Ouverture du procès des attentats de janvier 2015. © Reuters

Au procès Charlie Hebdo, le principal accusé s’en prend aux « balances mythomanes »

Le Vif

Il jette un regard noir sur la salle puis se lance, véhément: « Je suis innocent ». Principal accusé au procès des attentats de janvier 2015 en France, Ali Riza Polat a nié vendredi toute responsabilité dans les attaques.

« Je suis là à cause de certaines personnes, des balances mythomanes qui ont raconté n’importe quoi (…) Ils balancent mais ils mentent », s’énerve Riza Polat, chemise blanche, masque en tissu sur le visage et crâne rasé, face à la cour d’assises spéciale de Paris.

Mais ces « balances », il refusera d’en donner le nom aux parties civiles qui cherchent à comprendre, les sommant de « patienter ». « C’est pas encore l’interrogatoire sur les faits, non? », fanfaronne Polat, dit « le Gros », dans le box vitré.

Proche d’Amédy Coulibaly, le tueur de la supérette juive Hyper Cacher, qui a grandi comme lui dans la cité de la Grande Borne, en banlieue parisienne, ce Franco-turc de 35 ans est le seul des 11 accusés présents – trois autres suspects étant jugés par défaut – à devoir répondre de « complicité », un crime passible de la perpétuité.

Les enquêteurs le soupçonnent d’avoir servi de « bras droit » à Amédy Coulibaly et d’avoir joué un rôle central dans les préparatifs des attaques contre l’Hyper Cacher (quatre morts) et contre une policière de Montrouge (sud de Paris), mais aussi celle de l’hebdomadaire Charlie Hebdo (12 morts), commise par les frères Saïd et Chérif Kouachi.

Le trio de tueurs jihadistes a été abattu par les forces de l’ordre à l’issue des attaques, qui ont fait 17 morts et semé l’effroi et la consternation en France et dans le monde.

« Je les désavoue. Il faut pas tuer des innocents », brandit Ali Riza Polat. « Je ne suis pas dans un combat religieux, (…) je ne suis pas violent », jure-t-il.

« On m’a dit +T’as fourni les armes aux frères Kouachi+. Mais je les connais pas les mecs! », s’énerve ce délinquant multirécidiviste.

« Vous n’avez pas honte! »

Né à Istanbul, Ali Riza Polat est arrivé à l’âge de trois ans en France. Après une « enfance normale », il « tombe » dans la délinquance « vers 13, 14 ans » avec des « petits larcins », puis dans les « stups », par « attrait de l’argent »: « Quand t’as pas d’argent, t’as rien. J’avais rien et je voulais des choses ».

Un goût pour « la belle vie » qui le conduit à multiplier les escroqueries, après un premier passage par la case prison. Ali Riza Polat voyage beaucoup alors, notamment au Liban. Fréquente des prostituées. Rêve de grand banditisme.

« C’est presque un leitmotiv, chez vous, l’argent: il y en a qui sont accros à la lecture, vous, vous êtes accro à l’argent », ironise le président de la cour d’assises Régis de Jorna.

« Oui, c’est ça », acquiesce du tac au tac l’accusé. Quand il sortira de prison, il prévient qu’il « (fera) du banditisme, encore plus. Je vais faire pire ».

« On fait tous des conneries »

Le débat quitte vite le terrain de la délinquance pour dévier sur celui de la religion. « Croyant », issu d’une famille musulmane, Ali Riza Polat explique pourtant s’être « converti » en 2014: « Avant je mangeais du porc. Tu peux pas être musulman et manger du porc », argumente-t-il.

Le président s’étonne: « Vous faites des escroqueries, mais après, par le biais des prières, vous demandez pardon? »

« Ça reste des péchés » mais « on fait tous des conneries », s’agace Ali Riza Polat. « Une personne judéo-chrétienne, elle fait des péchés, mais elle fait des prières à côté », assure l’accusé, relancé par les parties civiles, insistantes.

Isabelle Coutant-Peyre, avocate d’Ali Riza Polat, s’en mêle: « Je m’étonne qu’on fasse un débat sur les questions de religion dans une enceinte judiciaire laïque ».

« Y a-t-il une autre question que celle-là? Vous n’avez pas honte! Devant des victimes! », s’insurge sur les bancs des parties civiles l’avocate Nathalie Senyk.

La cour d’assises examinera dans l’après-midi les personnalités des trois grands absents au procès: Hayat Boumeddiene, compagne d’Amédy Coulibaly, et les frères Belhoucine, dont l’aîné Mohamed est également jugé pour « complicité ».

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