Artur Mas, le président de la Catalogne. © Belga

Artur Mas, en « mission » pour l’indépendance de la Catalogne

Le Vif

« Il n’y a pas de marche arrière », prévenait dès 2013 le président de la Catalogne, Artur Mas, en « mission » pour conduire vers l’indépendance sa région du nord-est de l’Espagne.

Issu du nationalisme modéré de la bourgeoisie catalane, réputé réfléchi et pragmatique, ce Barcelonais de 59 ans a largement surpris son monde en prenant « l’engagement » de mener, « en l’absence totale de violence », un processus devant aboutir à la constitution d' »un nouvel Etat en Europe ».

Les électeurs de Catalogne vont se prononcer dimanche pour la première fois sur l’indépendance de leur région, malgré l’opposition de Madrid.

Mâchoire imposante, chevelure impeccable, ce père de trois enfants, marié depuis plus de 30 ans, est surnommé « beau gosse » par les satiristes qui le caricaturent en playboy survolté. Mais c’est un dirigeant affable, rigoureux voire austère, qui se présente à la presse pour exposer – au choix, en catalan, espagnol, français ou anglais – un « processus » indépendantiste préparé depuis des années.

Né en 1956 à Barcelone dans une famille d’industriels, il a 19 ans à la mort du dictateur Franco. « Je n’ai jamais été lié aux mouvements antifranquistes », dira-t-il de sa jeunesse, également dépourvue d' »idéologie catalaniste ».

Passé par le sélect Lycée français, il étudie économie et droit, s’essaie à l’exportation d’ascenseurs dans l’entreprise paternelle puis échoue comme dirigeant d’une autre société qui fait faillite.

Il va se révéler en « fonctionnaire efficace », concèdent ses détracteurs, à l’administration de la région.

Il rejoint le parti catalaniste et libéral de l’imposant Jordi Pujol (centriste), président de la région de 1980 à 2003, rattrapé en 2014 par une retentissante affaire de fraude fiscale et corruption.

Au gouvernement régional, Pujol lui confie les travaux publics puis l’économie avant d’en faire son dauphin, le jugeant « préparé et sérieux ».

« La question est: comment un homme perçu comme un technocrate va se convertir en leader patriotique qui, pour les uns, est un exemple de fidélité à la patrie (catalane), pour les autres, quelqu’un qui conduit au désastre? », interroge l’essayiste Jordi Amat, spécialiste du catalanisme.

Mas a souvent décrit un épisode clef, selon lui, remontant à 2006: chef de l’opposition à la région, il croit pouvoir conclure un pacte secret avec le chef du gouvernement espagnol, le socialiste José Luis Rodriguez Zapatero, pour s’accorder sur les termes d’un nouveau statut pour la Catalogne – définie comme « nation » – et convenir que le parti vainqueur des élections en sièges gouvernera la région.

Son parti l’emporte mais un socialiste devient président. Il se sent « trompé » puis « trahi » quand le statut de large autonomie est en partie annulé en 2010 par le Tribunal constitutionnel, à la demande du parti de Mariano Rajoy (conservateur).

Fin 2010, Mas devient président de la Catalogne, un an avant l’élection de Rajoy à la tête du gouvernement espagnol.

Sur fond de crise sévère, il se rend impopulaire par des coupes claires dans les services publics, et Madrid refuse de négocier avec lui une plus grande autonomie fiscale de la région.

‘Dernier président de l’autonomie’

« Mas a proposé +le droit à décider+ de la Catalogne comme slogan mobilisateur », rappelle M. Amat, un concept qui, « poussé jusqu’aux ultimes conséquences, a introduit dans la vie politique catalane un problème qu’il n’y a pas eu moyen de résoudre », Madrid excluant tout référendum d’autodétermination.

Mas s’était présenté dès 2010 comme l’un des « soldats vaincus au service d’une cause invincible, la liberté de la Catalogne ».

« Délire messianique », protestent ses détracteurs. Ils lui reprochent d’avoir coupé en deux la Catalogne – ignorant ceux qui ne veulent pas la sécession – et planté un débat manichéen: la Catalogne victimisée, paradigme de la défense de la liberté, face à une Espagne éternellement oppressive.

D’autres estiment qu’il a une stratégie de « fuite en avant », destinée à masquer ses carences de gouvernant en matière de lutte contre le chômage ou la corruption de son propre parti.

Dans le propre camp indépendantiste, il suscite une certaine méfiance, on le dit insaisissable voire retors, tout en vantant son astuce comme stratège.

« Une fois ce processus politique terminé, je n’ai pas spécialement envie de continuer ma carrière politique », dit-il à l’AFP. « Je n’ai pas l’ambition d’être le premier président de l’Etat catalan, je veux être le dernier président de l’autonomie catalane ».

Avec AFP

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