Alexandre Pitchouchkine © AFP

Alexandre Pitchouchkine, le glaçant « tueur à l’échiquier »

Le Vif

Rarement un criminel à la chaîne aura fait preuve d’une telle obsession dans le décompte funeste de ses victimes. Jusqu’à guider la police vers lui.

Lorsque le 16 juillet 2006, les policiers moscovites arrêtent enfin Alexandre Pitchouchkine, celui qui n’est pas encore surnommé le « tueur à l’échiquier », mais le « maniaque de Bitsa », ne se fait pas longtemps prier avant d’avouer les 13 meurtres qui lui sont reprochés. Pis, cet employé de supermarché, alors âgé de 32 ans, ni beau ni laid, ni grand ni petit, juste transparent, glace d’horreur ses interlocuteurs quand il leur lance, sur un air bravache, que le nombre de ses victimes a été sérieusement sous-estimé : « Je ne sais pas exactement combien j’en ai tué… Peut-être une soixantaine », annonce Pitchouchkine, comme s’il évoquait un palmarès sportif. Dans la chambre-salon du minuscule appartement (un deux-pièces) qu’il occupait avec sa mère, sa soeur, son beau-frère et son neveu, les enquêteurs retrouvent un échiquier dont 60 des 64 cases sont remplies par des noms et des dates. C’est ainsi que Pitchouchkine tenait à jour ses statistiques de serial killer particulièrement performant. D’où ce surnom de « tueur à l’échiquier ». Même s’il aurait sûrement été plus pertinent de le rebaptiser « l’apothicaire » du crime tant, rarement, un assassin à la chaîne n’aura été aussi obsédé par le décompte de ses horreurs.

« Il nous a même reproché de ne pas retrouver tous les cadavres, il disait : « Vous ne travaillez pas assez dur ! » racontera, consterné, l’enquêteur principal Andreï Suprunenko. Encore aujourd’hui, de nombreux corps manquent à l’appel. Il faut dire que Pitchouchkine avait longtemps adopté un mode opératoire qui ne laissait quasiment aucune trace. Ses 40 premières victimes, il les avait tuées à coups de marteau sur le crâne avant de les balancer dans les canalisations d’égout qui passent sous le gigantesque parc forestier de Bitsa (22 km2), au sud-ouest de Moscou. Certains macchabées réapparaissaient parfois à l’autre bout de la capitale, mais la plupart du temps, ils étaient dévorés par les rats dans l’immense labyrinthe sous-terrain.

A quoi bon tant de mal pour n’en retirer aucune gloire ?

Et puis, ces crimes sont devenus trop parfaits pour Pitchouchkine : à quoi bon se donner tant de mal pour n’en retirer aucune once de gloire, s’est demandé le tueur en série dont l’ego gonflait proportionnellement au nombre de ses victimes. La police était même incapable d’établir un rapprochement entre tous ces meurtres, certains étant même classés comme des « disparitions » ou des « suicides » ! Alors, le maniaque du Parc Bitsa a décidé d’aider les incompétents : à partir de sa quarante et unième victime (d’après la police), en novembre 2005, il a adopté un mode opératoire beaucoup plus voyant.

Terminés les égouts, Pitchouchkine a désormais laissé ses cadavres bien exposés dans la forêt, y apposant même sa « signature » caractéristique : le goulot d’une bouteille de vodka enfoncé dans la plaie béante, juste à l’arrière du crâne. Semant souvent volontairement des indices derrière lui, l’homme qui pratiquait le crime en série comme une discipline olympique sera finalement arrêté, moins d’un an plus tard, puis condamné à la perpétuité pour 49 meurtres certifiés. Mais jusqu’au bout, le pointilleux Pitchouchkine protestera, non pas de son innocence, mais de la sous-évaluation de ses performances : « Puisque je vous dis que j’en ai tué 60 ! Ce serait injuste d’oublier les 11 autres ! » s’exclamera-t-il encore à son procès.

Par Jean-Philippe Leclaire

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