Les polices françaises et belges en opération à Uccle, le 12 avril 2016 © Reuters

Attentats: comment la France et la Belgique coopèrent-elles?

Le Vif

Equipe commune d’enquêteurs, magistrat de liaison, échange de renseignements: comment la France et la Belgique, base arrière de la cellule jihadiste qui a frappé le 13 novembre à Paris avant Bruxelles le 22 mars, coopèrent dans leurs investigations.

Une équipe commune d’enquête

Créée dans les jours qui ont suivi les attentats de Paris (130 morts), elle rassemble l’ensemble des magistrats et policiers saisis de l’enquête dans les deux pays. Concrètement, elle permet à des enquêteurs français de se déplacer en Belgique pour assister à certains actes diligentés par leurs homologues.

Ils sont notamment présents lors des auditions de Salah Abdeslam, seul survivant des commandos parisiens, interrogé à au moins deux reprises depuis son interpellation à Bruxelles, le 18 mars. « Ils ne participent pas aux interrogatoires, ils sont là en tant qu’observateurs », explique Carine Couquelet, avocate belge d’Hamza Hattou, l’un des hommes qui a ramené Abdeslam à Bruxelles le lendemain des attaques parisiennes.

Des Français assistent aussi à des perquisitions, comme le 15 mars dans un appartement de Forest qui a servi de planque à Salah Abdeslam. La perquisition avait dégénéré et quatre enquêteurs, dont une Française, avaient été blessés au cours d’une fusillade.

L’équipe commune permet ainsi aux Français d’avoir accès rapidement aux écoutes téléphoniques, images de vidéosurveillance, ou tout autre scellé saisi par leurs homologues belges.

Des équipes franco-belges travaillent sur quatre autres dossiers terroristes: l’attentat de mai 2014 au Musée juif de Bruxelles, l’attaque ratée d’août 2015 dans un train Thalys Amsterdam-Paris, la filière jihadiste démantelée début 2015 à Verviers (est de la Belgique), et un nouveau projet d’attaque en France déjoué fin mars, dans la foulée de celles de Bruxelles.

Un magistrat de liaison

Le procureur de Paris, François Molins, s’entretient « plusieurs fois par jour » avec le procureur fédéral belge Frédéric Van Leeuw, selon Sébastien Pietrasanta, député rapporteur d’une commission d’enquête parlementaire française sur les attentats de Paris.

Mais la coopération franco-belge reste pointée du doigt. Pour faire taire les critiques, les deux gouvernements ont annoncé en février la nomination prochaine d’un magistrat de liaison détaché à l’ambassade de France à Bruxelles. Ce « trait d’union » aura pour mission de « fluidifier l’entraide » et de familiariser les magistrats avec le système judiciaire du pays voisin alors que des différences notables existent, notamment en termes de garde à vue ou de perquisition, ce qui complique le travail des enquêteurs.

Le procureur français Francois Molins et son homologue belge Frederic Van Leeuw
Le procureur français Francois Molins et son homologue belge Frederic Van Leeuw © Belga Image

L’échange de renseignements

Il dépend de la bonne volonté de chaque Etat. « Cela circule plutôt bien. Mais la culture n’est pas à l’ouverture totale », relève Michaël Dantinne, criminologue à l’université de Liège. « Pour être efficace, il faudrait une plateforme d’échanges au sein des services européens et on en est très loin. »

Des spécialistes pointent aussi l’organisation complexe de la collecte de renseignements côté belge: l’existence de 192 forces locales de police et, pour Bruxelles, de 19 communes autonomes, dont celles de Molenbeek, Forest et Schaerbeek au coeur de l’enquête, ne favorise pas le partage des informations.

Qui va entendre qui?

Le premier ministre belge Charles Michel et le président français François Hollande
Le premier ministre belge Charles Michel et le président français François Hollande© Reuters

De nombreux suspects interpellés en Belgique, aux premiers rangs desquels Salah Abdeslam et Mohamed Abrini, soupçonné d’avoir eu au moins un rôle de logisticien dans les tueries de Paris, intéressent la France.

Mais les attentats de Bruxelles (32 morts) ont compliqué la donne: Abrini a reconnu être « le troisième homme » de l’aéroport de Zaventem et les enquêteurs belges s’interrogent sur le rôle qu’aurait pu jouer Salah Abdeslam s’il n’avait pas été arrêté quatre jours plus tôt. « On travaille pour savoir qui va récupérer qui », relève une source proche du dossier.

Trois scénarios sont envisagés. D’abord une remise différée, comme cela devrait être le cas pour Salah Abdeslam, qui devrait être transféré définitivement en France une fois que les Belges l’auront entendu.

Pour les autres suspects, des remises temporaires peuvent être envisagées. « On va les limiter au maximum car des allers-retours entre pays posent des problèmes de sécurité », explique une source proche de l’enquête.

Troisième hypothèse, les Belges peuvent également proposer aux juges français de se déplacer chez eux pour les interroger.

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