Gérald Papy

C’est la hess de Gérald Papy: et si on pensait aux migrants? (chronique)

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Ce front commun est le minimum que l’on pouvait attendre de l’Union européenne.

Face à Alexandre Loukachenko et à Boris Johnson, qui n’ont en commun, du moins l’espère-t-on, que le fait d’avoir engagé leur pays dans une épreuve de force avec des Etats des Vingt-Sept – la Pologne et la Lituanie pour le premier, la France pour le second -, l’Union européenne affiche une unité bienvenue sur la question des migrants.

En menaçant le Bélarus de nouvelles sanctions et en exerçant des pressions sur les compagnies aériennes complices de l’exode des candidats à l’asile du Moyen-Orient vers Minsk, elle a réussi, en novembre, à faire barrage à l’opération de déstabilisation du président biélorusse, orchestrée en représailles à la condamnation européenne des conditions de sa réélection en août 2020. En appuyant, par la présence de la commissaire en charge des Affaires intérieures, Yilva Johansson, à Calais, le 28 novembre, la concertation des ministres de l’Intérieur de France, de Belgique, des Pays-Bas et d’Allemagne en réponse au drame de la Manche du 24 novembre au cours duquel vingt-sept migrants ont péri, elle apporte son soutien à un de ses membres sur un dossier qui, par nature, ne connaît pas les frontières. L’agence Frontex mobilise depuis le 1er décembre un avion pour surveiller les départs d’embarcations de migrants depuis le littoral du nord de la France.

Utile, ce front commun est le minimum que l’on pouvait attendre de l’Union européenne tant les tractations jusqu’à ce jour portent, envers le Bélarus et le Royaume-Uni, sur l’écume du dossier. Si la crise à la frontière de la Pologne et de la Lituanie s’apaise, l’arrangement ne prémunit pas contre un nouveau coup tordu d’Alexandre Loukachenko, peu ou prou soutenu par Vladimir Poutine. Surtout, il ne résout nullement les questions de fond de l’allègement de la charge de l’accueil pour un pays confronté à une arrivée importante de migrants et du traitement que leur réservent, en particulier, les autorités polonaises actuelles.

Entre pays les plus concernés par les migrations vers le Royaume-Uni, s’engager à renforcer la coopération policière et judiciaire ne mange pas de pain. Lutter contre les passeurs, qui s’enrichissent sur la vie de femmes, d’hommes et d’enfants avec un cynisme à la Loukachenko, est louable. S’en tenir à cet aspect et le ressasser comme une solution miracle élude les questions que pose la situation qui prévaut pourtant depuis des années dans le Calaisis. Le Royaume-Uni assume-t-il les responsabilités qui lui incombent dans ce dossier? Les Accords du Touquet de 2003, qui autorisent un contrôle britannique sur le sol français, ne doivent-ils pas être revus? La France n’est-elle pas en partie aveuglée dans sa gestion de ce dossier par son tropisme antibritannique momentané? Et dans le chef de l’Union européenne, celle-ci ne serait-elle pas bien avisée de négocier avec le Royaume-Uni un partenariat migratoire post-Brexit sachant que Londres n’est plus tenue par l’application de la convention de Dublin qui impose qu’une demande d’asile soit traitée dans le premier pays de l’Union européenne où le candidat met le pied?

Et si, en définitive, on pensait un instant aux migrants? Aux risques qu’ils prennent? Aux raisons qui les poussent à l’exode? A l’obsession qu’ont certains de rejoindre la Grande-Bretagne? Le courage politique serait alors reconnu à nos dirigeants. Une vraie politique pourrait en émaner. Et clairement expliquée, elle serait le meilleur rempart contre les extrémistes qui sont à l’affût.

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