© Getty

Peter Bergmann : le mystère irrésolu de l’homme fantôme

Marie Gathon
Marie Gathon Journaliste Levif.be

Une plage, un corps à moitié nu et aucune pièce d’identité. Qui était cet homme d’apparence ordinaire qui a voulu mourir dans l’anonymat et dont l’histoire passionne tout un pays ?

Le corps de Peter Bergmann, un homme d’âge moyen au physique commun, a été retrouvé sur la plage de Rosses Point, en Irlande, le matin du 16 juin par un homme et son fils qui faisaient leur jogging. L’homme était allongé face contre le sable et semblait s’être noyé.

C’est alors que commence l’enquête pour donner une identité à ce corps. Les policiers vont vite se rendre compte que l’homme avait tout fait avant de mourir pour que l’on ne sache jamais qui il était : il a coupé les étiquettes de ses vêtements, il s’est débarrassé de ses pièces d’identité, il a utilisé un faux nom à l’hôtel dans lequel il a passé trois nuits. Même l’adresse de résidence qu’il avait renseignée en Autriche, qui collait avec son accent germanique, n’existe pas.

La raison pour laquelle l’individu voulait cacher son identité reste un mystère à l’heure actuelle. Son comportement, les jours qui ont précédé sa mort interpellent également.

Arrivé à Sligo en bus depuis Derry (à 30 minutes environ), l’homme a commandé un taxi pour se rendre dans un hôtel du centre-ville situé à moins de dix minutes à pied de la gare routière. Ce qui fait penser aux enquêteurs qu’il ne connaissait pas bien l’endroit, selon The Irish Times. Après un arrêt dans un premier hôtel complet, l’homme séjournera dans le Sligo City Hotel en payant trois nuits d’avance. Il s’est présenté sous l’identité de Peter Bergmann, mais l’hôtelier ne lui a jamais demandé de présenter de preuve d’identité.

null
null© Getty

Comme de nombreux espaces publics, le Sligo City Hotel dispose de caméras de vidéosurveillance. Au cours des trois jours qui ont suivi, l’occupant de la chambre 705 est allé et venu de nombreuses fois. Il quitté l’hôtel pas moins de 13 fois au cours de son court séjour avec un sac en plastique violet très rempli. Chaque fois, il revenait les mains vides.

Malgré le vaste réseau de caméras de vidéosurveillance dont dispose la ville de Sligo, aucune séquence ne montre Bergmann jeter le contenu de ses sacs. Les a-t-il jetés, cachés, donnés à quelqu’un ?

Cette dernière option ne semble pas crédible aux yeux des enquêteurs puisque Bergmann n’a jamais été vu avec un téléphone portable ni en conversation avec quelqu’un mis à part le réceptionniste de l’hôtel et le chauffeur de taxi. Ce que contenaient ces sacs reste également un mystère pour les enquêteurs qui supposent qu’il s’agissait d’effets personnels dont il aurait voulu se débarrasser.

Le lendemain de son arrivée, il a aussi acheté des timbres destinés aux envois hors Irlande. Mais l’enquête n’a pas pu déterminer ce qu’il en a fait. Selon les enquêteurs, le fait que Bergmann échappe si facilement aux caméras de surveillance prouverait qu’il savait où elles se trouvaient et même qu’il aurait été formé pour cela. L’un d’eux évoque l’idée qu’il était militaire ou policier.

Le troisième jour, Bergmann a pris un taxi, une carte à la main. Au chauffeur, il a demandé une plage où nager, celui-ci l’emmènera à la plage de Rosses Point. Mais Bergmann n’ira pas nager. Après avoir vu la plage, il demandera à son chauffeur de l’emmener à la gare routière.

Le quatrième jour, il a demandé à pouvoir quitter sa chambre d’hôtel à 13 heures. Lorsqu’il est apparu à la réception de l’hôtel pour rendre sa clé, il portait une chemise bleu pâle à manches longues, un débardeur noir, un pantalon sombre et une veste en cuir noir.

Il portait trois sacs: un sac de voyage et un sac en bandoulière qu’il avait eu lors de l’enregistrement et un sac en plastique violet.

Il a quitté l’hôtel peu après 13 heures. Aucun chauffeur de taxi n’a indiqué qu’il s’était rendu jusqu’à la gare routière de Sligo, on suppose donc qu’il s’y serait rendu à pied. Selon les caméras de surveillance, il est arrivé à la gare à 13h32, sans son sac noir.

Le gérant du petit café de la gare routière lui a vendu un cappuccino et un sandwich qu’il a mangé assis à l’une des rares tables, aux côtés d’une femme à qui il n’a pas parlé.

Pendant qu’il était assis, il a pris un morceau de papier dans sa poche et a écrit quelque chose dessus. Puis il l’a déchiré. Comme pratiquement toutes ses affaires, on ne l’a jamais été retrouvé. Il a aussi posé des questions sur les bus se rendant à la plage qu’il avait vue la veille en taxi. Mais selon l’homme qui a répondu à ses questions, il ne ressemblait pas à quelqu’un qui partait nager, mais plutôt à un homme d’affaires, vu son accoutrement. Peter Bergmann n’a pas remercié l’homme pour son aide. Il a juste tourné les talons et est parti.

À 16 heures, il a été vu sur la plage avec un sac noir à l’épaule. À 17 heures, il a été vu près du yacht-club. À 21h10, deux femmes ont vu Peter Bergmann porter quelque chose. Elles n’étaient pas sûres de ce que c’était. À 21h30, il a été aperçu sur la plage par un couple qui avait quitté son domicile pour regarder le coucher de soleil. « Nous étions garés sur le parking supérieur », explique la femme à l’Irish Times. « Il y avait cet homme marchant parallèlement au rivage. Il avait mis son pantalon aux genoux, il portait une veste noire et il marchait lourdement », raconte-t-elle.

À 22h30, il a été vu avec un sac en plastique et ses lunettes. À 23 heures, il a de nouveau été vu par une personne différente avec un sac en plastique. Dix minutes plus tard, on l’a vu, toujours avec ses lunettes, assis sur l’un des bancs qui surplombent la plage.

null
null© Getty

Peter Bergmann a été aperçu pour la dernière fois de son vivant par une femme à 23h50. Il portait un sac en plastique et marchait au bord de l’océan. La marée haute devait être atteinte une demi-heure plus tard.

Son corps a été découvert sur la plage le lendemain à 8 heures, une partie de ses vêtements ont été retrouvés soigneusement empilés sur un rocher un peu plus loin. Les étiquettes des vêtements avaient été coupées, de même que sur les trois vêtements retrouvés sur le cadavre.

Parmi les affaires de Bargmann, on ne retrouvera pas : ses lunettes, les 10 timbres, la chemise bleue à manches longues qu’il portait en quittant l’hôtel, le sac à bandoulière noir et le sac en plastique violet. Il n’avait aucune pièce d’identité d’aucune sorte.

L’adresse qu’il avait renseignée à l’hôtel était fausse, le code postal (de Vienne) utilisé n’existe même pas. Il s’est fait appeler Bergmann avec deux « n », alors que l’orthographe commune de ce nom allemand s’écrit avec un seul « n ».

Selon l’autopsie, il n’est pas mort de noyade comme on aurait pu le penser lorsque son corps a été retrouvé, mais est mort d’une crise cardiaque. Il souffrait également d’un cancer de la prostate en phase terminale qui s’était généralisé. Le médecin légiste estime qu’il lui restait quelques semaines à vivre tout au plus. Il devait souffrir beaucoup, mais aucune trace d’antidouleur légal n’a été retrouvée dans son corps.

À Sligo, personne n’est venu réclamer le corps d’un être cher disparu. L’homme retrouvé sur cette plage a tout fait pour cacher son identité et semblait déterminé à choisir le lieu et le moment de sa mort. L’enquête n’a toujours pas pu déterminer comment il était entré en Irlande.

« Normalement, nous traitons des plaintes opposées : nous avons des personnes qui disparaissent et nous n’arrivons pas à les trouver », explique Ray Mulderrig, l’inspecteur de Sligo à l’Irish Times. « Ce cas-ci est différent, en ce sens que nous avons une personne, mais nous ne pouvons pas l’identifier complètement et nous ne pouvons pas rendre son corps à sa famille. »

Des images claires de son visage, vivant et mort, ont pourtant circulé. Mais à ce jour, personne n’a déclaré connaitre cet homme.

Pourquoi a-t-il choisi de venir à Sligo ? Pourquoi donner un faux nom et une fausse adresse ? A-t-il envoyé ses dix lettres et à qui ? Avait-il l’intention de mettre fin à ses jours ? Beaucoup de mystères entourent encore la mort de Peter Bergmann.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire