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Surmortalité en Europe : la Belgique lourdement touchée

Celine Bouckaert
Celine Bouckaert Journaliste au Vif

Alors que la pandémie du coronavirus semble s’essouffler en l’Europe, on constate que certains pays déplorent beaucoup plus de morts que d’autres. Les écarts entre les pays sont particulièrement importants. À l’heure actuelle, le Royaume-Uni, l’Italie et la France comptent le plus de décès officiels du Covid-19.

Cependant, comme les méthodes de recensement diffèrent d’un pays à l’autre, il est très difficile de comparer les pays en se basant sur les chiffres officiels, même en rapportant le nombre de décès au nombre d’habitants. Ainsi, l’Espagne compte 26 834 décès pour près de 47 millions d’habitants alors que son voisin le Portugal en déplore beaucoup moins : 1130 pour 10,2 millions d’habitants.

Pour se faire une idée du véritable taux de mortalité, et donc de l’ampleur de la pandémie, les spécialistes recommandent de se baser sur le taux de mortalité de la même période l’année dernière. Plusieurs pays (notamment l’Italie et les Pays-Bas) se voient en effet reprocher de publier des chiffres incomplets alors que la Belgique revendique la méthode de comptage « la plus honnête », correspondant aux recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Les autorités belges intègrent, en effet, dans leurs chiffres les malades non testés dont le décès est soupçonné d’être lié à la maladie. L’étude de cette surmortalité donnerait l’idée plus réelle du véritable nombre de morts causés par le Covid-19.

L’European Mortality Monitoring Project (Euromomo) a analysé les données de Bureaux de statistique de 24 pays et régions européens dont la Belgique. Pour comparer les pays, Euromomo n’utilise pas de pourcentages, ou de chiffres absolus, mais applique ce qu’on appelle le z-score. Celui-ci ne permet pas seulement de calculer la surmortalité par rapport à la moyenne des années précédentes, mais tient également compte des variations de la mortalité hebdomadaire.

Le moyen le plus objectif

« Nos estimations de la surmortalité toutes causes confondues constituent le moyen le plus objectif, le plus solide et le plus propre à la comparaison pour surveiller la mortalité liée au Covid-19 », explique Lasse Vestergaard, épidémiologiste et coordinateur du projet EuroMomo, à Checknews.

Si le z-score est supérieur à 2, cela signifie que la mortalité est anormalement élevée. Plus le z-score est élevé, plus la mortalité due au Covid est élevée. Pour l’Europe, la période la plus noire se situe entre le 23 mars et le 12 avril.

Sur une semaine, c’est l’Angleterre qui enregistre le z-score le plus élevé (42,34 pour la semaine 15), suivi de l’Espagne (34,23 pour la semaine 14). Ensuite viennent la Belgique (29,99 pour la semaine 15), la France (21,63 pour la semaine 14), et l’Italie (21,32 pour la semaine 14).

Les graphiques d’Euromomo révèlent que beaucoup de pays européens (notamment la Hongrie, la Norvège, la Grèce, le Danemark) ne présentent pas d’excès de mortalité. Cela ne signifie pas, comme l’écrit le quotidien Libération, qu’ils n’ont pas eu de cas de coronavirus, mais que l’impact de la pandémie n’a probablement pas provoqué un excès de mortalité.

Le virus frappe surtout une région

Cela ne signifie pas pour autant que les cinq pays les plus touchés, l’Angleterre, l’Espagne, la Belgique, l’Italie et la France aient mal réagi à la pandémie. Le hasard joue également le rôle. Ainsi, on ignore ce qui se serait passé si Bergame n’avait pas joué le match de la Ligue des Champions contre Valence. Comme le rappelle le quotidien De Morgen, un virus a besoin de ce genre d’évènement pour se propager et si les personnes présentes viennent de toutes sortes de villes et de villages, c’est encore mieux pour lui.

Bergame durant le pic de l'épidémie
Bergame durant le pic de l’épidémie© Reuters

Pour le moment, il reste donc difficile d’évaluer précisément l’impact des mesures des gouvernements et de leur vitesse de réaction face à la propagation du virus, même s’il est d’ores et déjà certain que les maisons de repos ont joué un rôle important dans la mortalité. L’OMS estime en effet que 50% des morts du coronavirus résidaient en maisons de repos. « Cette pandémie met en lumière les pans moins valorisés de notre société qui ont été négligés », dénonce Hans Kluge, le directeur de la branche européenne de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Une stratégie pas infaillible

Si le taux de surmortalité semble un bon indicateur pour comparer les pays entre eux, et établir le véritable bilan du Covid-19, il n’est pas non plus infaillible. On ne peut en effet affirmer avec certitude que la surmortalité est due au virus. Il se peut qu’elle englobe également des décès indirects liés au coronavirus : par exemple des personnes souffrant d’autres pathologies qui ont retardé le moment de se rendre à l’hôpital par peur d’être contaminé. Inversement, les mesures destinées à endiguer le Covid-19 peut avoir fait baisser le nombre de décès sur la route ou de victimes de la grippe, dont la circulation est également ralentie.

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