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Suppression du vote obligatoire en Flandre: « C’est le principe même du fédéralisme »

Olivia Lepropre
Olivia Lepropre Journaliste au Vif

La Flandre va supprimer l’obligation de vote aux élections communales et provinciales. C’est l’une des mesures phares annoncées lors de la présentation de l’accord de coalition N-VA/CD&V/Open VLD. Avec quelles conséquences sur les autres Régions et les rapports de force entre partis ?

En Flandre, lors des prochaines élections communales et provinciales, les électeurs pourront choisir d’aller voter, ou non. Telle est la décision prise par la coalition du futur gouvernement flamand N-VA/CD&V/Open VLD, sous la houlette du ministre-président Jan Jambon. Si la thématique revient régulièrement à l’agenda politique flamand, c’est moins le cas pour les partis francophones.

Les élections communales et provinciales sont une compétence régionale organisée en Flandre par le décret du 8 juillet 2011 qui prévoit l’obligation de voter. Une contagion aux autres niveaux de pouvoir est-elle possible ? On fait le point avec Emilie Van Haute, présidente du Département de Science politique à l’ULB et chercheuse au Cevipol.

La suppression de l’obligation de vote lors des élections communales et provinciales flamandes risque-t-elle d’influencer les autres Régions ? Ne vont-elles pas se sentir obligées de s’aligner ?

Pas nécessairement. La régionalisation de la loi électorale le permet. Ce n’est pas nouveau. Les Régions ont d’ailleurs déjà adopté des mesures électorales qui diffèrent, sans que les autres Régions se soient forcément alignées. Par exemple, du côté wallon, on ne désigne pas le bourgmestre de la même manière qu’à Bruxelles. Il n’y a pas de raison que sur cette question de suppression du vote obligatoire les autres Régions s’alignent.

Côté francophone, les points de vue divergent dans les différents partis. La position en faveur de la suppression y est minoritaire, elle est principalement défendue par le MR.

Est-ce vraiment démocratique d’avoir ce déséquilibre entre les électeurs belges ?

À partir du moment où cette compétence a été régionalisée, on estime que chaque Région a le droit d’adopter des règles différentes. Dès qu’on régionalise, on autorise l’asymétrie, et ce dans tous les domaines concernés, qu’ils soient fiscaux, sociaux, économiques…. C’est également el cas en termes de mobilité ou même d’enseignement, où on ne paie pas le même minerval en Wallonie et en Flandre. On a de facto des asymétries, c’est le principe même du fédéralisme.

Quelles pourraient être les conséquences sur les rapports de force entre les partis en Flandre ? Avec quel impact sur la politique fédérale ?

Cela dépend en premier lieu de l’effet sur le taux de participation, qui va forcément diminuer. La question est de savoir quels sont les électeurs qui continueront à aller voter. L’effet principal sera que ceux qui votaient blanc ou nul ne voteront plus. Pour estimer l’évolution des rapports de force entre les partis, on peut s’appuyer sur quelques études menées lors d’élections précédentes. Si on fait des projections, les effets seraient faibles, mais tendraient à favoriser les partis de centre droit (comme la N-VA et le CD&V) et à défavoriser les partis de gauche (comme le s.pa). C’est aussi étroitement lié à la sociologie du vote (âge, niveau d’éducation…).

Selon les résultats d’une enquête réalisée par le consortium de recherche PartiRep (ULB, VUB, UCL, KUL, Anvers) à l’occasion des élections 2014, si le vote n’était pas obligatoire, le PS serait le grand perdant en Wallonie. Il lâcherait 4,1% de ses voix aux Européennes et 6,4% aux législatives alors que les libéraux et les écologistes en gagneraient (+2,6% et +2,8% pour le MR et +3,1% et +3,3% pour Ecolo). En Flandre, en revanche, les différences ne sont pas très importantes. Mais, selon l’étude, les groupes socialement plus faibles iraient moins voter en règle générale. (avec Belga)

Il faut aussi tenir compte de la spécificité des élections communales, où il y a beaucoup de cartels ou de listes d’entente. C’est compliqué de prévoir un effet sur les partis. Mais cela va sans doute favoriser les grosses listes.

Avec un risque supplémentaire de ne pas se déplacer aux autres élections ?

Cela peut créer de la confusion chez l’électeur, qui pourrait ne pas différencier les règles entre les différents niveaux. Mais avec le couplage des élections (régionale, fédérale, européenne) et les sanctions, l’incitation à aller voter est plus forte aux autres élections qu’aux communales.

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