Le Premier ministre Alexander De Croo est le politicien le plus populaire de Flandre. © Belga

Un an de confinement en Belgique: tout a changé et… rien n’a changé (analyse)

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

Le 17 mars 2020, la Première ministre Sophie Wilmès annonçait la fermeture des activités « non essentielles ». Un an après, le bout du tunnel reste loin, bien que le contexte ait fortement évolué. Tant sur le plan politique que sanitaire. Un long traumatisme.

« Restez chez vous au maximum… » C’était le 17 mars 2020: la Première ministre Sophie Wilmès (MR) annonce un premier confinement et la fermeture de nombreuses activités « non essentielles ». A l’issue d’un Conseil national de sécurité, le message est clair: « Les citoyens sont tenus de rester chez eux afin d’éviter un maximum de contact en dehors de leur famille proche ». La décision est prise pour 15 jours. On recense alors 14 décès et 1486 cas d’infection au Covid-19. Les Belges ne savent pas encore qu’ils sont partis pour un très long chemin de croix, dont on ne voit pas encore la fin.

Un an après, tout a changé, tant sur le plan politique que sanitaire. Mais le contexte reste difficile.

Le gouvernement De Croo a opté pour une approche davantage prudente, après deux vagues très mortelles sur notre pays, et la campagne de vaccination permet d’entrevoir le bout du tunnel. Un déconfinement progressif est envisagé à partir de début mai. La situation reste toutefois fort fragile, « au bord de la rupture », selon le Centre de crise. Et les 22572 personnes décédées du Covid constituent un drame dont on prend la dimension, chaque jour davantage. Sidérés. Sans avoir encore sorti la tête de l’eau, et sans avoir encore analysé toutes les conséquences de ce long traumatisme.

1 Le tremblement de terre politique

En mars 2020, la Belgique était bloquée politiquement, figée dans une situation surréaliste dont nous seuls avons le secret. A la tête d’un gouvernement fédéral ultra-minoritaire, conséquence de la crise politique de fin 2018 et d’une élection de mai 2019 engendrant un paysage morcelé, Sophie Wilmès obtient des pouvoirs spéciaux dans la foulée de terribe tour de vis, soutenue par neuf partis pour gérer la seule crise sanitaire. Une gestion à l’arrachée, dont on payera le prix, lourd.

Cette première vague constitue un électrochoc: durant l’été, des négociations ontenfin lieu entre PS et N-VA, avant que le volet institutionnel, jugé imbuvable par les libéraux et les écologistes, ne donne finalement naissance à la Vivaldi, en octobre. De Croo remplace Wilmès, Frank Vandenbroucke revient à la Santé, et la Belgique est enfin politiquement débloquée et dispose d’un gouvernement majoritaire. Indispensable pour gérer la suite. Mais en attendant, la Belgique a souffert: en dépit de l’empathie de la Première ministre, le bilan est très lourd. Maggie De Block, ministre libérale de la Santé, devient le symbole de cette gestion chaotique: le virus est certes méconnu, mais on pouvait mieux faire.

2 Le traumatisme des deux vagues

Ce tremblement de terre politique de l’été, provoqué par la première vague de Covid, ne sera, en outre, pas sans conséquences sanitaires. En mai, la Belgique a procédé à un déconfinement progressif et l’été se passe dans un climat de relative insouciance. Mais les premiers signes d’une deuxième vague potentielle surviennent à la rentrée, alors que les politiques tentent de sortir de l’ornière politique. Les négociations pour la formation de la Vivaldi se déroulent à une vitesse record, mais elles empêchent sans doute de réagir aussi vigoureusement qu’il aurait fallu le faire.

Le cap des 10000 morts est franchi à la fin du mois de septembre. Notre pays est pointé du doigt pour ce lourd bilan, proportionnellement l’un des plus importants dans le monde, mais retombe dans ses travers de gestion. La faute à qui? Les uns pointent du doigt la complexité institutionnelle, d’autres la désinvestissement dans les soins de santé, voire des responsabilités inviduelles. Commission parlementaire il y aura, mais elle ne sera « que » spéciale, non d’enquête. La première urgence d’Alexander De Croo est la gestion de cette deuxième vague, plus virulente que la première, durant l’hiver.

Peu à peu, une approche se dessine, instiguée par le duo De Croo-Vandenbroucke: celle d’une gestion plus prudente, avec moins de soubresauts dans les mesures, une fois le pic de la crise maîtrisé. En cette mi-mars, nous en sommes toujours là, avec des débats politiques rendus régulièrement confus par les demandes d’assouplissements des uns et des autres. Et une obsession absolue, dans le chef d’Alexander De Croo: éviter à tout prix une troisième vague, ce qui n’est pas encore gagné en raison de la menance des variants. Alors que la colère gronde…

3 La quadrature du cercle actuelle

En un an de confinement, tout a changé et… rien n’a vraiment changé. Les secteurs « non essentiels » sont cassés par cette crise sans précédent et humilés d’avoir payé le prix le plus lourd sur le plan économique. Culture, horeca, événementiel… se demandent toujours quand ils rouvriront, même si le 1er mai apparaît comme une promesse. Sur le plan sanitaire, les indices quotidiens restent préoccupants, alors que la donne a pourtant changé avec l’apparition – en un temps record, là aussi – de plusieurs vaccins. Il est écrit toutefois que cette crise met notre capacité de gestion à l’épreuve: lenteur dans la campagne de vaccination européenne, discordances politiques à répétition, inquiétudes sur le vaccin AstraZeneca… Le Premier ministre annonce le « bout du tunnel », mais il ne pourrait être en vue qu’à l’été… si tout va bien.

En ce 17 mars 2021, le confinement n’est pas aussi restrictif qu’il y a un an, mais il pèse de plus en plus lourd et la lassitude des Belges devient chaque jour plus perceptible. La santé mentale est devenue une priorité, incertaine tant que le virus continue à circuler rapidement. La Belgique, et de façon plus large l’Europe, se demande comment il est possible d’avoir souffert à ce point, alors que nos systèmes de santé sont réputés performants. En toile de fond, diffuses, se posent des questions de gouvernance, de priorités politiques, de vision à long terme, mais c’est encore et toujours l’urgence qui prédomine.

Englué dans une quadrature du cercle qui semble en pas avoir de fin, notre pays peine à sortir de ce long traumatisme. Politiquement, c’est sûr, on n’en a pas encore tiré toutes les leçons, ni subi toutes les conséquences.

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