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La mousse, canari du climat

Muriel Lefevre

La mousse est un sonneur d’alerte biologique. Tel le canari qui prévient le coup de grisou dans les mines, elle prévient quand la qualité des sols et de l’air est mauvaise. C’est en effet elle qui trinque en premier.

Peu de gens apprécient la mousse à sa juste valeur. Pour beaucoup, ce n’est qu’une chose qui ruine la pelouse ou encore les dalles d’une terrasse. Pourtant c’est un véritable trésor que l’on devrait chérir, dit Wouter Van Landuyt,  » expert en mousses  » depuis 25 ans à l’Institut pour la recherche sur la nature et la forêt (Inbo), dans De Standaard.

Un appareil végétatif sans racines

Les bryophytes, autre nom de la mousse, sont un appareil végétatif qui n’a pas de racines. Ils se fixent au substrat par des rhizoïdes, soit des sortes de poils unicellulaires, qui assurent son alimentation en eau et en sels minéraux dissous. En Belgique, selon des chiffres de 2007, on recense, 748 espèces différentes (5 anthocérotes, 173 hépatiques et 570 mousses y compris les sphaignes- aussi appelé mousses des fanges, des marais et des tourbières plus). À titre de comparaison : les îles britanniques en comptent 1 069.

De récentes études estiment que 3 % d’espèces de bryophytes ont disparu définitivement de la Région wallonne et qu’actuellement, 5 % sont en danger d’extinction. Cette situation est surtout due à la raréfaction des milieux naturels au profit d’espaces de production intensive, à la disparition des bois morts ou d’arbres très âgés ou encore le commerce des mousses à destination de l’art floral.

La mousse, canari du climat
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On notera que la situation est encore pire en Flandre, puisqu’on en dénombre que 532 différentes et que 58% d’entre elles sont menacées d’extinction.

À quoi ressemblerait un monde sans mousse ?

Loin d’être anecdotique, le fait que la mousse se fait de plus en plus rare devrait nous inquiéter tant elle joue un rôle non négligeable dans notre biodiversité.

Les colonies de bryophytes constituent des microécosystèmes à part entière où vivent des acariens, et autres êtres microscopiques. Elle joue aussi souvent le rôle de pionnière, et sa venue dans certains habitats à la base hostile permet la formation de l’humus qui fait à son tour venir d’autres plantes.

Elles servent également de véritables réservoirs naturels d’eau. Un kilo sec de mousses peut retenir ± 14 litres d’eau et un kilo de sphaignes peut emmagasiner près de 70 litres d’eau et en rendre 57 à l’atmosphère. Elle joue de ce fait un rôle hydrologique majeur dans les tourbières de nos Hautes-Fagnes.

Elles sont un élément essentiel de la régulation du dioxyde de carbone, d’autant plus qu’elles sont actives toute l’année. Des mousses sont ainsi capables d’absorber jusqu’à douze fois plus d’hydrocarbures que les filtres à argiles utilisés actuellement, selon Métro.

La mousse, canari du climat
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Certaines espèces de mousses ont aussi des propriétés très utiles pour l’homme. Par exemple, elles peuvent servir de matériau étanche ou d’isolant. Aujourd’hui, on utilise parfois de la mousse pour isoler des maisons ou encore, de façon plus anecdotique, pour du papier toilette où son pouvoir d’absorption fait des merveilles. Des mousses ont aussi des pouvoirs antibiotiques ou encore antifongiques.

On estime qu’aux États-Unis, quelque 200 entreprises ont pour principale activité la culture des bryophytes, ce qui donne une idée de leur intérêt.

Malgré ces nombreuses vertus, le rôle le plus important de la mousse est peut-être ailleurs. La mousse extrait tous ses nutriments de l’air et de l’eau qui se trouvent dans son environnement immédiat. Ce qui la rend particulièrement sensible à la pollution. Comme peu d’autres indicateurs biologiques, elle sert donc de signal d’alarme.

Son absence ou sa mauvaise condition signifie tout simplement que nous vivons dans un environnement nocif pour les humains et les animaux. Plutôt que de chercher à la malmener à coup d’anti-mousse, on devrait donc plutôt la choyer.

La Belgique, et la Flandre en particulier, est l’une des régions les plus pauvres en mousse d’Europe.

Dans les années 1970, la mousse a atteint un niveau historiquement bas. Les centrales au charbon et la combustion des combustibles ont rejeté dans l’air des masses de dioxyde de soufre, qui se sont ensuite transformées en pluies acides avec pour résultat qu’il n’y avait pratiquement plus de mousses sur les troncs d’arbres. Depuis les émissions de soufre ont baissé de 80 %. Hélas, celui-ci a été remplacé par l’azote, tout aussi nocif. Nous sommes aux prises avec une forte urbanisation, une biodiversité en déclin et l’une des concentrations d’azote les plus élevées au monde, surtout en Flandre. L’une des causes principales serait une forte présence de fumier, riche en ammoniac, de nitrates et phosphates. Ces substances percolent à la fois dans le sol et dans les nappes phréatiques ce qui fait péricliter de nombreuses sortes de mousse.

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