Edgar Ramirez, directeur des archives de la Corporation minière de Bolivie (Comibol). © AFP/Aizar Raldes

L’histoire méconnue du « Schindler de Bolivie », Mauricio Hochschild

Le Vif

Il est surnommé « le Schindler de Bolivie »: 52 ans après sa mort, le magnat Mauricio Hochschild, Allemand ayant émigré dans le pays sud-américain au début du 20e siècle, est désormais salué comme le sauveur de milliers de Juifs du nazisme.

Cette histoire méconnue a été récemment mise au jour en fouillant dans les tonnes de documents amassés durant des décennies par la Corporation minière de Bolivie (Comibol).

Jusqu’à présent, Mauricio Hochschild était surtout connu en Bolivie comme le magnat de l’étain, critiqué comme un grand patron aux méthodes discutables et ne cherchant que son profit.

Juif né à Biblis (Allemagne) en 1881, il est arrivé dans le pays sud-américain en 1921. Il y restera jusqu’en 1944 avant de repartir et finalement mourir à Paris en 1965 sans que personne ne connaisse son secret.

Ce n’est qu’au début des années 2000 que la Comibol a commencé à mettre de l’ordre dans sa montagne de vieux papiers « qui étaient en total abandon », raconte à l’AFP Edgar Ramirez, directeur des archives de l’institution.

D’abord il a fallu trier documents comptables, rapports miniers et économiques, avant de tomber sur ceux directement liés à Hochschild, dont l’Etat bolivien nationalisa en 1952 toutes les activités en considérant que celles-ci appauvrissaient le pays.

Echapper au pire

L’histoire est alors devenue intéressante: parmi ces papiers, se trouvaient des contrats de travail à des employés juifs, comme Erico Nagel Thale, né à Leipzig en 1904 et venu en Bolivie à l’âge de 32 ans, avec sa mère Ana de 74 ans.

Autre trouvaille, une lettre envoyée par la crèche Miraflores, à La Paz, demandant au chef d’entreprise son aide financière pour s’agrandir en prévision de l’arrivée prochaine de nombreux enfants juifs. Un autre courrier, du gouvernement français, lui demande même de faire venir en Bolivie près d’un millier d’orphelins juifs.

La conclusion est alors parue évidente: tout comme le célèbre Oskar Schindler, l’industriel allemand qui a sauvé plus d’un millier de juifs et inspiré un film de Steven Spielberg en 1993, Mauricio Hochschild a permis à beaucoup de membres de cette communauté d’échapper au pire. Les médias n’ont d’ailleurs pas tardé à le surnommer le « Schindler de Bolivie ».

« Il a sauvé beaucoup d’âmes de l’Holocauste, en les amenant en Bolivie et en créant du travail pour eux », explique à l’AFP Carola Campos, chef du service d’information de la Comibol.

Profitant de son amitié avec le président de l’époque, German Busch (1937-1939), il obtient de lui qu’il signe en 1938 un décret d’ouverture à la migration juive, officiellement réservé aux agriculteurs.

Il fait ainsi venir, en cachette, des poètes, des historiens et des écrivains, soit disant pour améliorer la productivité agricole du pays, mais en réalité pour leur permettre de se sauver d’Europe, assure Edgar Ramirez.

Dans les archives de la Corporation minière de Bolivie (Comibol).
Dans les archives de la Corporation minière de Bolivie (Comibol).© AFP/Aizar Raldes

9.000 Juifs sauvés

« En 1938, Hochschild calculait avoir fait venir entre 2.000 et 3.000 Juifs, et sept mois plus tard, en 1939, il estimait qu’ils étaient environ 9.000 », indique à l’AFP le journaliste et historien Robert Brockmann.

Le magnat leur payait le transport, les démarches migratoires et le logement à leur arrivée, où ils étaient d’abord hébergés dans une ferme de la région de Yungas.

Certains s’intégraient ensuite dans la société bolivienne ou repartaient vers un autre pays comme les Etats-Unis, l’Argentine, le Brésil ou Israël.

Dans les années 1940 il y avait ainsi 15.000 Juifs en Bolivie, selon les estimations du président du Cercle israélite bolivien, Ricardo Udler.

Jacobo Blankitny, survivant d’Auschwitz, a ainsi eu la chance de démarrer une nouvelle vie dans le pays andin, raconte à l’AFP sa fille Monica: « C’est beau ce qui s’est passé. Nous remercions la Bolivie qui a ouvert ses portes. C’est l’un des rares pays à l’avoir fait, à avoir accueilli les réfugiés, ceux qui s’échappaient de la guerre ».

L’ensemble des documents retrouvés par la Comibol ont été validés comme authentiques en octobre dernier par l’Unesco, qui les a inclus dans son programme « Mémoire du monde ». En mars ils seront mis en ligne par le Musée de la mine bolivienne, afin de les rendre accessibles à tous.

Aujourd’hui il ne reste plus que 500 juifs en Bolivie, selon Ricardo Udler, car les nouvelles générations ont beaucoup émigré vers d’autres pays, notamment Israël.

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