Anne-Sophie Bailly

« Dans les visions du monde de demain, il n’y a de la place que pour le « ou », pas pour les « et ». Et pourtant… »

Anne-Sophie Bailly Rédactrice en chef

Hier, un virus a fondu sur nos vies et les a prises par trop de fois. Aujourd’hui, chacun panse ses plaies et pense à demain. Dans quel monde vivrons-nous ? Quels bouleversements nous attendent ? Y aura-t-il un avant et un après coronavirus fondamentalement différents ?

Pour certains, le Covid-19 ne sera qu’une parenthèse. Demain sera comme hier. En pire. L’impératif économique reprendra rapidement le dessus et la mondialisation va s’intensifier. Le numérique, grand gagnant de la crise, exacerbera un repli sur soi et une distanciation sociale déjà présents.

Pour d’autres, le Covid-19 sera l’instant T. Demain sera un monde nouveau, égalitaire et solidaire, plus vert. Le retour au monde d’avant est inenvisageable. C’est l’occasion unique de repenser l’ensemble de la société et son mode de fonctionnement, les inégalités et la mobilité, le rôle de l’Etat et nos politiques sociales. De prendre enfin à bras-le-corps, le réchauffement climatique et d’assurer la survie de la planète.

Les arguments sont brandis de part et d’autre, ramenant chacun à sa propre introspection, face à un futur en pointillés.

Demain, si nous devons nous battre pour garder notre boulot ou sauver notre affaire, serons-nous encore capables de générosité ? La lutte que nous voyions solidaire hier, la poursuivrons-nous en solitaire demain ? Et quid de la mondialisation, pointée comme l’un des ennemis à abattre ? Réindustrialiser l’Europe ne serait pas sans conséquences en matière de pouvoir d’achat. Serons-nous prêts à payer voitures et smartphones nettement plus chers ? Serons-nous prêts à ne pas incriminer un décideur politique qui aurait payé des masques de protection au double du prix, parce que made in Europe (et grevé d’autant son budget) ? Serons-nous prêts à assumer les conséquences de l’effet boomerang et à ne pas crier au loup quand les rares industries encore présentes sur le sol belge fermeront leurs portes, pour cause de démondialisation ?

En serons-nous capables ? On peut l’espérer. Pas l’affirmer.

Autres inconnues. D’où viendrait cette impulsion au changement ? Des entreprises, des citoyens, des gouvernements, tous autant que nous sommes occupés à gérer l’urgence ? Les solutions d’urgence pour lesquelles nous optons aujourd’hui ne seront-elles pas la nouvelle norme de demain ?

Ces débats s’inscrivent dans une vision de deux mondes qui s’opposent. Entre lesquels il faut choisir. Dans ces visions du monde de demain, il n’y a de la place que pour le  » ou « , pas pour les  » et « . Et pourtant… Nous pourrions coudre des masques et acheter un livre sur Amazon. Nous pourrions télétravailler trois jours et faire la navette le reste de la semaine. Nous pourrions consommer local et continuer les Zooms. Nous pourrions revoir notre système de soins de santé et trouver un nouveau système de financement.

Nous pourrions choisir le meilleur des deux mondes.

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