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Télétravail ou retour au bureau ? Les entreprises se préparent à une « télérentrée » sans frénésie

Christophe Leroy
Christophe Leroy Journaliste au Vif

Télétravail ou retour au bureau ? Dans quelles conditions et à quels coûts ? Dans la plupart des entreprises, ce mois de septembre ne constitue pas vraiment une rentrée, tant elles restent tributaires des incertitudes liées à l’épidémie. Voici les tendances majeures qui s’y profilent.

C’est une autre conséquence du Covid-19. Dans les entreprises, ce n’est plus tant le calendrier qui dicte la cadence des activités ou le nombre de collègues que l’on croise. Bien sûr, les vacances restent sacrées. Bien sûr, ces mois de juillet et août furent plus calmes. Après avoir chuté de 20 à 30% entre mars et juin par rapport aux mêmes mois de l’année précédente, le pourcentage de congés pris en juillet a enfin atteint le même niveau qu’en 2019, comme l’attestent les chiffres de l’Employment Tracker du prestataire de services de ressources humaines SD Worx. Mais, plus encore que les périodes de vacances, ce sont surtout les fameux Conseils nationaux de sécurité (CNS) qui dictent désormais les règles du jeu. Le télétravail reste obligatoire, quand il est possible, en province d’Anvers et recommandé partout ailleurs. Les entreprises restent, elles, percluses des mêmes incertitudes que celles qui subsistaient encore en juin, résumées en une seule question : à quand la véritable éclaircie ? Si le mois de septembre est censé constituer une rentrée pour ces sociétés, le mot devrait alors changer de définition au dictionnaire.

u003cstrongu003e59% des entreprises sondées comptent maintenir les possibilités de télétravail pour plus de la moitié de leurs employés entre septembre et décembre.u003c/strongu003e

Une lueur d’ordre dans ce brouillard quasi permanent : quelle que soit leur taille, la grande majorité des entreprises sont prêtes. A accueillir leur personnel dans les conditions sanitaires requises comme à organiser le travail à distance selon des modalités clairement définies. « De nombreuses entreprises ont introduit une politique plus structurelle en matière de télétravail, observe Katleen Jacobs, consultante chez SD Worx. Cela nécessite une réflexion sur l’impact du télétravail en matière de coûts, puisque certains postes de dépenses peuvent augmenter et d’autres diminuer. A plus long terme, cette tendance devrait modifier les packages de rémunération et la politique de rewards dans certaines entreprises. »

Quant aux protocoles sanitaires (gel hydroalcoolique, désinfection de matériel, limite de capacité, réaménagement de certains espaces de travail…), ils sont censés être éprouvés depuis maintenant quatre mois. Ils peuvent d’ailleurs être contrôlés à tout moment par l’Inspection du travail du SPF Emploi, Travail et Concertation sociale.

A quels coûts pour l’employeur ? En Belgique, aucune étude ne semble s’être penchée sur ces charges précises pour le moment. Tout dépend du secteur d’activité et de la taille de l’entreprise. « Certains commerces ou prestataires de services ont décidé d’intégrer ces coûts dans leurs prix, en le faisant savoir en amont », commente Christophe Wambersie, secrétaire général Wallonie-Bruxelles du Syndicat neutre pour indépendants (SNI).

En France, une enquête menée en mai par la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) estimait que le coût des mesures prises pour assurer la sécurité sanitaire du personnel s’élevait à environ 100 euros par mois et par salarié dans les TPE et PME. Mais c’était avant que le port du masque ne devienne obligatoire dans les entreprises, ce qui engendre des coûts supplémentaires (lire l’encadré ci-dessous).

Dans le secteur de la construction, ce sont surtout les déplacements qui se sont révélés particulièrement coûteux, comme le souligne Robert de Mûelenaere, administrateur délégué de la Confédération construction. « Soit les entreprises ont installé du plexiglas dans les véhicules de transport, soit les ouvriers se transportaient seuls vers les chantiers, ce qu’il fallait bien évidemment rémunérer en tant qu’entrepreneur. » Dans la grande distribution, le quotidien français Les Echos chiffrait le surcoût des protocoles sanitaires à 100.000 euros pour six mois pour un supermarché.

Priorité au télétravail

Jusqu’à la fin de l’année au minimum, la part de télétravail devrait rester bien plus importante qu’avant la crise. En avril et juin derniers, la Fédération des entreprises de Belgique (FEB), l’Antwerp Management School et la plateforme HRPro.be avaient sondé 1.241 chefs d’entreprises et 426 responsables des ressources humaines sur le sujet. Pour juillet et août, 70% des entreprises interrogées comptaient maintenir les possibilités de télétravail pour plus de la moitié de leurs employés – elles étaient 88 % à le faire en avril. Ce sera encore le cas pour 59% d’entre elles de septembre à décembre, là où avant la crise, le télétravail pour plus de la moitié des employés était possible dans moins d’une entreprise sur trois.

« Le nombre de jours de télétravail augmente lui aussi, complète la FEB. Si la norme, avant le coronavirus, était d’une journée par semaine dans 86% des entreprises, elle sera de deux à trois jours par semaine en automne pour 71% des sondées.  »

Il en va de même dans une série d’institutions. A la Commission européenne par exemple, qui emploie plusieurs dizaines de milliers de personnes à Bruxelles, le télétravail reste bel et bien la norme. « A l’heure actuelle, jusqu’à 20% du personnel peut travailler à partir du bureau (y compris le personnel critique et le personnel non critique désirant revenir sur base volontaire) », indique son service de presse.

Le télétravail reste toutefois impossible pour de nombreux secteurs d’activité. D’autant qu’il s’avère également difficile à organiser dans certaines petites entreprises, comme le rappelle Christophe Wambersie : les tâches dont se chargent les employés y sont en général plus transversales et variées que dans un département d’une grande entreprise.

Masque obligatoire en entreprise ? En dernier recours

Le 18 août, le gouvernement français a décidé d’imposer, à partir du 1er septembre, le port du masque dans tous les espaces de travail clos et partagés des entreprises. Une mesure souhaitable chez nous ? Non, estime la Fédération des entreprises de Belgique (FEB). Dans un récent avis, celle-ci souligne que notre pays dispose d’un cadre au cas par cas plus appréciable, le port du masque n’étant obligatoire chez nous que lorsque l’espace de travail ne permet pas une distanciation sociale de minimum 1,5 mètre.

Pour Christophe Wambersie, secrétaire général Wallonie-Bruxelles du Syndicat neutre pour indépendants (SNI), une obligation généralisée du port du masque dans les entreprises risquerait par ailleurs d’augmenter fortement les coûts des protocoles sanitaires. Et inutilement, à moins que la situation sanitaire ne se dégrade.

« A raison de minimum deux masques par jour et par employé, il faudrait que le gouvernement allège la facture d’une façon ou d’une autre, indique-t-il. Mais nous n’en sommes pas là pour le moment. Il faut une bonne adéquation entre les mesures et la situation sanitaire, actuellement sous contrôle en Belgique. N’oublions pas que les employeurs ont eux-mêmes déjà un intérêt à protéger au mieux leurs travailleurs. Il est évident que la priorité est d’éviter à tout prix de retomber dans une logique de fermeture partielle ou totale. »

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