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Argentine: le péronisme pour les nuls

Le Vif

Qu’est-ce que le péronisme ? Quand on n’est pas argentin, difficile de répondre à cette question. Mais faits historiques, experts et artistes aident à mieux saisir un mouvement politique disparate revenu au pouvoir en Argentine avec l’élection d’Alberto Fernandez.

– D’où vient le péronisme ? –

Le 17 octobre 1945, une manifestation massive de « descamisados », le petit peuple des « sans-chemise », se rassemble place de Mai, devant le siège de la présidence à Buenos Aires, pour réclamer la libération du colonel et secrétaire au Travail, Juan Peron, emprisonné car il faisait de l’ombre au pouvoir militaire en place.

Les ouvriers protestent aussi contre les maux de la « décennie infâme » : fraude électorale, abus du patronat et accords commerciaux avec l’Angleterre qui faisaient de l’Argentine un fournisseur de matières premières en échange d’importantes concessions économiques.

Un an après, Juan Peron est élu président. Il sera élu à trois reprises la tête de l’Argentine (1946-52, 1952-55 et 1973-74) et devient un des grands mythes l’histoire argentine, renforcé par la touche glamour que lui apporte son épouse, l’actrice Evita.

Les ouvriers idolâtraient Peron et le péronisme est ainsi parvenu à arracher le contrôle des syndicats des mains des socialistes, des anarchistes et des communistes. Depuis, la centrale syndicale ouvrière majoritaire CGT obéit au péronisme.

Réélu, pour la troisième fois, en 1973, Juan Peron meurt un an plus tard en laissant derrière lui un pays profondément divisé qui connaîtra de 1976 à 1983 une sanglante dictature.

– Le péronisme est-il de gauche, du centre ou de droite ? –

Mouvement nationaliste et populiste, il regroupe plusieurs tendances politiques et idéologies. Dans le passé, il rassemblé aussi bien des admirateurs du fascisme que des guérilleros de gauche, et il reste aujourd’hui très disparate.

La doctrine péroniste défend l’industrialisation face aux grands propriétaires terriens, le contrôle des exportations, un Etat fort, la santé et l’éducation publiques, les aides sociales, la neutralité internationale et l’intégration politique et commerciale sud-américaine.

« La première chose que je demande aux étrangers, c’est si dans leurs pays, les phénomènes politiques sont simples: la rébellion catalane (en Espagne), c’est de gauche ou de droite? Les +gilets jaunes+ en France? Gauche ou droite? » analyse l’anthropologue Alejandro Grimson.

Le péronisme, c’est à la fois l’ex-président péroniste néo-libéral Carlos Menem (1989-99) et l’ancienne présidente Cristina Kirchner (2007-2015).

Le président sortant Mauricio Macri a d’ailleurs choisi un colistier péroniste de droite, Miguel Angel Pichetto, après les primaires d’août, sorte de répétition générale du scrutin présidentiel, qui l’avaient placé loin derrière M. Fernandez.

Le péronisme a aussi donné lieu à un cas unique : deux femmes présidentes — Isabel Peron (74-76) troisième épouse de Peron, et Cristina Kirchner, élue vice-présidente comme colistière d’Alberto Fernandez.

Ce dernier, un centriste de gauche, défend des politiques d’incitation à la consommation, des salaires hauts, l’industrialisme et les droits humains.

– Anti-péronisme –

Pendant sa campagne électorale, le président sortant de centre droit Mauricio Macri a repris à son compte le reproche historique fait au péronisme : le clientélisme. Alberto Fernandez, lui, préfère retenir que le péronisme a sorti l’Argentine de la grave crise économique de 2001 provoquée par le gouvernement conservateur.

Juan Peron poussait les chefs d’entreprise à céder de leur pouvoir économique pour construire une société basée sur le bien-être. Ses modèles étaient la France et la Suisse d’après-guerre.

Mais il a fait naître un anti-péronisme féroce, aujourd’hui défendu par les partisans de Mauricio Macri.

L’écrivain argentin le plus célèbre, Jorge Luis Borges, a fini par dire que « les péronistes ne sont ni mauvais ni bons, ils sont incorrigibles ».

A un un journaliste espagnol qui lui demandait de parler du paysage politique argentin, Juan Perón avait répondu : « Regardez en Argentine, il y a 30% de radicaux (sociaux-démocrates), 30% de conservateurs et autant de socialistes ». « Mais, où sont les péronistes ? » a demandé de nouveau le journaliste. « Ah, mais nous sommes tous péronistes ! »

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