Mélanie Geelkens

Une sacrée paire d’ailes par Mélanie Geelkens

Mélanie Geelkens Journaliste, responsable éditoriale du Vif.be

Un mari ou un gosse en cours de route: la porte, Mesdames. Pareil arrivé 40 ans. A la Sabena, le C4 était servi en même temps que le gâteau.

Elle parlait français, anglais et néerlandais. Mais bon, ce qu’elle avait dans la tête n’était pas très important. Ce qui comptait, c’était sa tête. Sa taille, aussi: fine, forcément. Soulignée par la veste cintrée de son uniforme bleu, jupe plissée juste au- dessus de genou. En 1946, c’était déjà beaucoup. Ce 24 février-là (il y a pile septante-cinq ans), la jeune fille pose devant le Douglas DC-4 qui décollera bientôt de Bruxelles vers Léopoldville. Jeanne Bruylant, première hôtesse de l’air belge.

A l’époque, la Sabena disait « air hostess ». Plus chic, sans doute. Puis, ce nouveau job venait des States où, seize ans plus tôt, Boeing avait embauché Ellen Church (photo), vingtenaire ayant décroché son brevet de pilote et rêvant de devenir commandant de bord. Mais sorry, young lady : une femme en 1930 maniait le manche d’un balai ou d’une poêle mais certainement pas d’un avion! Tenace, l’Américaine avait réussi à convaincre le PDG de la compagnie aérienne de l’embaucher pour prendre soin des passagers.

Un mari ou un gosse en cours de route: la porte, Mesdames. Pareil arrivu0026#xE9; 40 ans.

Vérifier les tickets, ranger les bagages, servir le café… Et, surtout, être agréable à regarder. « Existe-t-il une limite d’âge et de poids comme en Amérique? » avait demandé un journaliste du Soir à Jeanne Bruylant (surnommée Jenny, probablement plus américain et sexy). « Pas encore, mais il en est question. La Sabena, je pense, compte surtout recruter des jeunes filles d’une vingtaine d’années. » « Vous oubliez une condition essentielle requise par toutes les compagnies […], enchaîne le journaliste, pointilleux. Avoir un physique agréable. »

Un jury de sélection y veillait. Chez Air France, par exemple: entre 1 m 55 et 1 m 65, 45 à 65 kilos, 70 centimètres de tour de taille maximum et un visage « avenant ». Les stewards, eux, pouvaient être chauves et bedonnants. Evidemment. Ils pouvaient se marier et enfanter, aussi, contrairement à ces célibataires et nullipares d’hôtesses. Un mari ou un gosse en cours de route: la porte, Mesdames. Pareil arrivé 40 ans. A la Sabena, le C4 était servi en même temps que le gâteau. Jusqu’en 1970. Ensuite, les skygirls belges obtinrent le droit de voler… jusqu’à 45 ans. A condition de passer chaque année devant un jury de cinq hommes et une femme, histoire de vérifier leur état de fraîcheur. Les rides, en altitude, ça filait assurément la nausée aux passagers.

Ravalez votre haut-le-coeur, ce sexisme aérien aura finalement fait progresser la cause des femmes. Si la Sabena n’avait pas viré son hôtesse Gabrielle Defrenne le jour de son 40e anniversaire, l’avocate bruxelloise Eliane Vogel-Polsky n’aurait pas déniché l’affaire qui allait lui permettre de concrétiser le combat de sa vie: faire appliquer par un tribunal l’article 119 du traité de Rome, qui prévoyait « l’égalité des rémunérations entre les travailleurs masculins et féminins pour un même travail ». La Belgique, comme les autres pays européens, avait ratifié le texte en 1957 mais s’asseyait dessus comme sur une confortable couchette de première classe. Il faudra attendre 1976 pour que la Cour européenne de justice fasse appliquer ce traité, et jette ainsi les prémisses légales de l’égalité salariale.

Mais Jeanne/Jenny Bruylant n’aura pas eu le temps de grossir, de se rebeller, d’être virée ou de gagner autant que ses compagnons de vols. Le 18 septembre 1946, sept mois après le début de sa carrière d' »air hostess », son avion se crashe à Terre-Neuve, au Canada. Seize des trente-sept passagers survivront, sans doute davantage grâce à ses consignes de sécurité expliquées en trois langues qu’à sa taille de guêpe…

En grève!

Parce que « la crise sanitaire, économique, sociale et démocratique exacerbe les inégalités de genre », parce que « les périodes de confinement ont démontré l’importance capitale des femmes dans l’économie réelle », le collecti.e.f 8 maars appelle, pour la troisième année consécutive, à une grève féminine le 8 mars prochain. Soutenue par la CSC et la FGTB. « Par tous les moyens à disposition: travail salarié, domestique, consommation, soin aux autres… » Des actions sont prévues de Liège à Mons en passant par Charleroi et Bruxelles.

Bonne blague – Ahahah

La blague est signée « Perles rares de Belgique », un groupe Facebook assez populaire, qui publie régulièrement des mèmes, ces montages humoristiques qui font fureur sur les réseaux sociaux. Un des derniers en date, à propos du confinement: « Une fois de plus, les hommes sont défavorisés par rapport aux femmes: plus de copains, plus de restaurants, plus de bistrots, plus de foot… Alors que les femmes peuvent continuer à faire ce qu’elles ont toujours fait: nettoyer, repasser, cuisiner, lessiver, ranger et se plaindre. » LOL.

L’insupportable jeu

C’est une pub qui passe en boucle sur les réseaux sociaux ces derniers temps. Pour Project Makeover, un jeu pour offrir « un relooking à des personnes qui en ont désespérément besoin et les aider à réaliser leurs rêves ». En l’occurrence, ces « personnes » sont donc des filles moches/poilues/grosses/mal fringuées. Le « relooking » consiste à les transformer en pin-up et leur « rêve » est qu’on les aide à faire succomber un bellâtre riche et populaire. Insupportable de sexisme et de clichés. Et dire que cette appli a été téléchargée plus de dix millions de fois…

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