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Des milliers de Palestiniens de retour à la frontière, au péril de leur vie

Le Vif

« On se fiche que la moitié des gens se fasse tuer »: au péril de leur vie, des dizaines de milliers de Palestiniens de Gaza se sont à nouveau massés à la frontière avec Israël lundi, jour de l’inauguration de l’ambassade américaine à Jérusalem.

En milieu d’après-midi, au moins 41 Palestiniens dont un adolescent de 14 ans avaient été tués et plusieurs centaines blessés par des tirs de l’armée israélienne, selon le ministère local de la Santé.

Ces décès portent à 95 le nombre de Palestiniens tués depuis le 30 mars et le début d’une « marche du retour » qui voit des milliers de Gazaouis se rassembler le long de cette frontière pour revendiquer le droit des Palestiniens à retourner sur les terres dont ils ont été chassés ou qu’ils ont fuies à la création d’Israël en 1948.

Ils font aussi de cette journée la plus meurtrière du conflit israélo-palestinien depuis la guerre de 2014 dans l’enclave sous blocus.

Ce lundi, c’est plus spécifiquement pour dire leur colère contre le transfert de l’ambassade américaine en Israël de Tel-Aviv à Jérusalem que ces manifestants ont repris le chemin de la frontière.

Parmi eux, Mouataz al-Najjar, 18 ans, blessé quatre fois depuis le 30 mars, clame son intention de forcer la barrière frontalière.

« Nous retournerons chez nous et le transfert de l’ambassade (américaine) (…) n’aura pas lieu », dit-il à l’AFP.

« On continuera »

Les milliers de manifestants se sont rassemblés en différents points et de petits groupes ont tenté de s’approcher de la frontière lourdement gardée par l’armée israélienne, ont constaté des journalistes de l’AFP.

Ces petits groupes ont tenté de s’attaquer à la barrière, lancé des pierres en direction des soldats et essuyé des tirs en retour.

Dimanche et lundi, l’armée israélienne avait prévenu les Gazaouis par tracts distribués par les airs qu’ils exposaient leur vie en prenant part aux manifestations et qu’elle ne permettrait pas qu’on s’en prenne à la barrière de sécurité, aux soldats ou aux civils israéliens riverains.

« Nous défendrons nos citoyens par tous les moyens, nous ne permettrons pas qu’on force la frontière », avait prévenu le ministre de la Défense, Avigdor Lieberman.

Mais Bilal Fasayfes, 31 ans, a tout de même pris avec sa femme et ses deux enfants l’un des bus affrétés à Khan Younès, dans le sud de l’enclave, pour emmener les Gazaouis à la frontière.

« On se fiche que la moitié des gens se fasse tuer, on continuera à y aller pour que l’autre moitié vive dignement », s’exclame-t-il.

A l’hôpital Shifa de Gaza, les médecins, confrontés à une pénurie de médicaments aggravée par des semaines de mobilisation, sont contraints d’accélérer la sortie de malades afin de libérer des lits.

A Khan Younès, un groupe d’hommes masqués et pour certains armés de bâtons ont circulé parmi les magasins pour forcer leurs propriétaire à les fermer et respecter un appel à la grève générale dans toute l’enclave.

Dans les mosquées, de puissants haut-parleurs ont été installés pour relayer les messages d’encouragement à aller manifester.

« Notre capitale »

L’armée israélienne s’attend à ce que des dizaines de milliers de Palestiniens au total protestent contre l’inauguration dans l’après-midi de l’ambassade américaine à Jérusalem – dans la bande de Gaza mais aussi en Cisjordanie occupée.

A Ramallah, 2.000 Palestiniens se sont ainsi rassemblés en scandant « Jérusalem est notre capitale », a constaté un journaliste de l’AFP. L’Autorité palestinienne a appelé les salariés à quitter leur travail en fin de matinée pour participer aux manifestations.

La cérémonie de transfert de l’ambassade américaine, liée à la reconnaissance par Donald Trump de Jérusalem comme capitale d’Israël, révulse les Palestiniens.

Ceux-ci voient dans la décision américaine la négation de leurs revendications sur Jérusalem-Est dont ils veulent faire la capitale de l’Etat auquel ils aspirent.

Depuis le 30 mars, les Palestiniens de Gaza manifestent également contre le blocus imposé depuis plus de dix ans par Israël à l’enclave, surpeuplée et dirigée par le mouvement islamiste Hamas auquel Israël a livré trois guerres depuis 2008.

A la frontière, Faris Abou Hajaras, ouvrier du bâtiment de 50 ans, dit ne pas avoir de travail à cause du profond marasme dû, selon lui, à ce blocus.

Il assure qu’il continuera à manifester pacifiquement. « C’est Dieu qui décide ou non de notre mort. Vous et moi, nous pouvons marcher l’un à côté de l’autre et vous, vous prenez une balle dans la tête et moi, il ne m’arrive rien », déclare-t-il.

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