Gro Harlem Brundtland © Belga

Coronavirus : « L’Europe a commis des erreurs »

Le Vif

L’ancienne directrice de l’OMS, Gro Harlem Brundtland, évoque l’approche de la Chine face à la crise du coronavirus, les erreurs de l’Europe et les dangers d’une nouvelle pandémie.

Gro Harlem Brundtland (81 ans), ancienne directrice de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et ministre-président de Norvège, copréside le Global Preparedness Monitoring Board depuis deux ans. Ce groupe d’experts attire l’attention des gouvernements sur le danger que représentent les nouvelles maladies infectieuses. Le rapport présenté par le groupe en septembre 2019 était de nature prophétique. « Le monde court un risque aigu d’épidémies ou de pandémies dévastatrices », mettait-il en garde. « Ces mesures coûteront de nombreuses vies, mais perturberont également les économies et provoqueront le chaos social. »

Le président Donald Trump veut que l’Amérique se retire de l’OMS. Que pensez-vous de cela ?

Gro Harlem Brundtland : Cette décision va à l’encontre des intérêts américains et est une erreur. Mais Trump n’est pas omnipotent, le Congrès américain est toujours là.

Trump reproche à l’OMS d’être de mèche avec la Chine, qui a trop longtemps caché des informations pendant la crise du coronavirus. Est-ce exact?

La Chine a réagi trop lentement et a admis trop tard que la contamination pouvait se transmettre d’homme à homme. Je ne sais pas si cela a été fait exprès. La Chine est un grand pays avec de nombreux intérêts concurrents en jeu. On ne peut pas juger trop vite.

En janvier, la Chine a même reçu les éloges de Tedros Adhanom Ghebreyesus, le directeur général de l’OMS. N’était-ce pas excessif?

Peut-être. Il espérait sans doute que cela l’aiderait à mieux travailler avec les Chinois.

Avez-vous vu la pandémie arriver dès le mois de septembre ?

Au début, j’espérais que la maladie ne se propagerait que par les animaux, mais mi-janvier, il était déjà clair que les gens pouvaient s’infecter mutuellement. J’ai alors supposé que l’OMS déclarerait la phase d’alerte maximale dès que possible.

Cela devait arriver bien plus tard, le 30 janvier.

Les experts ne se sont pas accordés sur le fait que tous les critères d’une pandémie étaient remplis. Mais pour la lutte internationale contre le virus, cela n’a probablement pas fait beaucoup de différence. La plupart des épidémiologistes des différents pays connaissaient le risque auquel nous étions confrontés avant même l’alerte de l’OMS.

Et pourtant, les gouvernements européens ont réagi lentement. Et quelques semaines plus tard, le continent équipé des meilleurs systèmes de santé nationaux était au centre de la pandémie.

L’Europe aussi a commis des erreurs. Les gouvernements étaient trop optimistes quant à la capacité des établissements de santé et ont sous-estimé le degré de contagion du virus.

Que pensez-vous de l’approche suédoise ?

Les experts suédois espéraient qu’en l’absence de confinement, ils atteindraient rapidement une immunité collective, mais ils se sont trompés.

Pouvons-nous tirer des leçons de l’approche rapide et stricte de pays asiatiques tels que Taïwan, la Corée du Sud et le Vietnam ?

Oui, leur exemple montre qu’il est parfois préférable de privilégier les précautions par rapport à la liberté individuelle.

Quelle leçon tirez-vous de la crise du coronavirus?

Que les voyages aériens devraient être plus strictement réglementés. Ils sont une source d’infection.

Une prochaine pandémie pourrait-elle être pire ?

Malheureusement, oui. Peut-être aurons-nous un virus tout aussi contagieux, mais encore plus mortel que le coronavirus. Nous devons être beaucoup mieux préparés.

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