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L' »accord » entre l’UE et les États-Unis n’est, en réalité, que le début des négociations

Jeroen Kraan
Jeroen Kraan Correspondant aux États-Unis

« Je suis venu ici aujourd’hui pour conclure un accord, et nous avons un accord. » Ce sont les paroles prononcées par Jean-Claude Juncker au sortir de sa rencontre avec le président américain, Donald Trump. Mais le ‘deal’ n’est que le signal de départ des négociations entre l’UE et les États-Unis, pas le point final.

L’accord provisoire semble avoir dissipé le différend commercial latent qui perdurait entre les États-Unis et l’Europe depuis que Trump a déclaré, en mars dernier, que les guerres commerciales sont « bonnes et faciles à gagner ». Pour M. Juncker, cela a donc dû être un soulagement d’entendre Trump dire qu’il s’orientait vers des « droits d’importation zéro ». Pour preuve de la bonne entente, le président américain a même twitté une photo dans laquelle il raconte la fameuse bise sur la joue de Juncker. Comme par magie, les relations entre les États-Unis et l’UE semblent meilleures que jamais.

Dans une déclaration conjointe, Juncker et Trump indiquent « lancer une nouvelle phase dans la relation entre les Etats-Unis et l’Union européenne — une phase d’amitié étroite, de solides relations commerciales qui nous permettront à tous les deux d’être gagnants, de mieux travailler ensemble pour la sécurité et la prospérité à l’échelle mondiale et de lutter ensemble contre le terrorisme. » De beaux mots, mais n’est-ce pas ce qui a caractérisé la relation pendant des décennies entre l’Europe et les États-Unis ? Enfin, jusqu’à ce que Trump se lance dans un conflit commercial ? Malgré le ton positif de la rencontre entre Juncker et Trump, il reste difficile de savoir de quelle façon on compte supprimer les taxes commerciales. Selon une source européenne, aucun nouveau tarif douanier ne sera imposé sur les importations de voitures européennes aux États-Unis. Si ce sujet est une épine dans le pied de Trump, c’est aussi un dossier particulièrement sensible pour l’Allemagne. Le ministre allemand de l’Economie, Peter Altmaier, a immédiatement salué sur Twitter cette « percée » qui « peut éviter une guerre commerciale et sauver des millions d’emplois ».

Les tarifs douaniers récemment introduits par les États-Unis sur l’aluminium et l’acier européens restent eux aussi, pour l’instant, en vigueur, tout comme les taxes de rétorsion européennes sur les jeans, les motos et le bourbon. Dans une phrase isolée tout en bas de leur déclaration commune, Trump et Juncker stipulent que « Nous voulons également résoudre les problèmes de tarification de l’acier et de l’aluminium, ainsi que les tarifs de rétorsion. ». Apparemment, il n’y avait plus de place dans le document pour décrire le contenu de cette solution.

La seule mesure concrète est que l’Union européenne promet d’acheter plus de gaz naturel et de soja aux États-Unis. Selon Trump, il s’agit de « quantités énormes », sans pour autant rentrer dans les détails. Mais si cela avait été suffisant pour satisfaire Trump, nous l’aurions su. Dans son discours prononcé quelques heures après sa rencontre avec Trump, Juncker précise qu’il n’aurait acheté du gaz naturel américain que « si les conditions sont bonnes et les prix compétitifs ».

Quoi qu’il en soit, l’UE va devoir mouiller sa chemise pour continuer les négociations avec Trump qui n’est pas connu pour être un partenaire cohérent. Pour rappel, en novembre 2017, Trump déclare après sa rencontre avec le président chinois Xi Jinping avoir eu des discussions « très productives » au sujet du commerce. Deux mois plus tard, on introduisait les premiers droits d’importation sur les panneaux solaires chinois. En mai, Steven Mnuchin, le secrétaire américain au Trésor, déclare que la guerre commerciale avec la Chine est « suspendue ». Mais une semaine plus tard, les États-Unis annoncent pour 50 milliards de dollars de taxe sur les marchandises chinoises.

Les pratiques commerciales de la Chine sont justement un point sur lequel Trump et Juncker se rejoignent. Ils ont convenu de « réformer » l’Organisation mondiale du commerce (OMC) pour s’attaquer aux pratiques déloyales. Avec cela, ils visent clairement le gouvernement chinois qui subventionne le secteur national de l’acier et qui n’offre aux entreprises étrangères qu’un accès limité au marché chinois.

L’achat européen de soja américain semble également être un message pour la Chine. Les producteurs de soja américains ont été durement touchés par la guerre commerciale avec la Chine. Trump s’est même senti obligé de verser 12 milliards de dollars en compensation au secteur agricole américain. Si l’UE achète plus de fèves de soja, c’est aussi leur donner une pomme pour la soif, aussi petite soit-elle.

L’imprévisibilité de Trump va encore rajouter du suspens dans les négociations commerciales entre les États-Unis et l’UE. « Il n’est pas impossible de voir un tweet qui inverse tout cela », explique l’économiste Chad Bown au Washington Post. « Ce qui n’empêche pas que cette rencontre soit un signe positif. »

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