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Deux ans après Chibok, bilan limité pour le hashtag #BringBackOurGirls

Le Vif

Deux ans après l’enlèvement à Chibok, dans un coin perdu du nord-est du Nigeria, de 276 lycéennes par les islamistes de Boko Haram, la grande mobilisation lancée sur les réseaux sociaux présente un maigre bilan: les mots sont restés lettre morte et la plupart des lycéennes captives.

Tout a commencé une semaine après l’enlèvement sans précédent du 14 avril 2014 avec le premier message d’un avocat nigérian sur Twitter sous le hashtag #BringBackOurGirls.

Le mot-dièse d’Ibrahim Abdullahi allait rapidement devenir un des thèmes de campagne en ligne les plus populaires d’Afrique, partagé plus de quatre millions de fois en un mois sur le réseau social.

L’adhésion de personnalités, de la starlette Kim Kardashian à la première dame américaine Michelle Obama et au chef du gouvernement britannique David Cameron, lui ont ensuite donné une dimension internationale.

#BringBackOurGirls a sans aucun doute contribué à attirer l’attention sur un conflit obscur qui a fait au moins 20.000 morts et chassé plus de 2,6 millions de personnes de chez elles depuis 2009.

La campagne a aussi galvanisé les soutiens à la lutte contre Boko Haram à un moment où l’armée nigériane perdait des territoires et le soutien de la population face aux insurgés.

Mais deux ans plus tard, #BringBackOurGirls risque de connaître le sort d’autres protestations en ligne à l’influence limitée, estime Ufuoma Akpojivi, spécialiste des médias sociaux à l’université de Witwatersrand de Johannesburg, en Afrique du Sud.

Sur le terrain, on reste sans nouvelles de 219 des 276 filles de Chibok – les autres ont réussi à s’échapper -, leur lycée est en ruine et la petite ville de Chibok attend toujours son développement.

« Il n’y a pas grand résultat à montrer », déclare Yana Galang, dont la fille Rifkatu fait partie des 219 lycéennes dont la dernière apparition publique remonte à une vidéo de Boko Haram de mai 2014.

« La seule chose qui compte est le retour de ma fille. Cela fait trop longtemps que ça dure », dit-elle alors que les parents des élèves enlevées se préparent à organiser une veillée de prière au lycée de Chibok jeudi soir.

Concrétiser un succès sur les médias sociaux a toujours été un problème pour les campagnes comme #BlackLivesMatter ou #OccupyWallStreet.

#BringBackOurGirls a initialement réussi à mobiliser des foules dans les rues du Nigeria, un pays où les manifestations de masse sont rares. Mais la politique politicienne a ensuite repris ses droits, explique M. Akpojivi.

Les partisans de Goodluck Jonathan, un chrétien du Sud qui était président du Nigeria au moment du kidnapping, ont estimé que la mobilisation masquait une attaque de ses adversaires issus du Nord musulman pour empêcher sa réélection à la présidentielle de mars 2015.

« Ils ont jugé que le mouvement était alimenté par l’opposition pour les discréditer et le gouvernement a traité le mouvement comme des criminels », commente M. Akpojivi.

« On estime souvent à tort que l’utilisation des réseaux sociaux et des nouvelles technologies peut produire les changements voulus », ajoute le chercheur.

#BringBackOurGirls a aussi eu le mérite de mobiliser les Etats-Unis. Mais l’aide de la première puissance mondiale – plus de 400 millions de dollars pour la lutte contre Boko Haram – n’a pas libéré les lycéennes de Chibok.

Un mois après leur enlèvement, le président Barack Obama a envoyé quelque 80 militaires au Tchad, voisin du Nigeria, pour aider à localiser les filles. Des spécialistes américains et britanniques auraient réussi à retrouver la trace de certaines d’entre elles et informé les Nigérians. Mais rien n’a suivi.

Le Pentagone a expliqué que les militaires américains ont été redéployés parce que l’armée nigériane avait cessé de réclamer leurs services.

La parlementaire américaine Frederica Wilson, qui anime la campagne #BringBackOurGirls à Washington, reconnait les difficultés.

« Trop de gens pensent qu’ils peuvent limiter leur participation à cette cause à des tweets », regrette-t-elle sans cacher son inquiétude pour les disparues. « Je prie qu’elles soient encore en vie mais la réalité est qu’on ignore où elles sont et ce qu’elles font ».

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