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La vie après le coronavirus: plus d’Europe sociale face à la récession

Olivier Rogeau
Olivier Rogeau Journaliste au Vif

Le volet social reste le parent pauvre de la construction européenne. Des projets sont en rade faute d’accord entre Etats membres. La crise fera-t-elle bouger les lignes?

La crise du coronavirus provoque un séisme social en Europe. Plus de 40 millions de citoyens de l’Union européenne se sont retrouvés en chômage temporaire. Du jamais-vu. « La situation devrait encore s’aggraver ces prochains mois, car certains de ces travailleurs ne retrouveront pas leur job », relève Philippe Pochet, directeur général de l’Institut syndical européen (Etui). « Nous vivons un moment crucial, poursuit-il: les mesures d’urgence déjà prises par les Vingt-Sept pour atténuer le choc étaient nécessaires, mais la solidarité entre Etats membres doit aussi et surtout s’exprimer dans le futur plan de relance. Point essentiel: la mise en commun des dettes. A défaut, la dette publique de certains Etats membres va exploser et ces pays seront bientôt soumis à une cure d’austérité drastique. Ou alors, ce sera l’éclatement de l’Union! »

En matière sociale, l’Europe a réagi aux conséquences du Covid-19 en créant le nouveau dispositif « Sure », qui aidera les systèmes d’allocation-chômage des pays et régions les plus touchés à supporter les coûts engendrés par la mise en chômage partiel. Il devrait être opérationnel le 1er juin. « Ce soutien n’est qu’un sparadrap, prévient toutefois Amandine Crespy, enseignante et chercheuse à l’ULB. Il est « temporaire » et les Pays-Bas ont beaucoup insisté pour qu’il ne dure pas plus de quelques mois. La Commission va emprunter et les prêts devront être remboursés par les pays bénéficiaires. En fait, « Sure » a été mis sur pied par défaut: les Vingt-Sept ne sont pas parvenus à s’entendre pour concrétiser le projet de Fonds européen de réassurance chômage, discuté depuis 2008 et relancé par Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission. Ce mécanisme permanent appelé à soutenir les régimes d’allocation de chômage nationaux en cas de récession sévère est bloqué surtout par l’Allemagne. »

La vie après le coronavirus: plus d'Europe sociale face à la récession
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La vieille idée de rééquilibrer l’économique et le social dans la construction européenne est en panne depuis le grand élargissement de l’Union vers l’est, en 2004, et la succession des crises qui ont suivi (crise de l’euro, des migrations, de l’Etat de droit). Elle a connu une forme de relance sous la Commission Juncker avec, pour objectif, de retisser du lien entre l’Europe et ses peuples, sur fond d’euroscepticisme grandissant. « Mais la volonté de faire progresser les droits sociaux se heurte à l’opposition ou aux réticences de plusieurs Etats membres, relève Amandine Crespy. L’Allemagne, pays pivot, était disposée autrefois à doter le marché unique d’une touche sociale, mais le virage à droite de la CDU-CSU a changé la donne. »

Un acquis tout de même: les mesures européennes en faveur de l’emploi des jeunes. La « garantie jeunes », une enveloppe alimentée par le Fonds social européen (FSE) et les Etats membres, vise à ce que « tous les jeunes de moins de 25 ans se voient proposer un emploi de qualité, une formation continue, un apprentissage ou un stage dans les quatre mois suivant la perte de leur emploi ou leur sortie de l’enseignement ». De même, la Commission a proposé d’instaurer un salaire minimum dans toute l’Europe. Le chantier a été lancé en janvier dernier et les consultations se poursuivent avec les partenaires sociaux. Mais les pays nordiques rejettent cette régulation européenne qui minerait, selon eux, le modèle scandinave, fondé sur des accords collectifs.

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