Les murs anti-tsunamis du Japon ne plaisent pas à tout le monde

Mailys Chavagne
Mailys Chavagne Journaliste Web

En mars 2011, un tsunami ravage la côte nord-est du Japon, forçant le gouvernement à prendre une mesure de grande ampleur : la construction d’un mur sur 450 kilomètres le long du littoral. Cette grande muraille, destinée à protéger la population, est pourtant loin de faire l’unanimité.

Le 11 mars 2011, le Japon fut victime d’une triple catastrophe : un séisme de magnitude 9.0, suivi d’un tsunami,qui a lui-même causé un accident nucléaire. Une vague de 15 mètres, qui a déferlé sur près de 600 kilomètres de côtes, frappe en effet la centrale de Fukushima Daiichi et provoque un accident classé au niveau 7 sur l’échelle des accidents nucléaires. Bilan du tragique événement : plus de 15.000 morts et quelque 4.000 disparus, sans compter la destruction de plus d’un million de maisons.

Depuis la dévastation, le gouvernement japonais a pris la décision de faire bâtir un énorme mur le long des côtes afin de ralentir, voire stopper, les possibles futurs tsunamis. L’objectif : protéger 450 kilomètres de littoral dans les trois préfectures sinistrées formant la région de Sanriku (Fukushima, Miyagi et Iwate).

Pour ce chantier colossal, les autorités dégagèrent un budget de douze milliards de dollars. La plupart des citoyens, consultés sur la question, donnèrent leur accord quant à la construction de ces digues géantes, sans pour autant savoir de quoi il en retournait précisément. Huit ans plus tard, le résultat s’avère… décevant, pour beaucoup. Les murs, plus hauts qu’imaginés (15 mètres), défigurent le paysage côtier et perturbent l’économie ainsi que la vie des habitants.

Les murs anti-tsunamis du Japon ne plaisent pas à tout le monde
© Reuters

Tourisme et pêche impactés

Certains habitants craignent en effet que le rempart affecte deux piliers de l’économie japonaise : le tourisme et la pêche. « Il y a environ 50 ans, nous sommes venus ici avec les enfants et nous avons fait de belles promenades en voiture le long de l’océan et des baies. Maintenant, il n’y a même plus une trace de ça« , regrette Reiko Iijima, touriste japonaise interrogée parReuters. Et les quelques fenêtres découpées dans le béton en font rire plus d’un. « C’est ridicule« , indique àReutersYuichiro Ito, dont le frère perdit la vie lors du tsunami. « Elles prétendent juste nous satisfaire d’une situation dont on n’a jamais voulu « . Une maigre consolation…

Les pêcheurs et les ostréiculteurs aussi sont inquiets, ils redoutent que la fondation de ces murs ne perturbe l’écosystème en obstruant le passage des eaux, et en bloquant les écoulements naturels de la terre. « C’est terrible à voir quand on arrive de la mer « , s’insurge Sotaro Usui, un thonier, interrogé par Geo.fr. « C’est comme si nous, pêcheurs, étions désormais bannis. « 

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Impossible de voir la vague arriver

Cette politique des murs pourrait même aggraver la situation, estiment des locaux. En obstruant le contact visuel avec la mer, le mur empêche de voir les modifications des vagues et ainsi de réagir en cas de danger. Tout ce béton ne procurerait donc qu’un sentiment de sécurité trompeur.

« Avant, nous avions une digue à hauteur d’homme« , explique à Geo.fr un commerçant de la baie de Miyako (Kuwagasaki). « Le 11 mars, après l’alerte au tsunami qui a suivi le séisme, je suis allé me réfugier chez moi avec ma fille. Là, lorsque j’ai vu la mer se retirer, j’ai su que c’était très grave et nous avons évacué dans les hauteurs. Ma maison a été emportée mais nous avons eu la vie sauve. Mais ce mur qui nous coupe de la mer, c’est un vrai danger. « 

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Le mur de Taro, un premier échec cuisant

Ce n’est pas le premier mur anti-tsunamis construit au Japon. La ville de Taro, un petit port de 4 400 habitants, avait érigé en 1958 une digue géante de dix mètres de haut sur trois mètres de large, et longue de 2,4 kilomètres. Après avoir résisté à un tsunami en 1960, cette « grande muraille du Japon » a attiré de nombreux chercheurs, venus examiner sa structure. Fier de cette construction, le Japon a cependant vite déchanté : le 11 mars 2011, ce mur, englouti par une vague de plus de 15 mètres, s’est malheureusement effondré comme un château de cartes.

Certains spécialistes tiennent pourtant à nuancer la problématique : les murs peuvent ralentir l’arrivée de la vague. « Une une deux minutes de plus pour fuir, cela peut faire la différence « , explique auGeo.frShigeo Takahashi, directeur du Centre de recherche sur les tsunamis. « Grâce aux murs qui étaient déjà là et qui ont ralenti, ne serait-ce qu’un peu, l’arrivée de la vague, beaucoup de gens ont survécu alors qu’ils auraient probablement péri« .

Pour rappel, le Japon est situé à la jonction de quatre plaques tectoniques et est régulièrement touché par des séismes importants.

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