Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne. © AFP

Crise du coronavirus: cinq questions sur le plan de relance européen

Olivia Lepropre
Olivia Lepropre Journaliste au Vif

C’est un moment historique pour l’Union européenne : la Commission propose un plan de relance sans précédent pour faire face à la crise post-coronavirus. Un plan qui doit encore glaner le soutien des pays plus réticents. On fait le point.

1. Qu’est-ce que le plan de relance « Next Generation EU » ?

La Commission européenne propose un plan d’envergure pour sortir l’UE du marasme lié à la crise du coronavirus. Ce plan s’intitule « Next Generation EU » (« UE nouvelle génération »). Le but : saisir cette crise sans précédent comme une opportunité pour redonner un coup d’accélérateur au projet européen et à son avenir en tant qu’union. Le ton employé par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, se focalise d’ailleurs plus sur l’espoir de l’avenir que sur les difficultés du présent : « Pour l’Europe, les mesures les plus audacieuses seront toujours celles qui garantissent au mieux l’avenir. »

« Notre volonté d’agir doit être à la hauteur des défis auxquels nous faisons face. Nous allons accélérer la transition écologique et la transition numérique et faire en sorte que l’humain soit au coeur de ce rétablissement« , précise encore la longue note publiée par la Commission.

2. Que contient-il et comment sera-t-il financé ?

La Commission européenne propose un fonds de relance de 750 milliards d’euros afin de faire face à la crise économique. Concrètement, la Commission irait emprunter 750 milliards d’euros sur les marchés avec la garantie indirecte des États membres pour investir dans les pays et les secteurs les plus touchés aux plans sanitaire ou économique. Certains programmes du budget européen seront renforcés et d’autres créés pour faire face à la situation. Cette somme est divisée en deux :

  • 500 milliards d’euros sous forme de subventions. C’est montant préconisé la semaine dernière par Emmanuel Macron et Angela Merkel.
  • 250 milliards de prêts aux États membres.

Ce projet serait adossé au budget 2021-2027 de l’Union européenne, que la nouvelle proposition de la Commission chiffre à 1.100 milliards d’euros, soit à peine plus que la dernière proposition formulée en février par le président du Conseil européen Charles Michel, lors du blocage des discussions budgétaires.

Selon des sources à la Commission, l’UE pourrait rembourser ces emprunts sans demander aux États membres d’augmenter leurs contributions nationales, grâce à de nouvelles sources de revenus (ex : vente de quotas sur le marché du carbone européen, « taxe » sur les produits manufacturés par des entreprises polluantes à l’étranger, « taxe » sur le plastique non recyclé, impôt sur les entreprises numériques). Ces mesures s’ajoutent aux mesures d’urgence, à hauteur de 540 milliards d’euros (sous forme de prêts), que l’UE a déjà décidées et aux 1 000 milliards d’euros que la BCE s’est engagée à injecter dans le système financier.

3. Qui va en bénéficier ?

Pour bénéficier des soutiens financiers, les États devront établir des plans nationaux, décrivant leurs besoins et les réformes prévues, qui devront être validés par la Commission et les autres pays.

L’Italie et l’Espagne, deux des pays européens les plus touchés, devraient se tailler la part du lion. L’Italie devrait récupérer 172,754 milliards d’euros, l’Espagne 140,446 milliards d’euros. La France ne toucherait que 38,772 milliards d’euros.

Selon les informations du média allemand Der Spiegel, la Belgique recevrait quant à elle 5,5 milliards d’euros.

4. États contents et États réticents : quel accueil des pays membres ?

La proposition de la Commission devra encore obtenir l’aval des États membres. Or, certains pays sont traditionnellement plus pingres et divisés en matière budgétaire. Ensuite, le projet devra passer au Parlement européen, très volontariste sur la question puisqu’il avait réclamé une relance à 2.000 milliards d’euros en plus du budget pluriannuel.

Ce plan suscite notamment la réticence de quelques États membres, dits « frugaux » (Pays-Bas, Danemark, Autriche, Suède), qui préfèrent soutenir l’économie de l’UE uniquement via des prêts, et non avec des subventions, alors que le plan propose les deux. C’est dans cette optique que la présidente de la Commission fait un appel à l’union : « Abandonnons nos vieux préjugés, redécouvrons la force de l’idée magnifique d’une Europe unie. La crise est extraordinaire, mais l’opportunité qui se présente à nous l’est aussi! Avec ce plan nous pouvons construire la base d’une Union climatiquement neutre, numérique et résiliente. »

La France apprécie la proposition et appellent tous les États membres, sans exception, à soutenir le plan. L’Allemagne, qui prendra la présidence tournante de l’UE à partir de juillet, s’est « réjouie que (…) la Commission européenne ait repris des éléments de l’initiative franco-allemande ».

Le premier pays bénéficiaire de ce plan, l’Italie, se sent enfin entendu. Au plus fort de la crise, l’Italie, particulièrement touchée par la pandémie de coronavirus, avait déploré le manque de solidarité au sein de l’UE, nourrissant un peu plus l’euroscepticisme dans le pays. Le chef du gouvernement Giuseppe Conte évoque « un excellent signal de Bruxelles. Cela va vraiment dans la direction indiquée par l’Italie. Nous avons été décrits comme des visionnaires parce que nous y avons cru dès le début », a-t-il réagi. L’Espagne s’est également réjouie de cette annonce.

5. Pourquoi ce plan est historique pour l’UE ?

Un « tournant », « l’heure de l’Europe »,… le moment est présenté comme historique par la présidente de la Commission. Outre le ton unificateur de la présidente, ce plan, s’il est approuvé, serait en effet une grande première: la première fois que l’UE émettrait de la dette en commun à une si grande échelle. Si elle est acceptée, cette proposition serait aussi le plus gros plan de relance jamais lancé par l’UE.

C’est aussi un défi pour faire table rase du passé et rassembler les pays membres malgré leurs divergences : réconcilier une vision plus méridionale – qui passe par des dotations aux États et régions les plus touchées, à rembourser solidairement par les Vingt-sept – et une vision plus nordique – incarnée par les Pays-Bas, la Suède, le Danemark et l’Autriche – demandant de responsabiliser l’État bénéficiaire à travers des prêts conditionnés. (avec Belga&AFP)

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