Ischgl en Autriche © Getty

Covid: faut-il interdire les voyages à l’étranger ?

Peter Casteels
Peter Casteels Journaliste freelance pour Knack

Si aujourd’hui nous sommes frappés par une seconde vague de covid, c’est en partie à cause des voyages de cet été, estiment plusieurs experts. « Mais nous ne devons pas culpabiliser les voyageurs, ils ont fait ce qui était autorisé. »

« Ne partez pas en voyage cet été », avait plaidé le virologue Marc Van Ranst (KULeuven) en une du quotidien Het Laatste Nieuws en mars. À contrecoeur, de nombreux Belges s’étaient préparés à ne pas partir en vacances, jusqu’à ce que les frontières s’ouvrent en juin.

« Insectes en aluminium »

« Vous trouverez d’autres interviews et tweets où j’appelle à ne pas partir en voyage », déclare Van Ranst. « Mais c’était non négociable pour le secteur touristique européen, soutenu par les pays européens pour lesquels le tourisme est une partie importante de l’économie. Il fallait ouvrir les frontières, et faire voler les avions. À notre époque, ce sont pourtant ces insectes en aluminium qui propagent un virus à travers le monde. Les risques sont peut-être faibles d’être contaminés dans un avion, mais cet été ils ont amené beaucoup de touristes sur des lieux de vacances où le virus circulait plus qu’en Belgique. »

La Belgique ne collecte pas vraiment de données sur l’origine des nouvelles contaminations, mais tous les experts interrogés sont convaincus que les voyageurs ont contribué à la nouvelle vague. Geert Molenberghs, biostatisticien à la KULeuven et à l’Université de Hasselt, compare la propagation du virus en été au mois de septembre. En juillet, il y a eu des foyers locaux à Anvers et à Bruxelles, qui se sont étendus pas à pas. Début septembre, il y a eu de nouvelles contaminations partout dans le pays. « Les hausses que nous avons vues depuis sont certainement dues en partie aux voyageurs de retour de vacances. »

Mais nous ne pouvons pas culpabiliser les voyageurs, estime Molenberghs. « Ils ont fait ce qu’ils pouvaient, et généralement, ils ont suivi les règles. Chacun pense aussi pour lui-même : il faudrait une sérieuse malchance pour que je sois contaminé. Mais il suffit de quelques personnes contaminées pour propager le virus.

Mal préparés

En outre, la Belgique était mal préparée aux vacances d’été, comme si personne ne s’attendait à ce que les frontières soient vraiment ouvertes. Le Risk Management Group s’est réuni seulement début juillet pour donner son avis sur les voyages, et le formulaire de voyage qui devait être rempli par les gens qui demeurent plus de 48 heures à l’étranger, n’a été rempli que début août. Ce mois-là, 1,4 million de voyageurs ont rempli le formulaire, mais il n’était pas question d’un contrôle systématique des données. Pour les personnes revenues d’une zone rouge, la quarantaine était pourtant obligatoire. La Belgique a même été le seul pays européen à interdire les voyages dans les pays en zone rouge. Au dernier Conseil national de sécurité de la Première ministre Sophie Wilmès (MR), cette interdiction a été atténuée parce qu’il n’y a pas de base légale pour interdire ces voyages. Du moment que les frontières sont ouvertes, un pays a très peu de possibilités de limiter les voyages.

« C’est pourquoi une approche intégrée au niveau européen est si importante », déclare Linos Vandekerckhove. Le virologue de l’UZ Gand avait déjà appelé cet été à ne pas partir en voyage. « L’Europe considère la libre circulation de ses citoyens comme un droit fondamental. Pour cette raison, c’est politiquement lourd de sens de fermer les frontières. Mais ce sont des temps exceptionnels qui demandent une exception. L’Europe doit réfléchir d’urgence à une meilleure approche, car nous pouvons déjà dire que 2021 ressemblera plus à 2020 que ce qu’espéraient beaucoup de gens. Nous devons pouvoir nous détendre, sans partir tous en vacances. »

Au début de la pandémie, l’Organisation mondiale de la santé a également été critiquée pour ne pas avoir conseillé de fermer les frontières. Politiquement, ce genre de décision est beaucoup plus sensible que pour les scientifiques. « Nous avons été très en colère », se rappelle Marc Van Ranst. « Au moment où nous savions que le virus se propageait en Chine, il y avait tous les jours des avions qui arrivaient à Zaventem de ces régions remplis de passagers qui foulaient notre sol sans beaucoup de contrôle. Mais alors que durant les vacances de février, nous ne savions pas qu’il y avait tant d’infections qu’en Italie du Nord, nous savions très bien durant les vacances d’été où se trouvait le virus. Les virologues ne pouvaient que donner de bons conseils. »

Geert Molenberghs aimerait voir les frontières fermer – d’une manière intelligente, même si ce n’est pas évident pour un pays à la situation aussi centrale que la Belgique. Cependant, on a même vu des frontières fermer à l’intérieur des pays. « Lorsqu’il y a eu un foyer à Melbourne en Australie, les frontières de l’état de Victoria ont également fermé », déclare Molenberghs. « C’est une question de choix politique. Lors d’une peste porcine, on installe un cordon sanitaire. Nous ne sommes évidemment pas des porcs, mais le virus se propage d’une manière comparable. »

Réserver rapidement un voyage pour les vacances de Toussaint avant un véritable confinement ? « Pour l’instant, la Belgique est aussi dangereuse que les régions de sports d’hiver en printemps. Ce n’est vraiment pas le moment de se rendre à l’étranger. »

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