Le ministre Maystadt et le gouverneur Verplaetse, tous deux favorables à la création d'une "grande banque belge". © Isopix

29 août 1995 : Ainsi naquit (et mourut) le rêve d’une « grande banque belge »

Il nous faut trouver une dimension plus importante en nous associant à un partenaire de taille équivalente.  » En faisant cette déclaration dans la presse, Daniel Cardon provoque un séisme dans le petit monde des grandes banques belges. Voilà que le patron de la BBL dévoile publiquement ses ambitions.

Entre les lignes, un grand dessein se dessine : fusionner avec une autre enseigne et créer une  » grande banque belge « . L’opération a-t-elle une chance d’aboutir ? Dès le lendemain, elle est en tout cas vivement critiquée par les partenaires potentiels. Et si cette sortie dans la presse avait tout fait capoter ?

L’époque est aux rêves de grandeur. Alors que le grand marché européen vient de supprimer les frontières, de nombreuses entreprises tentent de prendre du poids. Pour accroître leurs marges bénéficiaires. Mais aussi pour éviter de se faire racheter par un prédateur. La Banque Bruxelles Lambert est confrontée à ces défis. En Belgique, elle est trop grande pour se contenter de jouer les seconds rôles. Mais trop petite pour être à l’abri d’une attaque. En l’occurrence, la banque néerlandaise ING, présente dans son capital, rêve d’acquérir la BBL.

Cardon entend donc prendre les devants. Pour ce faire, dès le printemps 1995, il parle de son idée à Albert Frère. Le patron de GBL, actionnaire de référence de la BBL, donne sa bénédiction. Reste à trouver le partenaire. Un plan à deux ? A trois ? Cardon s’en va frapper à la porte des grands banquiers du Royaume. Au Crédit communal, François Narmon se montre intéressé. A la Kredietbank, en revanche, Cardon reçoit un  » niet  » poli. La Générale de banque est plus évasive : elle ne dit pas non. Mais pas oui non plus. Discrètement, des études exploratoires sont lancées. J.P. Morgan, McKinsey et Goldman Sachs sont sollicités pour élaborer divers scénarios. Mais le dossier avance lentement.

Cardon trouve le temps long. Le 29 août, dans la presse, il se jette à l’eau. Erreur stratégique ? Possible. Plusieurs partenaires réagissent en tout cas très froidement. Même Albert Frère est mécontent.  » Nous sommes partisans d’une communication plus sobre « , grince-t-on chez GBL. Il n’empêche, tout espoir n’est pas perdu. Début 1996, la presse croit une fusion imminente. Il faut dire que le projet est soutenu par le gouverneur de la Banque nationale, Fons Verplaetse. Le ministre des Finances, Philippe Maystadt, invite également les banques belges à ne pas laisser passer le train de l’Europe.

En coulisse, ça négocie. Mais ça tergiverse aussi. Un élément pourrit le dossier : la présence d’ING dans le capital de la BBL, qui refroidit les ardeurs des partenaires potentiels. Des questions de personnes jouent également. Entre les négociateurs, la confiance ne règne pas : chacun regarde son interlocuteur en se demandant comment il va le dépasser dans la hiérarchie de la future entité.

Le train est passé. En novembre 1997, Albert Frère vend BBL à ING. Il réalise une opération juteuse. La Belgique, quant à elle, vient de perdre l’une de ses principales banques.

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