© Belga

Les Birmans moins nombreux dans les rues après le déploiement de troupes

Le Vif

Des manifestants pro-démocratie sont de nouveau descendus dans les rues lundi en Birmanie, mais en nombre moindre que les jours précédents après l’intensification de la répression par la junte qui a déployé des troupes dans le pays.

Plusieurs centaines de contestataires étaient assis près du siège de la banque centrale dans le nord de Rangoun, la capitale économique, pour appeler les fonctionnaires à se mettre en grève.

Certains agitaient des drapeaux rouges aux couleurs de la Ligue nationale pour la démocratie (LND), le parti d’Aung San Suu Kyi, d’autres chantaient pour « chasser la dictature ».

Malgré les menaces, « les mouvements populaires ne s’arrêteront pas. Le premier pas a été le plus difficile. Nous n’avons pas peur d’être arrêtés ou fusillés », a déclaré Nyein Moe, guide touristique.

Mais les foules étaient moins nombreuses que les derniers jours, ont constaté des journalistes de l’AFP, certaines entreprises envoyant des courriels à leurs employés pour les inciter à ne pas manifester.

La présence des forces de l’ordre, appuyées par des canons à eau et des camions militaires, restreignaient aussi les ardeurs.

« On essaye de nous faire peur en déployant des soldats », a déploré Htet Aung, brandissant une pancarte appelant à « la désobéissance civile » devant un véhicule blindé.

La veille, les militaires s’étaient déployés dans plusieurs villes du pays.

« On a eu très peur. On a cru que l’armée allait nous tirer dessus comme dans le passé », a raconté Nyein Moe, une allusion aux soulèvements populaires de 1988 et de 2007, réprimés dans le sang par l’armée.

Les connexions internet, très perturbées pendant la nuit, ont été rétablies lundi matin.

– Suu Kyi maintenue en détention –

Le putsch du 1er février a renversé le gouvernement civil d’Aung San Suu Kyi et mis fin à une fragile transition démocratique de 10 ans.

Inculpée pour avoir importé illégalement des talkie-walkies, l’ex-dirigeante de 75 ans est « en bonne santé », assignée à résidence dans la capitale administrative Naypyidaw, a assuré ce week-end la LND.

Elle va être maintenue en détention jusqu’à mercredi à la suite du report d’une audience, initialement prévue ce lundi, a annoncé son avocat, Khin Maung Zaw.

La peur des représailles est dans tous les esprits dans le pays qui a déjà vécu près de 50 ans sous le joug des militaires depuis son indépendance en 1948.

Les Birmans moins nombreux dans les rues après le déploiement de troupes
© Belga

Et les forces de l’ordre ont déjà dispersé violemment des rassemblements en tirant sur des manifestants. Une jeune femme de 20 ans, grièvement blessée la semaine dernière, est toujours dans un état critique.

Lire aussi: C’est la hess par Gérald Papy: le pari perdu de la dame de Rangoun (chronique)

Dimanche, dans le nord du pays, plusieurs personnes ont été blessées. Une journaliste locale n’a pas pu préciser à l’AFP si des balles réelles ou des munitions en caoutchouc avaient été utilisées. Cinq journalistes ont été interpellés lors de ce rassemblement.

Responsables politiques, militants, médecins, étudiants: quelque 400 personnes ont été arrêtées depuis le putsch.

– Vigilance citoyenne –

L’armée a aussi diffusé une liste de sept activistes renommés. « Si vous trouvez ces fugitifs (dont un leader du mouvement étudiant de 1988, ndlr) ou si vous avez des informations à leur sujet, signalez-vous au poste de police le plus proche », a-t-elle averti, menaçant « ceux qui les hébergent » de représailles.

En réaction aux vagues d’arrestations nocturnes, des comités de vigilance citoyenne ont vu spontanément le jour: des habitants sont chargés de surveiller leur voisinage en cas d’opérations menées par les autorités pour arrêter des opposants.

Les événements restent au coeur de l’agenda international.

Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a enjoint dimanche la junte à « garantir que le droit de se réunir pacifiquement est pleinement respecté », demandant aux généraux d’autoriser « d’urgence » la diplomate suisse Christine Schraner Burgener à venir sur place « pour évaluer directement la situation ».

Les chefs de la junte seront « tenus pour responsables » des violences, a averti de son côté Tom Andrews, rapporteur spécial des Nations unies pour la Birmanie, tandis que les représentations diplomatiques des Etats-Unis, du Canada et de plusieurs pays de l’Union européenne ont exhorté l’armée à « ne pas recourir à la violence ».

Washington a détaillé une série de sanctions à l’encontre de plusieurs généraux, leur demandant en vain de rendre le pouvoir. En vain.

Des centaines de milliers de manifestants étaient descendus dans les rues ces derniers jours, dont de nombreux fonctionnaires -employés des chemins de fer, enseignants, médecins – grévistes. Des médias locaux ont même fait état de défections de policiers.

La junte a ordonné aux fonctionnaires de reprendre le travail sous peine de sanctions. Elle a doté les forces de l’ordre de pouvoirs d’exception: elles peuvent procéder à des perquisitions sans mandat ou ordonner des placements en détention pour une courte période sans l’autorisation d’un juge.

Les généraux putschistes et leur chef Min Aung Hlaing, paria à l’international pour les exactions commises contre les musulmans rohingyas en 2017, contestent la régularité des législatives de novembre, massivement remportées par la LND.

Ils affirment avoir pris le pouvoir en respectant la Constitution et ont ordonné aux journalistes d’arrêter de parler de « coup d’Etat ».

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire