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Crash d’un Boeing 737 à Téhéran: le point sur la situation

Caroline Lallemand
Caroline Lallemand Journaliste

Un avion de ligne ukrainien transportant 176 personnes s’est écrasé ce mercredi en Iran peu après son décollage de Téhéran, tuant tous ses passagers.

L’avion, un Boeing 737 de la compagnie Ukraine International Airlines, avait décollé avant l’aube de l’aéroport international Imam Khomeiny de Téhéran en direction de Kiev, selon l’agence semi-officielle Isna. Il s’est écrasé sur des terres agricoles à Khalaj Abad dans le district de Shahriar, à environ 45 km au nord-ouest de l’aéroport, selon des médias d’Etat.

« Sur les 176 personnes qui ont péri, neuf étaient des membres d’équipage et les autres des passagers » dont 15 enfants, a déclaré le gouverneur adjoint de la province de Téhéran, Mohammad Taghizadeh, cité par Isna. « Il y a actuellement 500 personnels médicaux sur place » pour retrouver les corps.

Le chef de la diplomatie ukrainienne, Vadym Prystaïko, a indiqué que 82 Iraniens et 63 Canadiens se trouvaient à bord du vol PS752 d’UIA. Le Canada héberge une importante diaspora iranienne et UIA propose des vols relativement économiques reliant Toronto et Téhéran, avec escale à Kiev. Onze Ukrainiens (deux passagers et neuf membres d’équipage), dix Suédois, quatre Afghans, trois Allemands et trois Britanniques s’y trouvaient également, a-t-il précisé. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a confirmé sur Facebook que « tous les passagers et l’équipage » du vol « sont morts ».

Cité par l’agence d’information semi-officielle Isna, le gouverneur adjoint de la province de Téhéran, Mohammad Taghizadeh a précisé que 15 enfants étaient dans l’avion. Treize autres passagers étaient des étudiants de l’université Sharif de Téhéran, une des plus prestigieuses du pays, selon Isna.

Les boites noires du Boeing ont été retrouvées dans la matinée, a indiqué l’aviation iranienne.

« S’abstenir de toute spéculation »

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky, qui a interrompu ses vacances dans le sultanat d’Oman pour rentrer en Ukraine, a ordonné l’ouverture d’une enquête et annoncé l’inspection de « toute la flotte aérienne civile » ukrainienne, indépendamment de la cause du crash. « Une commission d’enquête constituée de représentants des services de sécurité et des services spécialisés chargés de l’aviation civile sera créée », a-t-il ajouté.

Il a aussi a mis en garde contre toute « spéculation » après le crash.

« Je demande vraiment à tout le monde de s’abstenir de toute spéculation et versions non vérifiées sur la catastrophe », a écrit sur Facebook Zelensky. Plus tôt dans la matinée, l’ambassade ukrainienne en Iran a mis en cause « une panne d’un moteur de l’appareil due à des raisons techniques », disant exclure « la thèse d’un attentat terroriste », avant de retirer ce passage de son communiqué.

Le crash a vraisemblablement été causé par « des difficultés techniques », a indiqué PressTV, la télévision d’Etat en langue anglaise, citant Ali Khashani, porte-parole de l’aéroport Imam Khomeiny. « L’avion a pris feu après s’être écrasé », selon cette télévision. La télévision d’Etat iranienne a montré des images du site du crash sur lesquelles on voit des équipes de secouristes fouiller un terrain vague sur lequel des débris sont éparpillés.

Selon la compagnie ukrainienne, l’avion était neuf et avait passé son contrôle technique il y a deux jours. « L’avion a été fabriqué en 2016, il a été reçu par la compagnie aérienne directement de l’usine (Boeing). L’avion a subi sa dernière maintenance technique régulière le 6 janvier 2020 », a déclaré Ukraine International Airlines sur Facebook précisant suspendre la liaison aérienne avec Téhéran sine die.

Sur le site de la catastrophe à environ 45 km au nord-ouest de l'aéroport.
Sur le site de la catastrophe à environ 45 km au nord-ouest de l’aéroport. © reuters

Tirs de missiles

Un expert aéronautique, Stephen Wright, professeur à l’Université de Tempere en Finlande, a douté que l’avion ait été abattu. « Il y a beaucoup de spéculations actuellement disant qu’il a été abattu, je pense que cela ne se révélera pas du tout le cas », a-t-il expliqué à l’AFP. « L’avion montait (…) dans la bonne direction, ce qui signifie que quelque chose de catastrophique est arrivé », a-t-il observé, « cela pourrait être une bombe ou une panne catastrophique dans l’avion ».

L’avionneur américain Boeing a annoncé de son côté récolter des informations après le crash. « Nous sommes au courant des informations de médias depuis l’Iran et nous récoltons davantage d’informations », a réagi l’entreprise américaine sur son compte Twitter.

Le crash du Boeing 737 de la compagnie Ukraine International Airlines est survenu peu après que l’Iran a tiré des missiles dans la nuit de mardi à mercredi sur des bases en Irak utilisées par des militaires américains pour venger la mort du général iranien Qassem Soleimani. Ce général des Forces Qods des Gardiens de la révolution, a été tué vendredi à Bagdad par une frappe aérienne des Etats-Unis.

Des restrictions de vol sont intervenues après l’envoi par l’Iran de missiles contre les bases d’Aïn al-Assad et d’Erbil en Irak, utilisées par l’armée américaine. Plusieurs compagnies aériennes, parmi lesquelles Air Canada, Malaysia Airlines et Singapore Airlines, ont adapté leurs routes au Moyen-Orient en raison de l’escalade des tensions entre Washington et Téhéran. Air France et Lufthansa, maison mère de Brussels Airlines, ont suspendu jusqu’à nouvel ordre « tout survol des espaces aériens iranien et irakien », quelques heures après des frappes iraniennes contre deux bases abritant des soldats américains en Irak. Les compagnies aériennes de Dubaï, Emirates et flydubai, ont aussi annoncé mercredi avoir annulé leurs vols à destination de Bagdad.

A la suite des tirs de missiles iraniens, l’administration fédérale américaine de l’aviation, la FAA, a annoncé pour sa part qu’elle suspendait les vols des compagnies enregistrées aux Etats-Unis au-dessus de l’Irak, de l’Iran et du Golfe. » La FAA continuera à surveiller de près les événements au Moyen-Orient », ajoute un communiqué.

Des 737 MAX cloués au sol.
Des 737 MAX cloués au sol. © belgaimage

Boeing dans la tourmente

Boeing est dans la tourmente depuis plusieurs mois, à la suite de deux accidents mortels survenus en Indonésie et en Ethiopie ayant fait au total 346 morts, impliquant dans ces cas des appareils 737 MAX, « l’avion-vedette de Boeing » et successeur du 737 NG. Depuis lors, tous les 737 MAX sont cloués au sol pour une durée indéterminée depuis mars 2019. Récemment, Boeing a décidé de suspendre la production de ces appareils. Les autorités belges ont prolongé la semaine dernière jusqu’à fin mars prochain l’interdiction de vol des modèles 8 et 9 du Boeing 737 Max.

Le Boeing 737 Next Generation, communément appelé Boeing 737NG, est le nom donné aux versions 600, 700, 800 et 900 du Boeing 737. Il s’agit de la troisième génération dérivée du 737, et suit la série 737 Classic (300, 400 et 500), produite à partir de 1996. Cette génération est remplacée par les versions Boeing 737 MAX, améliorées et remotorisées.

Alors que le constructeur s’apprêtait à remettre en service ses appareils, un nouveau facteur de risque aurait été détecté rapporte le site 20minutes.fr. Un audit interne, mené en décembre dernier avec le concours de la Federal Aviation Administration (FAA), aurait mis au jour un problème au niveau de deux faisceaux de câbles. Ces derniers seraient trop proches, ce qui pourrait entraîner un court-circuit, selon des informations du New York Times. Un court-circuit dans cette zone de l’avion pourrait mener au crash si le pilote ne réagit pas correctement.

Boeing poursuit les tests pour déterminer si ce défaut nécessite de modifier les quelque 800 appareils concernés. Le constructeur assure qu’une telle modification serait relativement simple. « Notre priorité absolue est de veiller à ce que le 737 MAX réponde à toutes les exigences réglementaires et sécuritaires avant sa remise en service », a déclaré Gordon Johndroe, le porte-parole de Boeing.

Des contrôles vont aussi être effectués sur le modèle 737 NG, le prédécesseur du 737 MAX, pour savoir s’il est aussi concerné par ce défaut. Il y a actuellement environ 6.800 Boeing 737 NG en circulation dans le monde.

Après avoir longtemps résisté, Boeing s’est finalement résolu ce mardi à recommander une formation des pilotes sur simulateur, jugée plus coûteuse et susceptible de retarder davantage la remise en service de l’avion 737 MAX cloué au sol. Le constructeur aéronautique américain accède ainsi aux exigences des autorités de l’aviation civile européenne et canadienne, qui en avaient fait une condition sine qua non pour donner leur feu vert à une levée de l’interdiction de vol. Avant les accidents de Lion Air et d’Ethiopian Airlines, les pilotes aux commandes du Boeing 737 MAX n’étaient formés que sur ordinateur, et sur iPad pour ceux qui étaient déjà rodés au 737 NG, le prédécesseur du MAX.

Un des arguments commerciaux de Boeing pour vendre le MAX aux compagnies aériennes était qu’elles feraient des économies parce qu’il n’y aurait pas besoin de former spécialement les pilotes habitués au 737 NG, selon une brochure de promotion consultée en novembre par l’AFP.

Le revirement de Boeing intervient quelques jours seulement avant l’arrivée effective aux commandes ce 13 janvier de David Calhoun, nommé fin décembre pour remplacer Dennis Muilenburg, limogé après une gestion de crise jugée catastrophique et des relations tendues avec l’agence fédérale de l’aviation (FAA).

À 62 ans, le nouvel homme fort de Boeing aura la lourde tâche de restaurer la confiance dans l’entreprise, embourbé dans la crise causée par ces crashs à répétition.

(Avec AFP)

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