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Pour Poutine, une victoire en Syrie est une affaire personnelle

Le Vif

Une question de prestige, une démonstration de force: plus que de la simple politique, vaincre en Syrie est un enjeu personnel pour Vladimir Poutine qui va tenter jeudi à Moscou d’apaiser la situation avec son homologue turc.

L’été dernier à Moscou, le président turc et son « ami » Poutine affichaient leur entente un cornet de glace à la main, admirant ensemble les avions de combat russes. Leur relation s’est depuis considérablement raidie, à la suite d’une escalade de tensions ces dernières semaines sur le terrain, où s’affrontent les forces turques et celles du régime syrien, appuyé par l’aviation russe, dans la région d’Idleb en Syrie.

Même si l’espoir d’un cessez-le-feu dans cet ultime bastion rebelle et jihadiste dans le nord-ouest syrien persiste, la Turquie, soutien des rebelles syriens, et la Russie, alliée du régime de Bachar al-Assad, semblent déterminées à camper sur leurs positions. « L’ascension de Poutine en tant que stratège habile est liée à la Syrie », estime Iouri Barmine, analyste du Conseil russe pour les affaires internationales, qui conseille le Kremlin. « Une victoire en Syrie est devenue une question de prestige pour la Russie, et pour Poutine personnellement », affirme-t-il.

L’intervention militaire de la Russie en soutien au régime syrien en septembre 2015 a changé la donne du conflit – qui a fait plus de 380.000 morts depuis son déclenchement en 2011 – et a permis à Bachar al-Assad de multiplier les victoires et de reconquérir de vastes zones de son pays.

Retrouver la gloire d’antan

Ancien agent du KGB, qui a qualifié de « catastrophe » le démembrement de l’URSS, Vladimir Poutine a saisi l’occasion pour redonner à la Russie sa gloire militaire d’antan, selon des analystes. La Russie a largement investi dans une base navale à Tartous et une base aérienne à Hmeimim, près de Lattaquié (ouest), afin d’affirmer sa puissance militaire en Méditerranée, indique à l’AFP l’analyste militaire russe Pavel Felguenhauer. « Ce n’est pas la Syrie elle-même qui intéresse la Russie, mais il important de maintenir Assad au pouvoir, parce qu’il garantit à la Russie d’avoir ces bases », affirme-t-il.

Le conflit en Syrie a également permis à des milliers de militaires russes d’acquérir de l’expérience sur le terrain et de tester des centaines de nouvelles armes, selon Dmitri Trenine, directeur du Centre Carnegie de Moscou. « C’est un exemple concret de ce que la Russie peut atteindre en utilisant à la fois des instruments militaires et diplomatiques », estime-t-il. Ce conflit a également une importance personnelle pour Vladimir Poutine, assure M. Trenine.

Compromis « à la russe »

Arrivé au pouvoir il y a 20 ans au moment où les forces russes menaient une guerre contre la rébellion islamiste en Tchétchénie, république du Caucase russe à majorité musulmane, M. Poutine a dû faire face à une vague d’attentats sanglants attribués aux indépendantistes tchétchènes, et avait promis de « buter les terroristes jusque dans les chiottes ». Alors que quelque 4.000 ressortissants russes ont rejoint ces dernières années les rangs de groupes islamistes en Irak et en Syrie, Vladimir Poutine « a ses propres comptes à régler avec les terroristes », dont les prédécesseurs ont combattu les forces russes dans le Caucase du Nord, affirme M. Trenine.

Le maître du Kremlin a également besoin d’une victoire politique sur la scène internationale pour redorer sa popularité, qui a chuté ces derniers mois en raison de la stagnation économique, selon des analystes. Cela ne veut pas dire que M. Poutine soit réticent à tout compromis avec la Turquie, précisent-ils, en rappelant que les deux pays ont des liens commerciaux et militaires étroits. « Poutine sait qu’il a des atouts militaires et politiques considérables face à Erdogan », mais il saura trouver une solution pour permettre au président turc de « faire un pas en arrière tout en sauvant la face », selon M. Trenine. Aux yeux de M. Barmine, Vladimir « Poutine cherche certainement un compromis avec la Turquie sur la Syrie, mais un compromis élaboré par la Russie ».

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