Brexit: Johnson salue un « moment incroyable » pour le Royaume-Uni

Le Vif

Après 47 ans d’un mariage tumultueux, le divorce devient réalité. Le Royaume-Uni s’affranchit jeudi des règles européennes, un « moment incroyable pour le pays » selon le Premier ministre Boris Johnson, grand artisan du Brexit.

Dans la capitale britannique, la célèbre cloche Big Ben retentira à 23H00 (locales et GMT, minuit à Bruxelles). Le Royaume-Uni sortira du marché unique européen et de l’union douanière européens, marquant l’aboutissement du Brexit pour la pays, sorti officiellement de l’UE le 31 janvier mais ayant bénéficié d’une période transitoire pour amortir le choc.

« Nous avons notre liberté entre nos mains et il nous revient d’en tirer le meilleur parti », s’est félicité dans un message marquant la nouvelle année le dirigeant conservateur, un triomphalisme repris à l’unisson par les tabloïds conservateurs jeudi. Il a assuré que le Royaume-Uni serait « ouvert, généreux, tourné vers l’extérieur, internationaliste et pratiquant le libre échange ».

Mais le chef du gouvernement devra désormais rassembler une opinion divisée depuis le choc de la victoire du « leave » lors du référendum de juin 2016, à l’image de la famille Johnson dont le père de Boris, Stanley, se disant « toujours européen » et demandant la nationalité française.

Les velléités d’indépendance de l’Ecosse sont ravivées. Ses ambitions de faire du Royaume-Uni un champion du libre échange avec une place renforcée dans le monde risquent de se heurter au départ de Donald Trump, Brexiter convaincu contrairement à son successeur Joe Biden.

Les milieux économiques craignent une aggravation de la crise historique frappant le Royaume-Uni, l’un des plus endeuillé en Europe par la pandémie de nouveau coronavirus et actuellement en proie à une envolée des cas débordant ses hôpitaux.

Brexit: Johnson salue un
© BELGA

« Pincement au coeur »

« C’est vraiment triste de quitter l’Union européenne », confie à l’AFP Zoe Stewart, interrogée par l’AFP à Edimbourg, en Ecosse. « Quand tout ça sera fini, je crois qu’on doit vraiment se lancer dans le processus d’indépendance », estime-t-elle, afin de « pouvoir faire nos propres choix et ne pas devoir toujours subir ceux de l’Angleterre ».

L’accord de libre échange, sans quota ni droit de douanes, conclu in extremis avec Bruxelles évite une rupture trop abrupte. Mais le bouleversement est réel: la libre circulation permettant aux marchandises comme aux personnes de passer sans entrave la frontière prendra fin – sauf entre l’Espagne et l’enclave britannique de Gibraltar, en vertu d’un accord conclu jeudi.

A Paris, François Graffin, 59 ans, a un « gros pincement au coeur », alors qu’il arrive d’un pas pressé gare du Nord pour prendre le dernier Eurostar de l’année à destination de Londres: « Je vais chercher mes affaires à Londres et je reviens m’installer en France, pour des raisons familiales et aussi l’incertitude liée au Brexit. Cela va faire bizarre ».

A Douvres (sud-est), dont le port est en première ligne des échanges commerciaux avec l’UE, des habitants sont partagés entre espoir d’une nouvelle ère et crainte de perturbations, comme les récentes queues monstres de camions dans la zone.

Douvre.
Douvre.© belga

Aaron Kinnear, sans emploi, a « l’espoir qu’à la fin nous allons nous en sortir ». Mais Kirk Hughes, qui travaille dans l’informatique, se sent « un peu nerveux ».

Contrairement à l’UE, le gouvernement britannique a décidé de mettre en oeuvre graduellement les contrôles douaniers, qui ne concerneront toutes les marchandises qu’à partir de juillet. Il ne s’attend pas à de grandes perturbations dans les prochains jours, même s’il craint que jusqu’à la moitié des PME exportatrices ne soient pas prêtes.

« Valeur ajoutée du Brexit »

A l’image d’une saga du Brexit riche en rebondissements, il a fallu attendre la veille de Noël pour voir les laborieuses négociations aboutir à un accord commercial, ne laissant que quelques jours pour mettre en oeuvre ses 1.246 pages.

Si le Parlement britannique l’a approuvé mercredi au terme d’une journée d’examen express, les eurodéputés se prononceront sur le texte au premier trimestre 2021, le texte s’appliquant d’ici là de manière provisoire.

Au grand soulagement de pans entiers d’économies très connectées, l’UE offre au Royaume-Uni un accès sans droits de douane ni quotas à son marché de 450 millions de consommateurs. Mais il prévoit, pour éviter toute concurrence déloyale, des sanctions et des mesures compensatoires en cas de non respect de ses règles en matière d’aides d’État, d’environnement, de droit du travail et de fiscalité.

Les entreprises de la finance, secteur majeur à Londres, perdront, elles, leur droit automatique d’offrir leurs services dans l’UE, tandis que les pêcheurs britanniques sont déçus de devoir encore partager une grande partie de leurs eaux avec les Européens.

Malgré le succès que représente cet accord conclu en un temps record, le négociateur en chef de l’Union européenne Michel Barnier a confié sur la radio française RTL avoir « le sentiment d’une certaine déception, d’une certaine amertume »: « Personne n’a jamais été capable de me démontrer la valeur ajoutée du Brexit. »

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