Mélanie Geelkens

Une sacrée paire de mots : « Que les nouveaux concepts, idées, objets puissent autant réclamer leur paternité que leur maternité »

Mélanie Geelkens Journaliste, responsable éditoriale du Vif.be

Les féministes auraient « touché le fond », « s’humiliant elles-mêmes à force d’initiatives grotesques » en « gauchisant, salissant, ridiculisant, violentant la langue ». Avec sa racine latine « maris » (mâle), le mariage non plus ne peut rester sans alternative. Fariage ? Femmiage ? Materiage ? Mais d’aucuns crieraient alors à la domination féminine.

Le mois dernier, c’étaient les journées du matrimoine. L’été dernier, un femmage était rendu à l’avocate Gisèle Halimi, et encore plus tôt à Agnès Varda. La semaine dernière, en ces mêmes pages, une chronique était dédiée aux matronymes. Ah, pardon, c’est un vrai mot, ça, même si personne ne l’emploie. Les deux autres non plus, si ce n’est pour s’en moquer. Les féministes auraient « touché le fond », « s’humiliant elles-mêmes à force d’initiatives grotesques » en « gauchisant, salissant, ridiculisant, violentant la langue » (lu sur Twitter). Violenter ! Comme vous y allez.

Mais alors, justement, autant y aller jusqu’au bout. Jusqu’à la matrie, dans un pays qui a été dirigé par une Première ministre et qui finira par avoir une reine comme souveraine. Tous matriotes ! Que les homicides trouvent, dans le code pénal, leur alternative femicides, à défaut des féminicides – tous les crimes contre les femmes n’ont pas leur sexe comme circonstance aggravante. Et que les nouveaux concepts, idées, objets puissent autant réclamer leur paternité que leur maternité, selon le genre de leur découvreur.euse.

A bas les patronnes, ce mot trop pater-centré ! Va pour matronnes, en n’oubliant pas le deuxième « n » ; une faute d’orthographe prêterait à confusion. Et vive les matriciennes : y a pas que des mâles, dans l’aristocratie. Petite pensée émue, en passant, pour toutes les Patricia, dont l’étymologie du prénom vient de « patricien », et qui n’avaient sans doute jamais réalisé à quel point leur prénom était phallocentré. Les Patrick auraient peut-être mieux fait de ne jamais avoir de féminin.

Avec sa racine latine maris (mâle), le mariage non plus ne peut rester sans alternative. Fariage ? Femmiage ? Materiage ? Mais d’aucuns crieraient alors à la domination féminine. Autant en revenir aux épousailles, un brin vieillot mais qui mettraient tous les genres d’accord. Sans toutefois régler le sort de « l’union maritale » ou du « couple vivant maritalement ». L’union épousale, le couple vivant épousalement, ça sonne moins bien. Merde ! Les gens n’ont qu’à tous devenir cohabitants légaux.

Cet hiver, faisons ériger à nos enfants des bonfemmes de neige. Sans la carotte, peut-être : trop phallique. Et par la même occasion, que les dictionnaires adoptent la bonfemmie pour désigner toutes celles se montrant affables, aimables et accueillantes. Renommons aussi Jupiter (« ciel père ») ou débaptisons une autre planète, genre Jufiter pour remplacer Uranus. Et que les manuels scientifiques évoquent donc des feminidées, en même temps que les hominidés. Les femelles aussi descendent des singes. Fema sapiens, Fema habilis, Fema uterus. Pardon, erectus.

A l’adjectif hommasse, accolons aussi celui de femmasse. Après tout, il existe aussi des hommes aux allures et manières féminines et tapette, ça ne se dit pas, sauf lorsqu’il s’agit de mouches. Tant qu’on y est, créons le verbe paterner. Pouponner n’est pas une prérogative de maman ! C’est peut-être pour ça qu’ils s’occupent moins de leurs gosses, les pères. Parce qu’il ne se retrouvent pas dans le vocabulaire.

Que les écoles puissent devenir paternelles, pour les 2% de classes où officient des instituteurs. Et ces excluantes maternités ! Que les hôpitaux passent donc aux materpaternités. Ou aux parenités. Ou aux bébénités, ce sont quand même eux les premiers concernés.

Et les gynécologues, ils seraient pas un peu transphobes, des fois ? Gynétranslogues, ce serait plus inclusif.

Larousse, Robert, Littré : si vous avez besoin d’aide pour vous actualiser, n’hésitez pas à demander.

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Trente sept organisations financières actives en Belgique (banques, assurances…) avaient signé, en 2019, une charte pour favoriser la diversité des genres dans ce secteur encore fort masculin, à tout le moins dans les postes de direction. L’association Woman in Finance, créée dans la foulée, s’est récemment penchée sur ces avancées. 58 % des signataires ont démarré un plan d’action ou consolidé une stratégie existante et 88 % ont analysé la question du plafond de verre. Maintenant, de la parole aux actes ?

La phrase

« Force est de constater que les femmes font plus largement l’objet de cyberharcèlement. Els Keytsman (NDLR : codirectrice flamande d’Unia) et moi, on se consulte toujours avant une intervention médiatique. Et pourtant, elle se fait beaucoup plus attaquer que moi sur les réseaux sociaux. On dit la même chose, mais on lui tombe plus dessus que sur moi. »

Patrick Charlier, coprésident francophone d’Unia, centre pour l’égalité des chances et de lutte contre le racisme.

Macho-twitter

En 2018, Amnesty International publiait une enquête sur les violences ciblant les femmes sur Twitter. Deux ans plus tard, l’ONG a voulu vérifier si le réseau social avait mis en oeuvre les dix recommandations qui lui avaient été adressées (transparence, meilleurs mécanismes de signalement, renforcement de la sécurité, respect de la vie privée…) Résultat : seule l’une d’elles a été pleinement appliquée. Ça mérite bien un tweet outré !

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