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« A Macron de fonder la république contractuelle »

Le Vif

Le politologue Roland Cayrol appelle le président français à revenir aux sources du macronisme, et notamment à sa promesse de responsabilisation des citoyens.

Alors que le Grand débat national prend fin, comment le président Macron et le gouvernement peuvent-ils sortir de la crise ?

Dans sa campagne présidentielle, Emmanuel Macron, tout en promettant une restauration de la figure du monarque républicain, a multiplié les odes aux corps intermédiaires. Dans un  » en même temps  » caractéristique, il a appelé à la responsabilisation des citoyens, en les invitant à ne plus laisser leurs représentants politiques prendre seuls des décisions pour eux. Macron a très tôt été conscient de la nécessité pour le pouvoir de faire pleinement confiance aux individus et de travailler à alléger chacune des pesanteurs sociologiques qui l’empêchent de s’accomplir. Il l’a un peu oublié depuis son élection. Reste à le mettre en oeuvre aujourd’hui.

Dans la doctrine macronienne, cette insistance sur la responsabilité individuelle tient-elle à la force du modèle de Paul Ricoeur, comme le suggère l’historien François Dosse, que vous citez dans votre livre (1) ?

Oui, c’est une empreinte incontestable. Ricoeur a notamment développé une philosophie de la volonté. Dosse le souligne, il a  » toujours valorisé l’agir « . Sa philosophie est celle d’une  » maximisation des potentialités humaines au travers des épreuves d’une histoire qui peut prendre au plan personnel ou collectif un tour tragique « . Ricoeur, en effet, pensait que la fragilité de l’homme faillible n’empêche pas ce dernier d’être en mesure de déployer des ressources inemployées.

Vous n’hésitez pas à écrire : « Certains avaient été tentés de voir dans la métaphore du premier de cordée une vision élitiste ; dans la pensée de Macron, il s’agit plutôt de solidarisme. » Qu’est-ce qui vous permet, pour l’heure, de l’affirmer ?

La construction macronienne est marquée par le personnalisme chrétien. Le  » premier de cordée  » a des devoirs envers toute la cordée. Il s’agit pour tous, Etat et personnes favorisées, de donner à ceux qui n’ont reçu aucun privilège à leur naissance les moyens de la réussite personnelle. Cela se retrouve dans le plan pauvreté, dans les mesures concernant les classes primaires dans les zones défavorisées, et même dans sa conception selon laquelle les plus aisés, s’ils sont moins taxés, ont le devoir d’investir dans les PME.

Par-delà les propositions issues du grand débat, le président est-il encore à même de « réconcilier les Français », promesse de son programme en 2017 ? Peut-il satisfaire à la revendication d’une démocratie  » qui respire plus  » ?

Ecoutez, nous sommes en mars 2019 : le film n’est pas terminé ! Dans la deuxième phase de son quinquennat, sans doute reste-t-il à ce président qui s’est, jusqu’ici, volontiers montré jupitérien, à revenir réellement aux sources du macronisme. Cela veut dire, notamment, entamer le chantier de cette république contractuelle, vraie pierre d’angle du partage démocratique, que tant de Français appellent de leurs voeux.

Prend-on cette direction, actuellement ?

Le chef de l’Etat va sans doute devoir jouer une partition inédite en renforçant la décentralisation, en entamant un dialogue plus étroit et plus fructueux avec les syndicats, les associations, les citoyens, les médias même, et en portant l’ambition d’une Europe véritablement décisionnaire. Celle-ci peut mobiliser aussi bien les libéraux que les sociaux-démocrates et les chrétiens-démocrates – autant de familles de pensée qui continuent à représenter des millions de Français malgré l’offensive populiste et nationaliste, minoritaire en dépit de sa progression.

Par Alexis Lacroix.

(1) Le Président sur la corde raide, Roland Cayrol (Calmann-Lévy), 236 p.

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