Gérald Papy

Le jeu avec le feu de Bolsonaro et Trump

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

L’élection de Jair Bolsonaro à la présidence du Brésil s’inscrit dans la vague montante du populisme qui frappe le monde occidental, de la Hongrie aux Etats-Unis en passant par l’Italie.

Elle est d’autant moins surprenante que la droite traditionnelle s’est effondrée après l’intérim présidentiel de Michel Temer consécutif à la destitution de Dilma Rousseff et que la fin des treize années au pouvoir du Parti des travailleurs (PT) a été minée par les scandales de corruption.

Le leader de l’extrême droite brésilienne a donc bénéficié, comme Matteo Salvini en Italie, d’un rejet quasi viscéral des partis traditionnels et, à l’instar de Donald Trump aux Etats-Unis, d’un vote antisystème et antiestablishment qu’illustra le slogan  » plus de Brésil, moins de Brasilia « . Un paradoxe cruel enseigne que ce sont les membres des  » petites classes moyennes  » sortis de la pauvreté par la politique sociale du président Lula (PT) aux côtés de 36 millions de Brésiliens qui, fragilisés les premiers par la récession économique, ont soutenu en masse l’adversaire du candidat du Parti des travailleurs. Vote fantasmé comme anticommuniste dans un pays où le communisme n’existe pas, l’avènement de Jair Bolsonaro reflète aussi le virage à droite (Argentine, Chili, Colombie, Pérou…) d’un continent longtemps perçu comme un laboratoire de la gauche auquel le fiasco du régime vénézuélien a amplement nui. Les dirigeants du Parti des travailleurs ont eu le grand tort de ne pas s’en distancier.

Bolsonaro partage avec Trump le recours aux propos haineux et le soutien embarrassant des évangéliques.

Extension du droit au port d’armes, exploitation de la forêt amazonienne, réductions budgétaires avec notamment pour cible les retraites, privatisations effrénées… : ce qui tient lieu de programme à Jair Bolsonaro inquiète. Mais on ne pourra le juger que sur ses actes, soumis à la recherche délicate d’une majorité parlementaire. Deux tropismes qu’il partage avec Donald Trump suscitent en revanche d’ores et déjà l’atterrement. D’une part, le président brésilien élu a inscrit sa conquête du pouvoir dans les pas des plus conservateurs des prédicateurs évangéliques dont les Eglises représentent 30 % des fidèles brésiliens. Quoi qu’opportuniste là où un Neymar prie Dieu de soutenir Bolsonaro pour aider le Brésil, pareil engagement laisse néanmoins augurer le retour à un ordre moral liberticide.

D’autre part, le leader d’extrême droite a volontiers usé à l’égard des militants du PT – exposés à la prison ou à l’exil quand ils n’étaient pas voués à être fusillés – et envers les homosexuels, les femmes et les Noirs de propos à faire pâlir les plus excités des partisans du président américain. Il est difficile d’objectiver la relation de cause à effet entre les discours discriminants et haineux d’un dirigeant politique, suivi aujourd’hui par des milliers d’adeptes sur les réseaux sociaux, et les passages à l’acte criminel de citoyens ordinaires. L’exemple récent du ciblage de personnalités démocrates américaines au moyen de colis piégés par un fervent zélateur de Donald Trump et la répétition d’actes racistes depuis l’avènement de celui-ci inclinent à redouter la recrudescence de violences  » politiques  » au Brésil. Et ce délitement des valeurs devrait faire réfléchir les derniers partisans de la démocratie à l’occidentale sur les conséquences désastreuses de la corruption et de la mauvaise gouvernance.

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