En mars 2017, à San Diego, des manifestants défilent contre le décret migratoire Travel Ban. © Sandy Huffaker/belgaimage

« Mon rôle est d’offrir l’American Dream »

Le Vif

A Washington, Danielle Beach-Oswald, Belgo-Américaine, née à Bruxelles, soutient, depuis plus de trente ans, les immigrants qui souhaitent vivre le rêve américain. Rencontre avec l’avocate dans son bureau, Beach-Oswald Immigration Law Associates, à quelques pas de la Maison-Blanche.

Comment soutenez-vous les immigrants dans leur rêve américain ?

Mon rôle est de leur offrir l’American dream. J’ai représenté des personnes de plus de quatre-vingt pays dont les raisons d’immigration peuvent être familiale, économique, professionnelle, politique… Mais elles viennent toutes aux Etats-Unis pour y vivre une vie meilleure. Leur point commun : vivre le rêve américain en saisissant d’innombrables opportunités et accomplir tout ce qu’elles désirent, tout en jouissant d’une certaine liberté.

Quelle est votre définition du rêve américain ?

Je le définirais avec les mots de Martin Luther King :  » Apporter de la lumière là où il y a de l’obscurité.  » C’est aussi pouvoir exprimer librement son opinion et pouvoir, le cas échéant, fuir les cauchemars d’une vie vécue dans un pays où l’on ne se sent pas à sa place. Personnellement, je suis venue aux Etats-Unis pour rejoindre ma famille, pour suivre des études, et pour saisir des opportunités que je n’aurais pu trouver ailleurs. En un mot, le rêve américain signifie la liberté.

Et quelle est sa particularité ?

L’Amérique a toujours été perçue comme une lueur d’espoir. Si on travaille dur, on a la possibilité d’avancer sans être freiné par un système de classes sociales. Cette facilité de pouvoir passer d’un milieu à un autre est caractéristique aux Etats-Unis. Le vrai melting-pot, de cultures et de langues, notamment, contribue à renforcer cette idée du rêve américain.

Comment a-t-il évolué ?

Pour Danielle Beach-Oswald,
Pour Danielle Beach-Oswald, « le rêve américain n’est certainement pas mort ».© Credit Washingtonian

Après la Seconde Guerre mondiale, les systèmes d’économie et d’intégration se sont fortement développés aux Etats-Unis. Petit à petit, les Américains sont devenus moins protectionnistes et moins nationalistes, et ont commencé à accepter que  » n’importe qui pouvait devenir n’importe quoi « , et que le fait de travailler ensemble était bénéfique. L’Amérique a toujours prôné une valeur résumée par Martin Luther King en cette phrase :  » Une injustice commise quelque part est une menace pour la justice dans le monde entier.  » A l’heure actuelle, le rêve américain devient plus difficile. Avec l’arrivée de Donald Trump et du décret migratoire Travel Ban, les ressortissants de six pays, tous musulmans, ont été initialement interdits d’entrée sur le territoire américain, pendant nonante jours, au début de son mandat. Selon le président, ces nations, dont l’Iran et l’Irak, représentent un risque de terrorisme. Ainsi, plus de 10 000 personnes originaires de ces pays n’ont pu achever leur rêve américain. Cette interdiction, bien que levée, mais n’ayant pas été bien administrée, a engendré des retards considérables. Une multitude de familles sont encore en attente de jugement. Et un nouveau décret présidentiel a été émis à l’encontre de huit nations, incluant cette fois la Corée du Nord. Bien que la loi ne soit pas encore passée, les pays concernés se voient refuser des visas. C’est un flot de confusion !

Donald Trump a aussi exprimé sa volonté de mettre fin au programme Daca, qui protège les jeunes immigrés clandestins d’une expulsion des Etats-Unis…

Effectivement, cela concerne 800 000 dreamers arrivés illégalement aux Etats-Unis. Ces mineurs sont encore sous la protection du Daca ( NDLR : The Deferred Action for Childhood Arrivals, permettant à certains immigrants mineurs entrés illégalement sur le territoire américain de bénéficier d’un délai sur leur expulsion et de l’éligibilité d’un permis de travail), décidé sous le gouvernement Obama en 2012. Ils risqueraient donc tous de se voir expulsés. Le rêve américain est ainsi en train de s’évanouir, et les avantages qui en faisaient sa force, se transforment, petit à petit, en problèmes. On voit émerger une atmosphère de plus en plus nationaliste. Les personnes ayant une origine, une culture, une religion, une couleur différente, vivent de plus en plus dans l’incertitude et dans l’inquiétude.

En quoi ce rêve américain est-il important pour les Etats-Unis ?

S’il cessait d’exister, il n’y aurait plus aucune raison pour que les gens immigrent en Amérique. Si ce pays devient exclusif, à défaut de rester inclusif, il perdra sa raison d’être. Nous avons un système de justice, d’opportunités, d’humanisme, d’activisme qui veut élever tout le monde pour accomplir ce rêve. Sans lui, nous ne sommes plus une puissance pleine d’espoir.

Quelle serait la conséquence de la politique migratoire de Donald Trump ?

A terme, je crains que la politique migratoire du président Trump n’ait d’autre incidence que la création d’un sentiment d’exclusion pour certaines personnes qui, à la longue, en viendraient, par divers moyens, à détruire le rêve américain cher à d’autres personnes. Je pense au terrorisme, par exemple. Ce rêve est donc utile pour tout le monde. Après seulement un an, il n’est pas aisé de jauger l’impact direct de l’arrivée de Trump à la présidence sur le rêve américain. Je constate simplement qu’une atmosphère peu positive de crainte et d’incertitude s’est installée.

Un conseil à donner afin de le raviver ?

Il faudrait, avant toute chose, se concentrer sur les dispositions qui ont fait leurs preuves et qui fonctionnent, et ce afin de ne pas surcharger le système qui l’est déjà bien assez. Ensuite, il serait opportun de recréer une atmosphère positive pour rendre l’espoir dans un système devenu trop compliqué, accumulant les retards et les décisions arbitraires et variables. Je conseillerais au président d’accélérer les procédures, de sorte que les familles, et ceux qui travaillent, puissent obtenir des documents de voyage sans avoir à attendre plus d’un an pour savoir s’ils sont, ou non, éligibles prima facie. Il serait aussi judicieux de réviser et proposer un programme permettant aux personnes qui paient des taxes et qui n’ont aucun casier judiciaire de trouver une manière de modifier leur statut sous réserve d’une amende. Il s’agirait d’une sorte de programme à valeur d’amnistie. Finalement, de trouver une voie permettant l’obtention de la green card aux enfants sous le programme migratoire Daca.

En définitive, le rêve américain existe-t-il encore ?

Dans le coeur des gens, il existe toujours. Selon moi, un Américain ou un immigrant ne laissera jamais un politicien lui ôter cet espoir. Le rêve américain n’est certainement pas mort.

Par Sophie Radermecker.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire