Macron : victoire à la Pyrrhus

La victoire d’Emmanuel Macron avec 66,1% des voix est nette et sans bavure. Mais sans jouer les rabat-joie, il détient un autre record historique : plus de 61% des Français ne souhaitent pas qu’il obtienne une majorité à l’Assemblée nationale.

Avec 25% d’abstention, 8,5% de votes blancs, 3% de votes nuls (plus de 16 millions de Français) et 43% d’électeurs qui souhaitaient avant tout faire barrage au Front national, le nouveau président de la France n’a pas suscité un engouement indescriptible. Mal élu ? Comme l’écrit Thierry Fiorilli, rédacteur en chef du Vif-l’Express, « entre une Marine Le Pen et, mettons, un chien avec un chapeau, tout individu responsable civilisé va tout de suite voter. Pour le chien. » Avoir eu en face de lui un épouvantail a rendu les choses plus simples. L’antienne du retour du fascisme et « des heures les plus sombres de notre histoire » a aplati Marine Le Pen, non sous un plafond de verre mais de béton. Sa contre-performance au débat présidentiel du second tour lui a porté l’estocade.

Macron a bénéficié en outre du soutien d’un nombre invraisemblable de médias, de patrons de presse, de représentants du pouvoir économique, du monde des Arts, de la quasi-totalité des reports de la classe politique en plus de l’éviction inattendue de François Hollande, Alain Juppé, François Fillon, Manuel Valls… Même Chirac en 2002 n’a pas bénéficié d’un tel alignement des planètes. Macron n’a eu qu’à cueillir le fruit mûr tombé de l’arbre.

Nonobstant, sa performance inégalée dans la Ve République laisse pantois pour un homme quasi inconnu il y a trois ans. Valéry Giscard d’Estaing, élu en 1974 à 48 ans en a avalé son chapeau.

Une des clés du succès d’Emmanuel Macron est d’avoir su apporter l’espoir dans une France sinistre et décliniste, qui pratique l’autoflagellation comme sport national.

Mieux que Marine Le Pen, il est parvenu à incarner la fonction présidentielle. Il lui faut maintenant endosser le costume. Et ne pas en faire trop (son péché mignon).

Déjà, sa traversée en solitaire de la Cour du Louvre, très mitterrandienne, frise le ridicule. Le discours qui l’enrobe est assez creux (comme à l’habitude). La foule n’est pas vraiment en liesse, plutôt soulagée. L’homme est un exalté mais pas un tribun. Il n’a pas l’organe.

Son premier dialogue sera avec Angela Merkel ? Attention de ne pas paraître son obligé. Les Français souhaitent à 75% le maintien de la France dans l’UE mais ils rêvent d’une autre Europe, plus démocratique, plus proche des aspirations des peuples et qui respecte la souveraineté des Etats. Pas une Europe qui dispatche les quotas de réfugiés. Cette Europe-là n’est pas forcément celle de Merkel.

Une majorité à l’Assemblée nationale sous la majorité présidentielle est loin d’être acquise puisque voici le retour des cinq forces du premier tour : le FN, LR, la France insoumise, En Marche! et l’abstention.

Le pari des Républicains, débarrassés du couple Fillon : imposer François Baroin à Macron comme premier ministre dans le cadre d’une cohabitation quasi immédiate. Mélenchon caresse le même rêve : mettre Macron sous tutelle.

Ne pas surestimez non plus les maigres leviers à disposition d’un président de la République soumis aux aléas de la mondialisation, de la croissance économique mondiale, du prix du pétrole, d’une remontée des taux d’intérêt ou d’une crise financière redoutable. Le temps où de Gaulle dévaluait le franc à sa guise ou décidait souverainement de quitter le commandement militaire intégré de l’OTAN en 1966 est révolu.

Le nouveau président devra affronter le fléau de ce siècle (le terrorisme islamiste) et un défi impossible (les flots d’immigrés qui ne tarissent pas). Deux sujets qu’Emmanuel Macron a choisi, à dessein, d’éviter pendant la campagne, préférant s’attirer les grâces du vote algérien en comparant la colonisation de l’Afrique du Nord à un crime contre l’humanité.

Faire pire qu’Hollande sera difficile. Mais le programme de Macron – mondialisation heureuse, Europe fédérale, immigration, social-libéralisme – ne répond pas vraiment aux angoisses de ceux qui ont choisi Le Pen. 16 % seulement de ses électeurs approuvent son programme.

Enfin, il faudra bien, un moment où un autre, « récompenser » l’Etablishment qui l’a soutenu, que d’aucuns n’hésitent pas à appeler « l’oligarchie ». Le double soutien du Medef et de la CGT n’a tenu que le temps du second tour pour éloigner la « poissonnière ».

Pour prendre quelques exemples illustres et comparables : Justin Trudeau déçoit déjà, Barack Obama n’a pas su appliquer son programme, Gerhard Schroeder a été sanctionné par ses réformes et Tony Blair est un des hommes les moins populaires de Grande-Bretagne.

On souhaite au « gamin » un destin moins ingrat.

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