourrait bénéficier aux deux parties, observe Daniel Kreiss. « Ironiquement, c’est une bonne chose pour Twitter parce que le groupe se retrouve au centre d’un débat fondamental à l’approche des élections de 2020, et cela va augmenter l’utilisation de la plateforme », fait-il valoir. Le président a assuré pendant la signature du décret qu’il ne quitterait pas son réseau de prédilection, au motif qu’il ne pouvait pas s’en remettre à la presse américaine, « pas honnête ». Le conflit « lui donne des ailes et l’aide à mobiliser sa base », note Daniel Kreiss.

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