Thierry Fiorilli

Le mensonge comme nouvelle vérité

Thierry Fiorilli Journaliste

Le fond de l’ère est faux. Le mensonge est aujourd’hui porté à un tel niveau, et cultivé là avec tant d’ardeur, que c’est à un trucage quasiment planétaire que nous sommes conviés, sans que l’affiche nous annonce la vraie nature du spectacle.

Ce n’est qu’au gré des révélations, par la presse ou les désormais fameux « lanceurs d’alerte », que la réalité apparaît. Et elle consiste souvent, quels que soient les secteurs, à une véritable mise en scène. Pour occulter une tricherie méticuleusement préparée, par pure tendance à la fabulation, par volonté de nuire ou par refus d’affronter les choses telles qu’elles sont.

Ainsi, depuis sept ans et le début de la plus grave crise socio-économique mondiale en pratiquement un siècle, les mystifications et les égarements se sont enchaînés, aussi énormes que sans frontières. Les crédits immobiliers accordés à tout le monde mais impossibles à rembourser, les écoutes téléphoniques généralisées, les ingrédients alimentaires tronqués, les médicaments non testés, les voitures propres qui ne le sont pas, les champions sportifs tricheurs, la gouvernance sportive corruptrice… Survenant après des guerres déclenchées pour de faux motifs, au milieu d’interventions armées aux objectifs erronés et parallèlement aux dévoiements de religions à des fins obscurantistes, ces artifices contribuent à faire de notre époque l’une des plus mensongères de l’Histoire.

Bien sûr, la manipulation des faits et des opinions est vieille comme l’humanité. Mais la spécificité de l’ère actuelle réside dans ce qu’elle génère, au sein des sphères dirigeantes comme au sein des foules : une authentique mythomanie. Soit un comportement tendant à altérer la vérité. A la transformer. A la biaiser. En psychiatrie, on considère volontiers que cette propension à mentir, systématiquement, va de pair avec d’autres pathologies. Comme la perversion, la psychose, l’hystérie… A voir défiler les scandales, les impostures mises au jour, la multiplicité des domaines où elles sévissent, on ne peut nier qu’à côté des fabuleux progrès en tous genres dont elle peut se targuer, cette dernière décennie baigne dans un océan de névroses.

En somme, coincés entre la difficulté de remettre en question des convictions personnelles profondes et la cascade de boniments auxquels nous sommes confrontés, il est extrêmement ardu, aujourd’hui, d’avoir les idées claires. Et sereines. Sur à peu près tout. D’autant plus, donc, sur ce qui s’avère par nature compliqué, nuancé, à géométrie variable. Il en va plus que jamais ainsi de l’attitude à adopter et des solutions à apporter face à un scénario de plus en plus régulièrement agité : l’islamisation, en douce ou par la force, de toutes nos sociétés. C’est ce que prédit Boualem Sansal, l’écrivain algérien retenu cet automne par les jurys des prix Goncourt, Renaudot, Interallié, Femina et Flore, pour son dernier livre, 2084. La fin du monde. (Gallimard) « Un régime planétaire intégriste. » Sansal affirme que, d’une certaine façon, on déroule le tapis rouge aux islamistes, qui peuvent brandir l’islam comme bouclier, puisque, dit-il, ceux qui s’élèvent contre cette religion, chez nous, sont illico considérés comme pyromanes. Comme anti-musulmans. Islamophobes. D’extrême droite, donc. A condamner, dans tous les cas. L’Algérien le déplore, en assénant : « Moi, je ne suis pas islamophobe. Je suis islamistophobe. Je n’aime pas les islamistes parce qu’ils veulent nous détruire. Moi, personne ne me gêne, tant qu’il n’a pas pour vocation de me détruire. »

Rien ne garantit que l’hypothèse développée dans sa dystopie ne soit un jour confirmée. Mais rien n’autorise à considérer son discours comme nauséabond. D’autant qu’il offre, lui, des raisons d’espérer : « Dans l’Histoire, l’humanité a toujours trouvé des solutions à ses problèmes, même ceux qui paraissaient les plus insolubles. Dans certains cas, la peur provoque des éclairs de génie. » Puisse-t-il ne pas mentir sur cette prophétie-là.

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