Giulio Regeni © Capture d'écran YouTube

Egypte : Giulio Regeni et les disparitions forcées

Le Vif

Une délégation de magistrats et de policiers égyptiens se rendra mercredi à Rome pour rendre compte de l’enquête sur l’assassinat de Giulio Regeni lors de réunions que l’Italie a qualifiées de « décisives ».

Enlevé le 25 janvier au Caire, cet étudiant italien de 28 ans avait été retrouvé mort dans un fossé le 3 février, le corps couvert de stigmates de tortures épouvantables infligées pendant plusieurs jours, selon les rapports d’autopsie. Depuis, l’Italie réclame que les coupables soient identifiés et punis.

« Une délégation de membres du parquet général d’Egypte et de policiers impliqués dans l’enquête (…) quittera le Caire demain mercredi, emmenée par le vice-procureur général Mostafa Soleiman, pour présenter les derniers éléments de l’enquête », a annoncé le parquet général dans un communiqué.

L’affaire en bref

L’étudiant italien de 28 ans avait disparu le 25 janvier en plein coeur du Caire. Son corps avait été retrouvé neuf jours plus tard en bordure d’autoroute, atrocement mutilé et torturé. Le 25 mars, la police égyptienne avait affirmé avoir identifié ses meurtriers: un « gang criminel » spécialisé « dans l’enlèvement d’étrangers pour les voler » et dont les quatre membres ont été tués dans « un échange de tirs » avec les forces de l’ordre. Une thèse contestée par les autorités italiennes et la famille de l’étudiant. La presse italienne et les milieux diplomatiques occidentaux en Egypte soupçonnent des membres des services de sécurité d’avoir enlevé et torturé à mort le jeune étudiant qui effectuait un mémoire sur les syndicats ouvriers en Egypte, ce que le gouvernement égyptien dément.

Les autorités italiennes ont confirmé que cette délégation était attendue pour des rencontres jeudi et vendredi avec les magistrats et enquêteurs italiens chargés du dossier à Rome. « Nous sommes à la veille de rencontres importantes qui pourraient être décisives pour le déroulement de l’enquête », a déclaré le ministre italien des Affaires étrangères, Paolo Gentiloni, mardi devant les parlementaires.

Le 25 mars, le ministère égyptien de l’Intérieur avait annoncé que les policiers avaient tué quatre membres d’un gang criminel spécialisé dans l’enlèvement d’étrangers et que tous les effets personnels de Regeni avaient été retrouvés chez l’un d’entre eux. Mais M. Gentiloni a répété que l’Italie n’acceptait pas cette version comme « la conclusion de l’enquête », en dénonçant « une nouvelle tentative d’accréditer une vérité commode ».

Pour la poursuite de l’enquête, Rome attend toujours les relevés téléphoniques de l’étudiant et les images de vidéo-surveillance du quartier où il a été enlevé, et demande des explications sur « la probable mise sous surveillance de Giulio Regeni avant sa disparition », a déclaré le ministre.

Faute de quoi, « le gouvernement est prêt à réagir en adoptant des mesures immédiates et proportionnées », a-t-il insisté. « Au nom de la raison d’Etat, nous n’accepterons pas de vérité fabriquée (… et) nous ne laisserons pas piétiner la dignité de notre pays ».

Malgré les vifs démentis du gouvernement égyptien, la presse italienne et les milieux diplomatiques occidentaux en Egypte soupçonnent des membres d’un des services de sécurité égyptiens d’avoir assassiné Giulio Regeni.

Le jeune doctorant à l’université britannique de Cambridge avait disparu alors qu’il se rendait dans une station de métro en plein centre du Caire, le 25 janvier, jour où la capitale, quasiment déserte en dehors d’impressionnants dispositifs policiers et militaires, commémorait le 5e anniversaire de la révolte ayant chassé Hosni Moubarak du pouvoir. Les autopsies ont révélé qu’il avait vécu un véritable calvaire pendant plusieurs jours avant de mourir la nuque brisée.

« Je ne vous dis pas ce qu’ils lui ont fait. Sur son visage j’ai vu tout le mal de ce monde », a témoigné la semaine dernière sa mère Paola, assurant n’avoir reconnu que la pointe du nez de son fils. Depuis que l’armée a destitué en juillet 2013 le président islamiste élu Mohamed Morsi, le nouveau pouvoir mène une répression sanglante contre ses partisans et implacable contre toute autre opposition, laïque et libérale.

Les organisations internationales de défense des droits de l’Homme accusent régulièrement les autorités égyptiennes de centaines de disparitions forcées, de détentions illégales et d’actes de torture et autres violences en détention.

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