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Censure chinoise: des interdictions jusqu’à l’absurde

Muriel Lefevre

Contrôle renforcé d’internet, des religions, des militants des droits de l’homme: depuis l’arrivée au pouvoir du président Xi Jinping en 2012, la Chine assiste à une réduction des libertés, destinée à garantir la sacro-sainte stabilité du régime. Une machine qui s’est encore emballée à l’approche du congrès. Au point que même Winnie l’ourson est interdit. Topo.

Alors que s’est ouvert mercredi le congrès quinquennal du Parti communiste chinois (PCC), voici quelques secteurs qui ont particulièrement été visés par la censure ces cinq dernières années.

Internet : Winnie l’Ourson, persona non grata en Chine

Les autorités imposent depuis longtemps un strict contrôle du web. Les articles ou commentaires jugés sensibles sont effacés et certains sites étrangers (Instagram, Facebook, YouTube, Twitter, Dailymotion, Google) sont rendus inaccessibles.

Le blocage intermittent de WhatsApp en Chine et une éventuelle interdiction des logiciels permettant de contourner le blocage des sites étrangers inquiètent également les firmes internationales. Cette censure pèse notamment sur l’activité des compagnies étrangères présentes dans le pays asiatique. De nombreux particuliers et entreprises utilisent cependant des « réseaux privés virtuels » (VPN), des logiciels permettant de contourner le blocage des sites, et jusqu’ici facilement accessibles et téléchargeables depuis la Chine. Mais Pékin commence à resserrer son étau sur ces programmes. Leurs concepteurs doivent désormais obtenir des autorisations officielles du gouvernement. Et les inquiétudes montent quant à une possible interdiction pure et simple. « Il serait difficile, voire quasiment impossible pour les particuliers et les entreprises de communiquer sur internet de façon sécurisée et confidentielle » si une telle politique était mise en oeuvre, a indiqué lundi l’ambassadeur allemand Michael Clauss dans un communiqué. « Si la communication numérique était étouffée, cela pourrait avoir des effets préjudiciables sur les relations entre la Chine et le monde extérieur, y compris l’Allemagne. »

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Son dispositif de cybercensure, le Great Firewall of China, est l’un des plus avancés au monde : depuis janvier 2016, il ne bloque plus simplement les sites indésirables, mais il lance également de véritables cyberattaques.

En juin 2017, une loi sur la cybersécurité est venue renforcer l’arsenal. Elle ambitionne de protéger les réseaux chinois, mais impose également de nouvelles limites à la liberté d’expression et oblige les entreprises à stocker les données de leurs utilisateurs en Chine.

Le pouvoir a également fait fermer des blogs d’informations « people ». Et les plateformes de diffusion de vidéo en streaming ont été sommées d’expurger tout contenu non conforme « aux critères politiques et esthétiques corrects ». Dans le collimateur notamment: adultère, drogue et pornographie. Avant le congrès du PCC, le gouvernement a par ailleurs commencé à bloquer les « réseaux privés virtuels » (VPN), ces logiciels permettant de contourner le blocage des sites internet, et jusqu’ici facilement téléchargeables.

Plus surprenant, Winnie l’Ourson a aussi été censuré après avoir été comparé à Xi Jinping. Tout commentaire sur « Weini xiao xiong » (« Winnie le petit ours » en chinois) est bloqué sur Weibo, l’équivalent chinois de Twitter. Sur WeChat, le concurrent de WhatsApp, qui recense 938 millions d’utilisateurs actifs, l’image de Winnie a été supprimée des émoticônes. Le premier détournement date de 2013 ou on voit Xi Jinping et Barack Obama, respectivement en de Winnie l’Ourson et Tigrou.

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© Capture d’écran Weibo

Plus surprenant, Winnie l’Ourson a aussi été censuré après avoir été comparé à Xi Jinping. Tout commentaire sur « Weini xiao xiong » (« Winnie le petit ours » en chinois) est bloqué sur Weibo, l’équivalent chinois de Twitter. Sur WeChat, le concurrent de WhatsApp, qui recense 938 millions d’utilisateurs actifs, l’image de Winnie a été supprimée des émoticônes. Le premier détournement date de 2013 ou on voit Xi Jinping et Barack Obama, respectivement en de Winnie l’Ourson et Tigrou.

L’année suivante, un autre même montre Xi Jinping, toujours en Winnie, mais cette fois accompagné de Bourriquet, aka Shinzo Abe. Mais ce n’est qu’en 2015 que sort la « photo la plus censurée de l’année en Chine » : on voit Winnie l’Ourson, dans une décapotable, passer ses troupes en revue.

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© Capture d’écran

L’année suivante, un autre même montre Xi Jinping, toujours en Winnie, mais cette fois accompagné de Bourriquet, aka Shinzo Abe. Mais ce n’est qu’en 2015 que sort la « photo la plus censurée de l’année en Chine » : on voit Winnie l’Ourson, dans une décapotable, passer ses troupes en revue.

La télé aussi : même plus de bisous

Ce n’est un secret pour personne : chaque journal et chaîne de télévision de Chine est contrôlé par le Parti communiste. « On » exige la loyauté absolue des journalistes qui devraient suivre le leadership du Parti dans « la politique, la pensée et l’action ». Pour les journalistes qui n’auraient pas bien compris la consigne, un ensemble de règles a tout de même été envoyé autour de la couverture du congrès de cette année. Par exemple : toutes les interviews avec des experts ou des universitaires doivent être approuvées par le « leadership de l’unité de travail » département de propagande. Cependant, la censure et la propagande chinoise va au-delà des questions sensibles ou politiques. Les librairies en ligne doivent désormais aussi respecter un système de notation de « l’Administration d’État pour la presse, l’édition, la radio, le cinéma et la télévision. Ce système veut promouvoir les « valeurs morales ». Par exemple les blogs populaires et people relatant les scandales de célébrités et les intrigues des riches et célèbres ont été forcés de fermer. Parler de ces questions a été jugé contraire aux « valeurs socialistes fondamentales ».

A la télé, toutes les productions dites « légères » ont été interdites. Il fut un temps ou les séries dramatiques un peu cheap poussaient comme des champignons et repoussaient les limites. On a pu voir une sitcom gaie par exemple. Mais tout cela c’est du passé. Les plateformes numériques ont reçu l’ordre de cesser de diffuser des centaines de spectacles étrangers et leur propre production est priée de respecter les mêmes restrictions que la télévision. Aujourd’hui un simple baiser passionné est devenu une rareté.

Depuis deux ans, si une série souhaite être diffusée elle doit de recadrer et de zoomer les images afin de couper le décolleté généreux des jeunes filles.

Depuis un mois les règles ont encore été renforcées dans le but d' »améliorer le goût culturel des gens » et « renforcer la civilisation spirituelle ». Les réalisateurs sont « invités » à inventer autre chose que des comportements obscènes, des affaires extra-conjugales, le jeu, de la drogue, l’homosexualité ou d’autres formes de comportement « immoral ». Par exemple : l’éloge du Parti communiste chinois, du pays, du peuple et des héros nationaux. Ou encore mieux glorifier Xi Jinping.

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Ceci dit les règles concernant ce qui peut ou ne peut pas être dit, diffusé, transmis, analysé sont considérées comme délibérément floues. Et c’est exprès, car de cette façon, tout le monde est sur ses gardes et les autorités peuvent fermer ce qu’ils veulent à tout moment sans avoir à donner une raison. Les éditeurs, les caricaturistes, les reporters, les réalisateurs, les blogueurs, les comédiens, les administrateurs de médias sociaux et les citoyens chinois évitent scrupuleusement certains sujets pour éviter de se retrouver dans la tourmente. En bref, comme le dit la BBC: la censure chinoise fonctionne, et beaucoup d’autres gouvernements à travers le monde la regardent avec admiration.

Mais aussi, spécialement pour le congrès:

Interdiction de faire du feu. Du coup certains restaurants ont dû fermer.

Plus moyen de réserver une chambre sur Air B&B dans le centre de Pékin.

Les services de livraison ne livreront plus de produits liquides, poudres ou pâtes, mais aussi des couteaux ou des armes factices.

Vous ne verrez pas non plus des montgolfières dans le ciel. En effet, celles-ci, comme les drones, ont été bannies.

Avocats muselés

Dans le cadre d’un coup de filet d’une ampleur inédite lancé en juillet 2015, plus de 200 avocats et militants des droits de l’homme ont été interpellés ou interrogés par la police. Les avocats arrêtés étaient connus pour leur défense de personnalités sensibles: militants pro-démocratie, membres de la secte interdite Falun Gong et dissidents. La quasi-totalité des personnes interpellées ont ensuite été libérées, mais quelques-unes ont été condamnées par la justice à des peines allant jusqu’à sept ans de prison. La justice reste étroitement soumise au pouvoir politique en Chine et le pouvoir des avocats est extrêmement réduit.

Dissidents dressés ou emprisonnés

Le dissident chinois Liu Xiaobo, lauréat du prix Nobel de la paix en 2010, est décédé en juillet d’un cancer en détention, malgré les appels internationaux à l’autoriser à finir ses jours à l’étranger.

La mort de cet homme de 61 ans a suscité une vague de désespoir parmi les militants pro-démocratie. La femme de Liu Xiaobo, la poétesse Liu Xia, est en résidence surveillée depuis maintenant sept ans. Une loi de 2015 sur la sécurité nationale a été critiquée par les organisations de défense des droits de l’homme, qui disent craindre l’octroi à la police de pouvoirs discrétionnaires concernant la société civile. Enfin, à Hong Kong, territoire autonome dans le sud du pays, certains se sont inquiétés de l’emprise de Pékin sur les affaires locales après la disparition de libraires publiant des ouvrages salaces sur les dirigeants chinois.

Signes religieux considérés comme anormaux

La crainte de l’émergence d’un islamisme armé dans la région du Xinjiang (nord-ouest), en proie à des attentats meurtriers, a conduit les autorités à y imposer de nouvelles restrictions visant l’islam. Depuis cette année, le voile intégral et les barbes jugées « anormales » sont bannis. Dès 2018, les écoles confessionnelles seront soumises à des conditions d’ouvertures plus strictes. Les autorités locales avaient déjà imposé des restrictions sur la délivrance de passeports, découragé l’éducation religieuse ou l’observance du ramadan par les fonctionnaires et les étudiants. Les moines bouddhistes dans les régions peuplées de Tibétains font également l’objet d’une surveillance accrue et doivent obtenir un permis spécial pour se déplacer dans le pays. Un rapprochement avec le Vatican a cependant été enregistré après des années d’opposition frontale liée à la nomination des évêques catholiques.

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