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La crise sanitaire rend les conditions de vie des Roms plus difficiles en Europe

Stagiaire Le Vif

Manque d’accès aux soins de santé, mesures de prévention non-adaptées, discrimination grandissante, la crise sanitaire due au coronavirus rend la vie des Roms, la première minorité d’Europe, de plus en plus compliquée.

Entre confinement, fermeture des écoles, des commerces, des frontières, et mesures de distanciation sociale, les différents gouvernements européens ont pris des mesures strictes ces dernières semaines pour lutter contre l’épidémie de coronavirus. Pour les centaines de milliers de Roms coincés sur les routes ou dans des bidonvilles, ces mesures semblent bien souvent impossibles à respecter et rendent souvent leur vie plus compliquée.

Depuis plusieurs semaines, des voix s’élèvent pour dénoncer leur situation. Dans un rapport d’études menées en Roumanie, Italie, Espagne, Slovaquie, Bulgarie, Hongrie publié fin avril, l’Open Society Foundation pointe du doigt les conditions de vie de la communauté rom aggravées par les mesures de lutte contre le coronavirus, des mesures « pas adaptées à une population fragile ».

Un contexte difficile

Il est très difficile d’obtenir une compréhension chiffrée de la situation. On estime le nombre de Roms en Europe entre 10 et 12 millions. Selon le rapport de l’Open Society Foundation, 80% des Roms interrogés vivent en dessous du seuil de pauvreté de leur pays. Environ 30% vivent dans des logements sans accès à l’eau courante. Un enfant rom sur trois vit dans un foyer où une personne n’a pas pu se nourrir au moins une fois par jour au cours du mois précédent. Ce qui en fait l’une des minorités les plus précarisées d’Europe.

Depuis le début de la crise, la communauté rom rencontre des difficultés à respecter les mesures mises en place par les gouvernements. Les mesures préventives telles que se laver les mains et maintenir les distances entre personnes se révèlent impossible à appliquer dans des quartiers surpeuplés.

Pour ces personnes qui vivent souvent en dehors du système de santé classique, la vie devient un parcours du combattant. Ainsi, en Roumanie, en Hongrie et en Espagne, le testing mis en place par le gouvernement est conditionné au fait d’être couvert par une assurance maladie. Cela exclut donc une grande partie des Roms (En Bulgarie, 45% des Roms ont une assurance maladie, NDLR).

En Belgique

Luc Bolssen travaille pour l’association Rom en Rom. Malgré la crise, il poursuit ses efforts de soutien à la communauté, mais dans une autre mesure. « Dans des temps comme ceux-ci, ces personnes n’ont souvent aucune idée de leurs droits ainsi que des démarches à effectuer. Par exemple, beaucoup ne savent pas qu’ils ont accès au droit passerelle, pourtant essentiel vu qu’ils ont perdu une partie importante de leurs revenu », explique-t-il.

Autre problème soulevé : ces populations fonctionnent souvent en vase-clos, Elles s’informent sur les chaines de leur pays, ratant au passage bon nombre d’informations utiles dans le pays où elles résident actuellement. 80% de la population européenne est, en réalité, sédentarisée. « Actuellement, notre travail consiste aussi à leur trouver un lieu de vie ‘plus stable’ que les squats qu’ils fréquentent généralement », poursuit Luc Bolssen.

Une situation floue dans de nombreux pays

Le 30 mars dernier, le Premier Ministre slovaque Igor Matovic avait annoncé une vague de tests dans les communautés rom. Selon le gouvernement, plusieurs centaines de Roms ont regagné leurs villages. Certains rentraient de pays frappés de plein fouet par l’épidémie de Covid-19. Cette vague de tests menée par l’armée, d’abord décrite comme une démonstration de pouvoir, a vite été commentée par Bratislava. « Nous voulons simplement utiliser les médecins militaires pour commencer rapidement un testing dans les villages concernés sans surcharger le système hospitalier. » Certains médias locaux faisaient alors état de cinq quartiers mis en quarantaine dans l’Est du pays. Une mesure qui avait été envisagée par le gouvernement et depuis levée dans quatre d’entre eux.

Autour de Sofia, la capitale bulgare, des contrôles de polices ont aussi été installés aux alentours des communautés roms. Les personnes n’étaient autorisées à sortir que sur présentation d’un contrat de travail ou s’ils pouvaient prouver le caractère urgent de leur déplacement. « Je dirais que la contrainte est nécessaire dans certaines situations, car nous sommes obligés de protéger le reste de la population« , a déclaré le ministre bulgare de l’Intérieur, Mladen Marinov, lors de l’introduction des mesures en mars.

Souvent en proie à une montée nationaliste, les gouvernements n’hésitent pas à utiliser la communauté rom comme bouc émissaire dans un contexte de fracture sociale grandissant. Ainsi, en Italie, en Espagne entre autres certains mouvements d’extrême-droite n’hésitent pas à diffuser un message très clair : « Les Roms ne respectent pas les mesures imposées par le gouvernement et sont un des vecteurs principaux de la maladie. »

Pour Elana Resnick, anthropologue spécialisée dans la communauté rom bulgare, ce qui se passe actuellement n’est que le dernier exemple d’une longue liste d’épisodes ou les Roms sont tenus pour responsables d’un échec gouvernemental. « L’idée de savoir qui est un vecteur probable de contagion est racialisée, et le blâme est transféré des problèmes structurels de l’État aux gens eux-mêmes en faisant passer le message :’ces gens ne sont pas propres’« , a-t-elle déclaré au Guardian.

Des aides européennes retardées

La crise du coronavirus a aussi déplacé les grandes lignes des différents calendriers politiques et a forcé la Commission à revoir ses priorités et donc son plan d’action pour 2020. Dans un document analysé par Euractiv, les fonctionnaires européens considèrent l’hypothèse dans laquelle une série d’initiatives visant à garantir, entre autres, les droits des personnes LGBTI et des Roms.

Une note attachée au document précise que l’exécutif européen compte privilégier « en premier lieu les initiatives qui aideront à surmonter la crise de façon directe et significative », et ajourner les autres projets « jusqu’à un retour à la normale plus tard [dans l’année] ». Si des aides étaient donc prévues, il faudra attendre la fin de la crise pour qu’elles soient mises en pratique. Pour rappel, le projet d’intégration des communautés Roms lancé en 2014 par la Commission Européenne prend fin en 2020. Ce programme avait pour but d’améliorer les conditions de vie de la plus grande minorité d’Europe en passant par plusieurs axes dont l’accès à l’éducation, au travail et aux soins de santé.

Julien Roubaud

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