Gérald Papy

La doctrine Biden contre les autocrates (édito)

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

La stratégie offensive menée par Joe Biden contre la Russie dégage bien un parfum de guerre froide. L’édito de Gérald Papy, rédacteur en chef adjoint du Vif.

La guerre froide remonte à une époque, l’après-conflit de 1940-1945, où le monde était fracturé entre deux camps et où chacun d’entre eux se voulait l’étendard d’une idéologie qui allait façonner l’ordre du monde. En ce début de troisième décennie du XXIe siècle, le système planétaire est devenu multipolaire. La mondialisation économique a rendu les Etats plus interdépendants. Et la diffusion d’une pensée universelle ne serait plus le mantra des grandes puissances. A cette aune, la référence à la guerre froide aurait perdu de sa pertinence.

Et pourtant, la stratégie offensive voire agressive menée par le président américain Joe Biden contre la Russie dégage bien un parfum de guerre froide. Traiter publiquement son homologue de « tueur » n’est pas anodin. La Russie, il est vrai, multiplie sous le règne de Vladimir Poutine les actes pour en raviver le spectre: cyberattaques visant des agences gouvernementales et des entreprises, ingérences dans les processus électoraux, soutien à des partis souverainistes ou extrémistes du camp adverse opposés à l’unification politique, diabolisation des opposants internes sous l’argument fallacieux d’une immixtion étrangère…

Rien n’y fait cependant aux yeux de certains observateurs occidentaux. Pour ceux-ci, la course aux armements si caractéristique de la guerre froide originelle n’a plus cours. D’ailleurs, le traité New Start de désarmement nucléaire a été reconduit avec Moscou dès les premiers jours du mandat de Biden. Et puis, le choc des civilisations est définitivement dépassé. Mais en est-on si sûr? Dans l’entendement de Vladimir Poutine, les tensions actuelles avec les Etats-Unis s’inscrivent bien dans la continuation de la guerre froide dont la Russie n’aurait perdu qu’une bataille, analyse Laurence Saint-Gilles, spécialiste des relations internationales à la Sorbonne Université Paris. Une conviction portée par la détestation des valeurs occidentales et du libéralisme. Le développement du soft power chinois, encore illustré par la diplomatie des masques et des vaccins, incline pareillement à penser que Pékin n’a pas non plus abandonné l’idée d’exporter son modèle « idéologique ».

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En adoptant une attitude de fermeté initiale à l’égard de Vladimir Poutine, comme il l’a appliquée envers le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane et le président turc Recep Tayyip Erdogan, Joe Biden semble dessiner une doctrine à l’égard des régimes autoritaires qui implique l’affirmation de la défense des valeurs occidentales sans exclure la nécessité, le moment venu, de la négociation. Au vu de la première prise de contact officielle entre les diplomaties étasunienne et chinoise en Alaska, une plus grande prudence prévaudra dans les relations avec Pékin, puissance économique oblige. Mais la coordination entre les Etats-Unis, le Canada, le Royaume-Uni et l’Union européenne sur les sanctions adoptées le lundi 22 mars à l’encontre de responsables de la répression des Ouïghours indique qu’elle ne se départira pas d’une vigilance sur les droits humains, d’autant plus efficace qu’elle s’exercera en front uni.

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