L'un des rouleaux retrouvés sous les décombres d'Herculanum. © Digital Restoration Initiative

Sommes-nous vraiment en train de déchiffrer des papyrus calcinés par le Vésuve ?

Mailys Chavagne
Mailys Chavagne Journaliste Web

Oui et non… Des scientifiques ont promis de décrypter virtuellement des manuscrits victimes de l’éruption du Vésuve en l’an 79. Une technique qui fonctionne – un tout petit peu. Mais on est encore très loin de faire parler les rouleaux.

L’histoire, tout le monde la connait : en l’an 79, le mont Vésuve entre en éruption. Plusieurs villes romaines, dont les célèbres Pompéi et Herculanum, sont alors détruites, ensevelies sous les cendres. Les deux cités sombrent peu à peu dans l’oubli, pendant près de 15 siècles…

Ce n’est qu’à partir du 18e siècle que des premières fouilles sont organisées sur ces deux sites antiques. Vers 1750, en perçant un puits à Herculanum, des ouvriers découvrent les restes d’une riche demeure, surnommée plus tard « villa des papyrus » en raison de sa vaste collection de papyrus enfouie sous les décombres. Au total, quelque 1800 rouleaux, carbonisés par les boues brûlantes et les cendres, sont extraits des ruines de la villa.

Paradoxalement, la gangue de tuf volcanique responsable de la dégradation des manuscrits les a aussi protégés durant des siècles. Cette couche d’environ 25 mètres d’épaisseur a en effet formé un sarcophage naturel qui a recouvert l’ensemble des documents.« Cette bibliothèque est la seule à avoir survécu depuis l’antiquité, le matériel qui s’y trouve est donc extrêmement précieux », a expliqué à Reuters, Brent Seales, professeur de sciences informatiques à l’université du Kentucky.

Déchiffrer sans abîmer

Malheureusement, ces archives historiques sont tellement fragiles (et précieuses) qu’il est impossible de les dérouler pour les lire, sans risquer de les abîmer davantage. Au fil des ans, plusieurs spécialistes ont tenté de percer leur secret grâce à diverses techniques. Sans grand succès…

Une équipe de chercheurs britanniques et américains a également relevé le défi. Via leur projet Digital Restoration Initiative, ils affirment être en mesure de déchiffrer ces anciennes écritures sans abîmer le support. Cette promesse ne date pourtant pas d’hier : il y a dix ans déjà, le professeur Brent Seales, pilote du projet, récupérait deux rouleaux de l’Institut de France afin de les analyser de manière non invasive.

L’idée du professeur ? Utiliser des techniques d’imagerie de pointe afin de dérouler « virtuellement » les rouleaux. Pour ce faire, il décide de faire appel au synchrotron. Cet accélérateur de particules utilise les électrons pour produire des faisceaux bien plus lumineux que ceux du soleil. « Nous faisons passer une lumière très intense à travers [le rouleau] et puis nous détectons de l’autre côté un certain nombre d’images en deux dimensions », explique le professeur.

Une technique semblable à celle du scanner tomodensitométrie, régulièrement employé dans les hôpitaux : le synchrotron prend une image en trois dimensions d’un rouleau afin d’obtenir une reconstruction détaillée de l’objet. Si Brent Seales parvient effectivement à distinguer les différentes couches du papyrus, il est incapable de lire ce qui y est écrit. Et pour cause ? L’encre pose problème.

Sommes-nous vraiment en train de déchiffrer des papyrus calcinés par le Vésuve ?
© Digital Restoration Initiative

Une encre invisible ?

Les encres utilisées à Herculanum ne sont pas à base de plomb, mais à base de carbone. Or, comment distinguer une encre fabriquée à partir de produits de combustion imparfaite de bois (comme des résidus de suie ou de fumée) sur un rouleau lui-même carbonisé ?

Grâce à des algorithmes, Brent Seales et son équipe espèrent pouvoir mettre en évidence quelques différences subtiles permettant de dissocier l’encre du papyrus. « L’expérience révèle clairement que les microscanners peuvent capturer la présence d’encre au carbone. Cependant, l’identification et le rendu de cette encre lors de l’analyse post-numérisation est une tâche plus ardue« , expliquent-ils dans leur étude. D’après eux, leurs scans ont déjà révélé un « contraste morphologique », c’est-à-dire un changement observable de la structure ou de la forme du support (le papyrus) provoqué par l’application de l’encre.

S’il s’agit d’une belle avancée en matière de précision, l’équipe doit encore perfectionner leurs algorithmes pour pouvoir les appliquer aux rouleaux antiques. Peut-on dire que nous sommes en train de déchiffrer des papyrus calcinés par le Vésuve ? La réponse est non. Pour l’instant, les efforts n’ont pas encore abouti à de grandes révélations et le contenu des papyrus demeure un mystère…

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