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L’accord sur les microplastiques est une « goutte d’eau » pour la biodiversité

La ministre fédérale de l’Environnement Marie Christine Marghem et l’association belgo-luxembourgeoise des producteurs et distributeurs de cosmétiques, détergents et produits d’entretien (Detic) ont signé mardi à Bruxelles un accord visant à supprimer les microplastiques des produits cosmétiques à rincer d’ici 2020.

Ce texte « n’est certainement pas une fin en soi mais le début d’une substitution des microplastiques à grande échelle », a déclaré Mme Marghem, tandis qu’Inter-Environnement Wallonie (IEW) et Bond Beter Leefmilieu (BBL) regrettent le manque d’ambition des autorités.

Les microplastiques sont des particules solides de moins de 5 millimètres composées en tout ou en partie de polymères synthétiques insolubles et non biodégradables en milieu aquatique. D’après une étude du Forum économique mondial, les océans comporteront plus de plastiques que de poissons d’ici 2050. « Aujourd’hui, pas moins de 92% des déchets qui sont présents dans les océans sont des microplastiques », a rappelé la ministre Marie Christine Marghem depuis la ferme Nos Pilifs à Bruxelles, où l’accord sectoriel a été signé.

Ces substances, trop fines pour être filtrées, menacent la biodiversité et, ingérées par la faune aquatique, contaminent la chaîne alimentaire. « Nous pensons donc que la meilleure façon d’attaquer le problème est de le traiter à la source en éliminant progressivement leur production et leur utilisation. »

Pour y parvenir, la ministre a conclu un accord avec Detic, qui représente près de 90% du secteur cosmétique actif en Belgique. Ses membres s’y engagent à supprimer les microbilles de plastique dans les produits cosmétiques à rincer (savons, gommages, etc.) et les produits bucco-dentaires d’ici au 31 décembre 2019.

L’accord met aussi en place un suivi scientifique avec un comité composé d’experts du SPF Santé publique, du cabinet de la ministre de l’Environnement et de Detic. Des actions de sensibilisation et échanges de savoirs seront aussi organisées au bénéfice des entreprises, et en particulier des PME qui n’ont pas les mêmes capacités de recherche et développement que les grands groupes industriels.

Une goutte d’eau

texte n’est qu’un début, a admis la ministre de l’Environnement. En effet, les microplastiques qui envahissent les océans proviennent surtout de la décomposition de produits plastiques comme les vêtements synthétiques, qui polluent l’eau à chaque lavage, ou les pneus. Au sujet de ces microplastiques dits secondaires (mais de loin premiers en volumes), Marie Christine Marghem a promis de travailler « avec les fédérations concernées, comme je l’ai fait avec Detic ».

Pour les associations environnementales cependant, le temps presse et l’accord sectoriel signé ce mardi n’est « qu’une goutte d’eau dans l’océan ». « Si on peut se réjouir de voir la Belgique embrayer sur ce dossier, la portée de cet accord est bien trop limitée et doit être relativisée », ont ainsi réagi IEW et BBL, qui auraient préféré une législation contraignante à un accord volontaire.

Seuls les membres de Detic sont concernés. De plus, les cosmétiques qui ne sont pas « à rincer » (lotions, crèmes, maquillage, etc.) et les autres produits, comme les détergents ou les produits d’entretien, ne sont pas visés. Les plastiques liquides et les microbilles de plastique qui ne remplissent pas un objectif d’abrasion ou d’exfoliation, mais qui servent par exemple d’émulsifiants, ne sont pas non plus compris, avaient au surplus déjà dénoncé IEW, BBL ainsi que l’association belge de recherche et d’expertise des organisations de consommateurs et Test-Achats dans l’avis conjoint qu’ils avaient remis à la ministre en octobre dernier.

L’accord laisse aux entreprises jusqu’à 2020 pour s’adapter, alors que des alternatives existent et que les microplastiques des cosmétiques à rincer sont interdits en France depuis le 1er janvier, s’étonnent encore les organisations environnementales. Plus généralement, « si la présence des microplastiques dans les cosmétiques est sans doute la plus visible par le consommateur et également la plus médiatisée, ces produits ne sont responsables que de 2% de la pollution des eaux par les microplastiques ». Plutôt que d’avancer par petits pas dispersés, il faut d’urgence s’attaquer à l’ensemble des microplastiques qui aboutissent dans les systèmes de collecte d’eau, concluent-elles.

De son côté, la ministre parle d’une démarche « pionnière » car l’accord sectoriel belge concerne les produits déjà sur le marché, alors que la loi française ne comprend que les nouveaux produits mis sur le marché. « Nos membres n’utilisent pas de microbilles de plastique dans les détergents, sauf dans des produits de niche qui servent par exemple au nettoyage de façades, mais où elles sont plus facilement récupérées que pour les produits cosmétiques », assure par ailleurs Frédérick Warzée, cosmétologue et porte-parole de Detic.

Quant aux plastiques liquides, présents en masse dans les cosmétiques mais qui ne sont pas visés par l’accord, ils se dégradent beaucoup mieux dans l’environnement, défend-il, contre l’avis des associations environnementales mais en concédant que les études d’impact manquent. L’accord sectoriel est évolutif et le comité d’experts qu’il met en place tiendra cette problématique à l’oeil, ajoute-t-il.

Detic se réjouit en tout cas de l’approche belge basée sur la collaboration plutôt que la coercition. Face aux inquiétudes des consommateurs, les gros producteurs de cosmétiques suppriment déjà peu à peu les microplastiques de leurs formulations. Mais la Belgique compte beaucoup de PME, notamment celles qui produisent les cosmétiques des marques de la grande distribution. Celles-là ont besoin d’accompagnement et d’échanges de savoirs, souligne M. Warzée.

Surtout si l’Union européenne finit par interdire complètement les microplastiques, comme l’espèrent les associations de défense de l’environnement? Il vaut en effet toujours mieux anticiper, répond le porte-parole. Au niveau européen toutefois, le processus ne fait que commencer. La Commission européenne a clôturé en octobre 2017 une consultation publique sur les microplastiques, dont on attend encore les résultats.

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