Anne-Sophie Bailly

Coronavirus: « La solidarité juste aux balcons »

Anne-Sophie Bailly Rédactrice en chef

Le Bureau du Plan et la Banque nationale de Belgique ont livré leurs prévisions économiques pour 2020. Un Produit intérieur brut (PIB) en recul de 8 % en volume et un endettement de 115 % du PIB. C’est énorme. Comment pourrait-il en être autrement avec 1,2 million de travailleurs en chômage temporaire et 300 000 indépendants confrontés à un brusque arrêt de leur activité ?

Et pourtant les deux organismes ne laissent pas transparaître un pessimisme à tout crin. Que du contraire. Ils tablent en effet sur une reprise rapide avec un rebond du PIB de plus de 8 % l’an prochain. Le fameux modèle en V qui illustre un plongeon quasi à pic de l’activité économique suivi d’une remontée tout aussi rapide. Car même si personne ne peut aujourd’hui s’avancer sur la durée du confinement ou l’impact sur le tissu économique, ces économistes escomptent un effet de rattrapage. Les ménages confinés auront constitué une épargne forcée et consommeront davantage durant la seconde moitié de l’année.

Tous les penseurs économiques ne partagent pas cet avis. Certains parient davantage sur le U ou le L. On verra à l’autopsie.

Ce qui est certain, c’est qu‘il y a urgence à relancer cette économie en berne et que chacun a sa petite idée sur la manière de le faire. Georges-Louis Bouchez s’est positionné en défenseur du libéralisme et de la mondialisation, avec un big bang fiscal à la clé. Pour Paul Magnette, c’est une société plus juste et solidaire qu’il faut construire avec, en ligne de mire, une taxation des transactions financières et l’harmonisation du taux de TVA à l’échelon européen. Quant au duo Ecolo, il plaide pour une société résiliente armée d’un bouclier social. Chaque parti reste fidèle à son courant idéologique. Mais le timing de telles sorties politiques interpelle. Et rappelle que l’entente qui a prévalu à la formation du gouvernement de Sophie Wilmès n’a été que forcée par les circonstances.

Même tension qui affleure entre patrons et syndicats dès qu’on évoque le débat autour des certificats médicaux que les employeurs préféreraient voir assimilés à du chômage temporaire. La paix sociale semble toujours bien fragile.

La fracture est, elle, déjà totalement avérée au niveau européen. Il aura fallu deux vidéoconférences marathon pour aboutir à un accord sur le plan de relance. Sans pour autant trancher l’épineux problème de la mutualisation des dettes. Coronabonds ou recours au Mécanisme européen de stabilité ? Solidarité ou pas ? Une aide, peut-être mais en échange de quoi ? Chaque bloc de pays a sa manière de voir les choses.

Fracture encore au coeur des soins qu’on apporte à la population. Pour preuve, ces mouroirs que sont devenues les maisons de repos où nos aînés ont été confinés. Ou devrait-on dire abandonnés ? Ou les premiers scénarios de déconfinement dans lesquels chaque secteur commence déjà à placer ses pions pour savoir qui sera prioritaire dans le testing ou l’attribution de masques.

Il y a quelques semaines pourtant, on entendait s’exprimer à haute voix et quasiment à l’unisson des rêves d’un nouveau monde. De ce monde d’après où rien ne serait plus comme avant. Où ces nouvelles solidarités seraient la norme et plus l’exception.

La concrétisation de ce rêve commence à se heurter à la réalité. Et on s’interroge : cette solidarité dépassera-t-elle les balcons et les machines à coudre ?

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