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Pourquoi le tsunami en Indonésie intrigue les scientifiques

Olivia Lepropre
Olivia Lepropre Journaliste au Vif

L’ampleur du tsunami catastrophique qui a touché l’archipel indonésien des Célèbes est une énigme. Le point sur les hypothèses scientifiques possibles.

Alors que le bilan humain du séisme suivi d’un tsunami sur l’archipel des Célèbes (Indonésie) s’alourdit de jour en jour, les scientifiques s’efforcent de comprendre pourquoi l’évènement a généré d’aussi grandes vagues. Le tremblement de terre était important (magnitude 7,5), mais il semble qu’il ait été causé par un mouvement de faille que les géophysiciens appellent une faille décrochante (aussi appelée faille coulissante). Le mouvement entre les blocs de part et d’autre de la faille se produit de manière horizontale. Dans le cas indonésien, le bloc situé à l’est de la faille s’est déplacé vers le nord par rapport au bloc situé à l’ouest, explique la BBC. Ce type de mouvement peut causer un tsunami, mais l’ampleur et la hauteur des vagues dans ce cas précis sont surprenantes.

Pour créer une série de vagues, il faut un grand déplacement du fond de la mer, un mouvement vertical qui perturbe toute la colonne d’eau et qui s’éloigne ensuite dans de multiples directions. Certains calculs préliminaires suggèrent un déplacement du sol d’environ un demi-mètre. Significatif, mais néanmoins insuffisant pour produire les ondes enregistrées à Palu. Comment peut-on expliquer que les vagues qui ont touché l’Indonésie aient atteint jusqu’à 6 mètres de hauteur?

Glissement de terrain et configuration de la baie

Les scientifiques suspectent notamment que le séisme ait provoqué une sorte de glissement de terrain sous-marin. Un tremblement de terre peut effectivement déstabiliser les sédiments et amener un effondrement. En zone montagneuse, cela peut être à l’origine de risques sismiques. Mais sous l’eau, ces déplacements de sédiments peuvent aussi être à l’origine de tsunamis. Lorsque cela se produit, les vagues qui frappent les rives peuvent être importantes, même si les effets sont généralement assez localisés. C’est peut-être ce qui s’est passé vendredi dernier. Les vagues ont également pu être exacerbées par la forme-même de la baie de Palu, note la BBC. Sa géométrie allongée aurait permis aux vagues de se concentrer et d’amplifier le phénomène de tsunami à l’approche de la plage. « Les facteurs géographiques (baie étroite, faible profondeur) semblent avoir joué un rôle majeur », estime Taro Arikawa, professeur à l’université Chuo (Tokyo). « Le tsunami a probablement été très rapide et soudain ».

Pourquoi le tsunami en Indonésie intrigue les scientifiques
© Antara Foto/Muhammad Adimaja via REUTERS

Ces deux explications sont probables, bien qu’encore au stade des suppositions. La communauté scientifique est d’ailleurs en train de modéliser le phénomène pour tenter de comprendre en détail les processus de génération et de propagation de l’évènement. Quelque chose d’inattendu s’est en tout cas produit : « Mes premiers calculs de la déformation du fond marin lors du séisme sont de 49 cm. On pourrait donc s’attendre à un tsunami de moins d’un mètre, et non de six. Donc les deux hypothèses sont légitimes », confirme le Dr Mohammad Heidarzadeh, professeur assistant en génie civil spécialisé en ingénierie côtière (Brunel University).

Ne pas compter que sur des technologies onéreuses

La conjonction de plusieurs facteurs, notamment géophysiques, a donc participé au désastre. Mais la tragédie a également mis en lumière les insuffisances du système d’alerte en Indonésie, archipel pourtant à forte activité sismique. « Il n’y a eu aucune information sur un tsunami par la station de détection de Palu parce qu’elle ne fonctionnait pas », a déclaré Widjo Kongko, expert des tsunamis travaillant pour une agence gouvernementale indonésienne. Après le séisme, l’agence de géophysique indonésienne, qui surveille l’activité sismique, avait émis une alerte au tsunami, mais l’avait levée rapidement, avant qu’un mur d’eau ne déferle sur la côte.

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Les stations de détection des vagues et la modélisation des données sont le principal instrument de prédiction des tsunamis en Indonésie. Mais même si toutes les stations du pays fonctionnaient, les experts soulignent que leur maillage est insuffisant et qu’elles ne peuvent pas donner l’alerte suffisamment en amont de la catastrophe puisqu’elles ne détectent les vagues qu’à leur arrivée près des côtes. Les efforts pour améliorer ce système se heurtent tant à une incapacité de maintenir en état les équipements existants qu’aux complications bureaucratiques. D’autres voix ont cependant appelé à mettre davantage l’accent sur l’information des populations sur la nécessité de rejoindre des hauteurs après un séisme, plutôt que de compter sur des technologies onéreuses qu’un pays en développement comme l’Indonésie ne peut se permettre. (avec AFP)

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